PLF 2014 - Baisse des dotations, TVA... les élus locaux jugent l'addition salée
Bien qu'elle ait été annoncée par le gouvernement dès le 12 février dernier, la baisse d'1,5 milliard d'euros des dotations de l'Etat aux collectivités locales n'en entraîne pas moins encore "une certaine amertume" chez les élus locaux, a constaté André Laignel, le président du Comité des finances locales (CFL) à l'issue de la réunion de l'instance consacrée ce 24 septembre au projet de loi de finances pour 2014. Lors de cette séance au style "très convenu", selon un des participants, le ministre délégué en charge du budget, la ministre chargée de la décentralisation et sa ministre déléguée ont confirmé l'application du coup de rabot sur les collectivités locales. Les dotations de l'enveloppe normée (50,5 milliards d'euros en 2013) seront réduites de 3,1%. A l'intérieur de cette enveloppe, la dotation globale de fonctionnement (DGF) subira une cure de minceur de l'ordre de 3,3%.
Suivant les règles définies dans le pacte de confiance et de responsabilité élaboré par l'Etat à la suite de la conférence des finances locales du 16 juillet dernier (voir ci-contre nos articles des 16 et 19 juillet 2013) et conformément à l'accord passé entre les élus locaux au sein du CFL, la baisse que subira chaque niveau de collectivités sera calculée en fonction de la part de chacun dans les ressources totales du secteur public local. Ce qui aboutit à une réduction de 840 millions d'euros pour le bloc local (dont 70% pour les communes et 30% pour l'intercommunalité), de 476 millions d'euros pour les départements et de 184 millions d'euros pour les régions.
Modalités de la baisse des dotations : les maires en attente de précisions
Cette répartition de la pénurie entre les collectivités résulte de la mise en œuvre de modalités qui ont obtenu une approbation quasi-unanime chez les élus du bloc local. Ceux-ci devraient par conséquent être plutôt satisfaits. Mais l'affectation dès 2014 de 830 millions d'euros aux départements via le transfert par l'Etat des frais de gestion de la fiscalité locale – afin d'aider ceux-ci à faire face à leurs dépenses sociales – et la transformation de 600 millions d'euros de dotations affectées aux régions en ressources fiscales dynamiques font dire à certains d'entre eux que les départements, et les régions dans une moindre mesure, sont exemptés de l'effort demandé par l'Etat. A l'inverse, "aucune mesure ne viendra atténuer l'effort supporté par le bloc local", souligne André Laignel.
Les maires et présidents de communautés ignorent encore à cette heure comment les contributions des communes et groupements vont être calculés précisément. Ils ont demandé à la direction générale des collectivités locales (DGCL) de créer un groupe de travail technique destiné à cette question. Mais ils n'ont pas été pour l'instant entendus. Le CFL avait souhaité que le manque à gagner de chaque entité du bloc local soit calculé en fonction de ses recettes réelles de fonctionnement, sans définir le périmètre précis de cette notion. Certains craignent que l'Etat ne retienne au final que la référence de la DGF. "On ferait la guerre pour que cela ne soit pas le cas", réagit le responsable d'une association d'élus locaux, qui souligne combien certaines collectivités sont dépendantes de la principale dotation de l'Etat. "Il faut au minimum que soit pris en compte le produit des impôts directs locaux", poursuit-il.
Une réduction plus conséquente dans certaines collectivités
Pour certaines collectivités, la réduction des dotations pourrait être supérieure à 3,3%, s'inquiète-t-on également parmi les élus. Dans un contexte de baisse des dotations, la progression de la péréquation (sous la forme, d'une part, des dotations d'Etat et, d'autre part, d'une redistribution des ressources fiscales locales) va affecter les budgets de certaines collectivités moins défavorisées que les autres. "Les territoires industriels" en particulier vont souffrir, pointe un proche des élus urbains. L'intercommunalité devrait aussi être mise à contribution, via une réduction de la dotation de compensation de la part salaires – ceci devant toutefois encore être confirmé.
A l'inverse, le choc de la réduction des dotations de l'Etat devrait être en partie amorti pour les communes et leurs groupements les moins aisés financièrement. En 2014, la dotation de solidarité urbaine (DSU) va progresser de 60 millions d'euros (+ 4%), tandis que la dotation de solidarité rurale (DSR) sera abondée de 39 millions d'euros (+ 4% également). La dotation nationale de péréquation (DNP) progressera quant à elle de 10 millions d'euros.
Dans le même temps, le fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales (Fpic) passera de 360 millions d'euros en 2013 à 570 millions d'euros l'année prochaine. Avec, d'ailleurs, une répartition un peu différente de celle de l'année dernière. Afin de mieux prendre en compte les charges, le revenu par habitant entrera à hauteur de 25% (contre 20% aujourd'hui) dans les critères servant au prélèvement. La condition de l'effort fiscal sera plus stricte (0,85% au lieu de 0,75%) pour que les collectivités aux taux bas ne soient pas les passagers clandestins du dispositif. Le fonds de solidarité des communes de la région Ile-de-France (FSRIF) s'élèvera, lui, à 230 millions d'euros (20 millions d'euros de plus qu'aujourd'hui).
Davantage de CVAE pour les territoires industriels
Par ailleurs, les territoires industriels bénéficieront d'une révision des règles de la répartition du produit de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Un coefficient de 5 (et non 2 comme actuellement) sera appliqué aux composantes de la taxe pesant sur les établissements industriels (valeurs locatives et effectifs). "Cela va dans le bon sens. Mais l'impact sera assez modéré, de l'ordre de cent millions d'euros en plus pour les territoires industriels. La mesure pourrait même être sans impact dans les zones où le tissu industriel est fait essentiellement de filiales", réagit Nicolas Portier, délégué général de l'Assemblée des communautés de France. Celui-ci précise qu'il ne s'agit pas d'une hausse de la fiscalité des entreprises, mais d'une répartition différente du produit de la CVAE.
Les demandes formulées par le CFL en faveur d'un lissage sur trois ans de la "contribution" des collectivités à l'effort de maîtrise des dépenses publiques et d'un fléchage de celle-ci vers un fonds dédié aux investissements locaux s'est heurté à un refus du gouvernement. Cela aurait permis d'atténuer le choc de la baisse des dotations.
Ajustement du FCTVA : le gouvernement dit non
Ce choc va être d'autant plus rude que les collectivités font face à de nouvelles dépenses obligatoires dont André Laignel estime le montant à 1,8, voire 2 milliards d'euros. Parmi elles, il cite la hausse des cotisations des employeurs pour la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL), la réforme des rythmes scolaires, l'augmentation des rémunérations des agents de catégorie C, la hausse de la TVA.
Les élus locaux sont d'autant plus inquiets que le gouvernement ne compte pas ajuster le taux forfaitaire du fonds de compensation pour la valeur ajoutée (FCTVA). Alors que "tous les gouvernements, quelle que soit leur appartenance politique, ont adapté le taux de ce remboursement" en fonction de l'évolution du taux normal de TVA, rappelle André Laignel, le gouvernement Ayrault refuse pour l'instant toute modification du taux du FCTVA. "Le gouvernement invoque l'élargissement de la base des investissements éligibles au FCTVA qui a eu lieu au cours des dernières années", explique l'un des participants de la réunion du CFL. Selon lequel le gouvernement rappelle, aussi, que certaines dépenses locales grevées au taux de TVA de 5,5% sont éligibles au taux du FCTVA (15,4%).
Les élus locaux espèrent que le débat parlementaire permettra de remettre en cause cette orientation. "C'est un point dur", insiste André Laignel. Pour qui le maintien du taux du FCTVA occasionnerait une perte de 200 à 250 millions d'euros pour les collectivités.
Ajustement des impôts des PME : les collectivités perdantes ?
La révision de l'assiette de la cotisation minimum de cotisation des entreprises pourrait aussi entraîner une perte de ressources pour les communes et les intercommunalités. Le montant de la taxe serait défini en fonction de six tranches – au lieu de trois – calées sur le chiffre d'affaires des PME et en fonction de l'appartenance au régime des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) ou des bénéfices non commerciaux (BNC). Les plafonds étant définis à des niveaux bas, le manque à gagner pour le bloc local pourrait s'élever à 160 millions d'euros, a indiqué André Laignel. Selon lui, contrairement aux déclarations du gouvernement, la réforme ne sera pas compensée financièrement par la taxation des auto-entrepreneurs (105 millions d'euros escomptés). "Les communes qui ont peu d'auto-entrepreneurs pourraient prendre de plein fouet l'application de la réforme", explique le président du CFL. L'instance a par conséquent demandé que la mise en œuvre des nouvelles règles soit facultative.
Du fait de la réduction des dotations, des risques pesant sur les ressources locales et du poids des dépenses nouvelles, les élus locaux ont de nouveau tiré la sonnette d'alarme concernant les investissements locaux en 2014 et au-delà. Jusque-là épargnés, les investissements des communes et de leurs groupements pourraient bien, en effet, faire les frais de ce contexte, soulignent-ils.