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Territoires - Agro-écologie : Stéphane Le Foll souhaite voir la moitié des exploitations engagées d'ici à 2025

A l'occasion d'un point d'étape sur son projet pour l'agro-écologie lancé fin 2012, le ministre de l'Agriculture a indiqué, mardi, qu'il espérait voir la moitié des exploitations françaises engagées dans la démarche d'ici 2025. Reste à définir des critères et un outil de diagnostic qui sera mis au service des agriculteurs à partir du mois de septembre. Les régions joueront une part active dans la mise en oeuvre de la démarche.

Les mois qui viennent vont être déterminants pour savoir si oui ou non la France souhaite prendre le tournant de l'agro-écologie et s'ériger en modèle mondial, comme le claironne le ministre de l'Agriculture depuis de nombreux mois. "Nous avons la capacité de montrer qu'un grand pays comme le nôtre enclenche un processus d'agro-écologie", a encore martelé Stéphane Le Foll, mardi 17 juin, lors d'une conférence de presse qui suivait de quelques jours la tenue du comité de suivi de son projet agro-écologique lancé fin 2012.
Lors ce point d'étape, le ministre s'est risqué à un objectif ambitieux : que la moitié des exploitations françaises se soient engagées dans ces pratiques d'ici à 2025. Un objectif "tout à fait atteignable", selon le ministre qui assure que "35.000 exploitations ont déjà intégré ce projet". Encore faut-il s'entendre sur des critères. L'agro-écologie se détermine par la "triple performance" des exploitations : performance économique, respect de l'environnement, en limitant au maximum le recours aux intrants chimique, et réponse aux attentes de la société. Pour mieux se repérer dans ces objectifs assez vagues, des indicateurs seront définis d'ici "fin septembre début octobre". "A la fin de l'année, nous aurons une photo de l'année 1 de l'agro-écologie", a déclaré le ministre, précisant : "Il ne sera pas question de remplir des papiers, c'est nous qui travaillons… pour une labellisation en quelque sorte."

Outil de diagnostic

Le projet de Stéphane Le Foll, qu'il qualifie de "mutation douce et profonde", repose sur une mise en œuvre volontariste avec un accompagnement des agriculteurs et l'appui des réseaux partenaires comme les chambres d'agricultures, les Civam (Centres d'initiatives pour valoriser l'agriculture et le milieu rural), les régions ou encore France Nature Environnement... Pour les aider, un "outil de diagnostic" sera disponible sous forme de prototype en septembre avant d'être généralisé sur le territoire fin 2014, début 2015. Il leur permettra de mesurer les performances de leur exploitation.
Selon le ministre, le projet est "global". Il englobera toute une série de dispositifs lancés au fil des derniers moins : le plan écophyto qui vise à réduire l'usage des pesticides, le plan méthanisation qui prévoit de passer à 1.000 méthaniseurs d'ici 2020, le plan Ambition Bio 2017, le plan "enseigner à produire autrement", la nouvelle Politique agricole commune, la loi d'avenir qui définit l'agro-écologie dans son article 1er et crée les groupements d'intérêt économique et environnemental (GIEE). Déjà adopté en première lecture, le texte arrivera à nouveau l'Assemblée en deuxième lecture les 8 et 9 juillet et en octobre au Sénat, a annoncé le ministre. Avant même l'adoption de la loi, le ministère a lancé un appel à projets qui a permis de sélectionner, en janvier, 103 projets de GIEE sur 469 dossiers de candidatures. 3.300 exploitations pourront ainsi expérimenter durant deux ou trois ans de nouveaux modes de production agro-écologiques : autonomie alimentaire des troupeaux, réduction des intrants, conservation de sols… Une enveloppe de 6,7 millions d'euros leur est consacrée.

Un "signal politique fort"

D'autres mesures vont rapidement se concrétiser. Dès la rentrée 2014, le BTSA "Analyse et conduite de systèmes d'exploitation" intégrera ces modes de productions alternatifs. Ce sera le cas pour la bac pro "Conduite et gestion de l'exploitation agricole" à la rentrée 2015.
Le ministère compte sur les régions, désormais autorités de gestion du deuxième pilier de la PAC, avec qui il vient de lancer le "plan de compétitivité et d'adaptation des exploitations", le 4 juin. Elles géreront aussi les mesures agro-environnementales et agro-climatiques (Maec), ainsi que les aides au bio. "Les régions sont des acteurs incontournables dans la mise en œuvre du projet d'agro-écologie... Le garant de l'efficacité", s'est félicité le président de la région Auvergne, René Souchon, qui a défendu un "besoin de subsidiarité" pour l'application du projet.
Sceptiques il y a quelques mois sur les orientations prises par la France en matière agro-écologique, notamment au regard de la mise en œuvre de la Politique agricole commune, les associations environnementales restent prudentes mais se satisfont des orientations prises. "C'est un signal politique fort, une volonté d'élargir le débat agricole à la société civile et au monde associatif", s'est félicité Jean-Claude Bévillard, vice-président de France nature environnement.
Au mois de mars, un collectif d'une dizaine d'associations et syndicats agricoles s'étaient fendus d'une lettre ouverte à Stéphane Le Foll pour souligner les incohérences de la politique française : fléchage des aides du deuxième pilier sur la modernisation et l'agrandissement des exploitations plus que sur l'installation, inclusion des méthaniseurs dans l'agro-écologie, accélération des négociations sur l'accord de libre-échange avec les Etats-Unis avec l'arrivée prévisible des viandes aux hormones ou issues d'animaux clonés… Sans parler de l'inauguration prochaine de la "ferme des 1.000 vaches", dans la Somme. "Cette démarche volontaire ne suffira pas face au rouleau compresseur de l'agriculture productiviste qui vient des firmes", maintient aujourd'hui le coordonnateur de ce collectif, Samuel Féret, qui représentait la fondation Nicolas-Hulot lors du dernier comité de suivi du projet gouvernemental. Mais, ajoute-t-il, "il faut prendre la démarche pour ce qu'elle est et la soutenir" : "Elle cible moins les acteurs de l'agro-alimentaire que les acteurs du développement agricole en France, les agriculteurs, les instituts techniques, les chambres d'agricultures, leurs groupes de développement… On agit sur la recherche et l'enseignement, mais il n'est toujours pas question de changer les prescriptions en aval. Cela dit, on a besoin de beaucoup plus de connaissances, il faut insister sur les innovations sociales." Le collectif restera "extrêmement prudent". "La France est regardée d'assez prêt sur cet agenda", souligne Samuel Féret. Rendez-vous est pris à Rome pour un colloque international qui sera organisé à l'initiative de la FAO et de la France cette année. La France y présentera son projet.

 

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