Enfance - La réforme de l'adoption se précise
Trois mois après la remise du rapport de Jean-Marie Colombani, qui portait un jugement très critique sur le dispositif français, et huit mois après le début de l'affaire de l'Arche de Zoé, le gouvernement prépare une nouvelle réforme de l'adoption. La secrétaire d'Etat chargée de la Famille devrait ainsi annoncer prochainement la mise en place d'un nouveau portail consacré à l'adoption et destiné plus particulièrement aux candidats à l'agrément et aux parents en attente d'un enfant. Il est toutefois peu probable que ce nouveau site - qui complétera ou se substituera à celui de l'Agence française de l'adoption (AFA) créée par la loi du 4 juillet 2005 - adopte l'approche très pragmatique, mais peu conforme à l'approche française, du site officiel américain AdoptUSkids, qui présente en ligne les enfants américains adoptables.
Mais le coeur de la réforme pourrait consister en une nouvelle modification de l'article 350 du Code civil, qui prévoit la possibilité pour la justice de déclarer abandonné un enfant dont les parents naturels se sont "manifestement désintéressés", au sens où ils "n'ont pas entretenu avec lui les relations nécessaires au maintien de liens affectifs". Cet article du Code civil avait pourtant déjà été modifié par la loi du 4 juillet 2005 portant réforme de l'adoption, mais sans véritable effet sur le volume des adoptions nationales. Les signalements d'abandon au sens de l'article 350 du Code civil émanant le plus souvent des services sociaux - en particulier ceux de l'aide sociale à l'enfance -, Nadine Morano envisage d'organiser une réunion avec les représentants des départements pour définir plus précisément la notion d'abandon. Cette réunion pourrait également être l'occasion de discuter de la procédure d'agrément des candidats à l'adoption, vivement critiquée par le rapport Colombani.
Cette concentration des réflexions de la secrétaire d'Etat chargée de la Famille sur l'adoption nationale tient aussi à des querelles d'attribution. Après l'affaire de l'Arche de Zoé, le dossier de l'adoption internationale a en effet été confié à Rama Yade, la secrétaire d'Etat chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme. Le Quai d'Orsay, qui se comportait jusqu'alors plutôt en "prestataire", entend désormais jouer un rôle de décideur à part entière. La nomination, lors du Conseil des ministres du 25 juin, d'un "ambassadeur chargé de l'adoption internationale" confirme cette tendance. Or les deux volets de l'adoption comportent pourtant un important tronc commun, qui concerne notamment les départements.
Il est donc très probable que la réforme en préparation constituera, comme les précédentes, une nouvelle déception, face à des pays en développement de moins en moins ouverts à l'adoption internationale et à des adoptions nationales dont le potentiel de croissance est très limité, avec ou sans réforme de l'article 350 du Code civil. Xavier Bertrand - très discret pour l'instant sur ce dossier - avait pourtant indiqué lors d'un colloque en novembre 2007, en pleine affaire de l'Arche : "Nous devons tenir un discours de vérité à ceux qui souhaitent adopter." Il n'avait pas hésité à rappeler que "ce sont [...] les droits de l'enfant - et non un quelconque droit à l'enfant - qui sont au centre de l'adoption internationale".
Jean-Noël Escudié / PCA