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Economie / Aménagement - Les Safer mettent en garde contre les risques liés à la "financiarisation" des terres agricoles

Pour la Fédération nationale des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (FNSafer) qui présentait ce 28 mai son analyse des marchés fonciers ruraux en 2013, il y a péril en la demeure pour le modèle agricole français. En 10 ans, la proportion de biens acquis par des sociétés d'exploitation agricole est passée de 2,6% à 9,2%. Ces sociétés qui achètent de plus en plus de terres voient donc leur part de marché s'accroître d'année en année. "Elles acquièrent en leur nom propre des terres libres, pour s'agrandir, et également les terres louées qu'elles exploitent, pour conforter leur assise foncière, observe la FNSafer. En 2010, elles détenaient déjà 10% des surfaces en faire-valoir direct. Elles recueillent par ailleurs de plus en plus de baux en leur nom." Ce qui inquiète la Fédération, ce sont les effets collatéraux de cet accès à l'exploitation agricole par achat de parts sociales. De nouveaux investisseurs, souvent étrangers à l'agriculture, apparaissent ainsi sur ce marché en développement. Le projet de ferme des "Mille vaches" près d'Abbeville, dans la Somme, développé par un entrepreneur du BTP, est révélateur de cette évolution et les exemples de ce type se multiplient sans que les Safer soient informées de ces transactions et de l'affectation des terres. "En l'état actuel des choses, nous ne nous en apercevons que lorsque la couleur des tracteurs change", glisse en forme de boutade Emmanuel Hyest, président de la FNSafer. Outre le fait qu'elles n'ont pas leur mot à dire, les Safer s'inquiètent de la remise en cause du modèle de l'exploitation familiale qui résulte de l'absence de transparence sur le capital foncier des exploitations. "On est en train de passer à un système de holding où on ne sait pas qui est véritablement l'exploitant, ce qui peut être lourd de conséquences pour l'avenir de notre territoire en termes de maîtrise des sols, d'emplois, de valeur ajoutée mais aussi pour notre souveraineté alimentaire à long terme si cela conduit à abandonner certaines productions qualitatives, prévient Emmanuel Hyest. Cela est d'autant plus préoccupant que l'"on importe déjà l'équivalent de 35 millions d'hectares en Europe, soit plus que la production française", poursuit-il. La FNSafer espère donc que des garde-fous seront instaurés dans le cadre de la loi d'avenir pour l'agriculture. Elle cite ainsi l'exemple des actionnaires des sociétés cotées, qui ont l'obligation de déclarer le franchissement de seuils dans leur prise de participation, sous peine de sanctions et suggère que les Safer puissent avoir un droit de regard lors des transferts de parts sociales qui n'entrent pas dans le champ de la transmission familiale, de même que sur les transferts de nue-propriété, en cas de démembrement de propriété.
Les chiffres 2013 des marchés fonciers ruraux montrent par ailleurs que si on est encore loin du "zéro artificialisation" des terres agricoles fixé par la Commission européenne à l'horizon 2050, le mouvement de grignotage connaît un coup de frein. La crise y contribue fortement puisque les transactions de terrains destinés à l'urbanisation (logements, équipements collectifs, infrastructures…) ont baissé d'un peu plus de 10% par rapport à 2012 et les surfaces concernées de 11,8%, à 24.700 hectares. Au-delà de la crise qui a conduit les particuliers et les collectivités à freiner leurs acquisitions de terrains, la FNSafer décèle une tendance à la densification plus marquée qu'auparavant, avec une surface moyenne de 2.000 m2 par lot. "On note une prise de conscience de la part des élus, constate Emmanuel Hyest. Aujourd'hui, les documents d'urbanisme mis en œuvre concentrent le développement urbain sur les bourgs les plus importants, la surface dédiée à l'urbanisation future occupe une place moins importante et on commence aussi à voir des exemples de parkings de grande surface construits sur plusieurs niveaux, par exemple." Autre avancée pour la Fédération : le rôle des commissions départementales de consommation des espaces agricoles, qui vont connaître de nouvelles évolutions dans le cadre de la loi d'avenir pour l'agriculture. Leur avis deviendra en effet contraignant dans certains cas.
 

 

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