Enfance - Adoption : une réforme à deux têtes
Un projet à deux têtes : ainsi apparaît désormais le projet de réforme de l'adoption, lancé à la suite du rapport de Jean-Marie Colombani remis en mars dernier. Longtemps très discret sur le sujet et se positionnant plutôt comme le "prestataire" d'un dispositif piloté par les Affaires sociales, le ministère des Affaires étrangères entend en effet s'affirmer comme le gestionnaire direct du volet international de l'adoption. Cette tendance, déjà en germe depuis quelques semaines (voir notre article ci-contre), se concrétise aujourd'hui avec deux annonces séparées - mais néanmoins officiellement coordonnées - de Nadine Morano et Rama Yade.
Côté Affaires sociales, la secrétaire d'Etat chargée de la Famille présente dans une interview au quotidien La Croix les grandes lignes de sa réforme de l'adoption. Rappelant que celle-ci figurait dans la lettre de mission adressée par Nicolas Sarkozy à Xavier Bertrand, elle annonce que le président de la République a décidé la création d'un comité interministériel, animé par la secrétaire d'Etat chargée de la Famille, et qui aura précisément pour objectif de mettre en place "une action lisible et coordonnée" avec les Affaires étrangères. Sur le fond, Nadine Morano entend renforcer l'encadrement de la procédure d'agrément, assurée par les présidents du conseils généraux. Elle prévoit notamment que "les candidats qui n'auront pas confirmé leur projet d'adoption, comme ils doivent le faire tous les ans auprès du conseil général, se verront automatiquement retirer leur agrément". Elle annonce aussi un renforcement de l'information et de la formation des candidats, qui deviendront obligatoires, ainsi que le développement des consultations médicales pour l'orientation et le conseil pour l'adoption. Comme déjà annoncé, la réforme devrait également passer par une modification de l'article 350 du Code civil, qui définit le délaissement d'enfants. L'objectif est d'augmenter le nombre des déclarations judiciaires d'abandon (219 en 2006, pour 23.000 enfants placés après décision d'un juge). Deux mesures sont prévues à ce titre. D'une part, les travailleurs sociaux devraient être invités, dès la première année de placement, à "dire si, oui ou non, l'enfant est délaissé par ses parents". D'autre part, les parquets pourraient désormais saisir le tribunal d'une demande de déclaration d'abandon. Echaudée par les réactions à ses premières annonces, Nadine Morano prend toutefois bien soin de préciser que ces déclarations d'abandon ne sauraient avoir un caractère automatique. Enfin, le ministère réfléchit à la mise en place d'un portail national centralisant toutes les informations sur l'adoption et facilitant les mises en relations.
Côté Affaires étrangères, la secrétaire d'Etat chargée des Droits de l'homme a choisi Le Parisien - Aujourd'hui en France pour présenter son volet de la réforme. Elle annonce en particulier la mise en oeuvre des dix mesures préconisées par le rapport Colombani sur le sujet, avec pour objectif d'améliorer le système français, jugé "pas assez performant". La mesure la plus spectaculaire est la création d'un "Peace Corps" à la française. Grâce à une convention avec l'Association des volontaires du progrès, "de jeunes Français vont être formés et envoyés à l'étranger pour faciliter l'adoption par les familles françaises". Ils seront placés, pour une durée de deux ans, auprès des ambassades de France. Le premier sera en poste au Cambodge dès le mois d'août. Quatre nouveaux pays seront pourvus à partir d'octobre, et une vingtaine à partir de 2009. Ces volontaires "auront aussi pour mission d'éviter les dérives comme celles de l'Arche de Zoé". L'action de ces jeunes volontaires et la politique du Quai d'Orsay en la matière seront coordonnées par Jean-Paul Monchau, nommé le 27 juin ambassadeur chargé de l'adoption internationale.
Jean-Noël Escudié / PCA