Enfance - Adoption : un projet de loi pour assouplir la notion de délaissement

Après la mise en place d'un comité interministériel pour l'adoption, par un décret du 30 janvier 2009, la nouvelle réforme de l'adoption vient de franchir une étape supplémentaire avec la présentation, au Conseil des ministres du 1er avril, d'un projet de loi relatif à l'adoption. Les grandes lignes de cette réforme, dont le projet de loi constitue l'une des composantes, avaient déjà été exposées lors d'une communication conjointe de Nadine Morano et Rama Yade au Conseil des ministres du 28 août dernier.
La principale disposition du projet de loi présenté par la secrétaire d'Etat chargée de la famille est aussi la plus controversée de la réforme. Faute de véritables perspectives de développement de l'adoption internationale, la mesure envisagée consiste en effet à élargir les possibilités d'adoption nationale. Celles-ci sont aujourd'hui limitées par le faible nombre de déclaration d'abandon à la suite d'un délaissement manifeste des parents naturels. La réforme consiste donc à modifier l'article 350 du Code civil, relatif à "l'enfant recueilli par un particulier, un établissement ou un service de l'aide sociale à l'enfance, dont les parents se sont manifestement désintéressés" et à la déclaration d'abandon. Le projet de loi prévoit que les services de l'aide sociale à l'enfance (ASE) des départements devront évaluer dès la première année de placement - puis chaque année - l'existence ou non d'un délaissement de l'enfant par ses parents biologiques. Dans ce cas, le parquet pourra saisir le tribunal d'une demande en déclaration d'abandon. Il n'est toutefois pas certain qu'une telle mesure aura un impact significatif sur le nombre d'adoptions, face aux 30.000 candidats agréés par les présidents de conseils généraux. En effet, on estime que les enfants se trouvant dans la situation de délaissement prévue par l'article 350 du Code civil représentent environ 1% des 23.000 enfants pris en charge par les départements et placés en établissements ou familles d'accueil. Une interprétation plus souple de cette notion ne devrait donc pas augmenter de façon importante le nombre d'adoptions.
En revanche, la mesure ne devrait pas manquer de susciter la polémique. Depuis plusieurs décennies, la politique de l'aide sociale à l'enfance et les travailleurs sociaux des départements sont profondément orientés vers le maintien des liens de l'enfant avec sa famille biologique. Plutôt qu'une mesure législative, le rapport de Jean-Marie Colombani sur l'adoption, remis à Nicolas Sarkozy en mars 2008 préconisait d'ailleurs la mise en place d'une conférence de consensus, pour faire évoluer la pratique. Interrogée par l'AFP, l'association ATD Quart Monde n'a pas manqué d'affirmer que "le délaissement est une notion très subjective, dont les causes peuvent être des difficultés personnelles, la perte d'estime de soi chez les parents vivant en grande précarité ou simplement des droits de visite éloignés du domicile". L'association a aussitôt demandé la réunion de la conférence de consensus envisagée par le rapport Colombani. Consciente des risques de contestation, Nadine Morano a d'ailleurs pris soin de préciser qu'il n'était pas question de fixer des objectifs chiffrés sur le nombre de déclarations d'abandon. Elle a également chargé l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) "de consulter les travailleurs sociaux" pour définir "les critères du délaissement parental".
Parmi les autres mesures du projet de loi figure notamment le principe d'une confirmation annuelle, auprès du président du conseil général, de la demande d'adoption par les candidats agréés. Selon Nadine Morano, une expérience de ce type menée dans le département du Nord aurait montré qu'un tiers des agréments délivrés était devenu caduc (abandon du projet d'adoption, séparation du couple, naissance d'un enfant naturel...). Enfin, une autre mesure, portant sur l'adoption internationale, pourrait également donner lieu à polémique. Elle consiste à autoriser l'Agence française de l'adoption (AFA) à intervenir dans des pays non signataires de la convention de La Haye de 1993 sur l'adoption internationale. Venant d'un organisme officiel - et non d'une association habilitée -, une telle prise de position risque en effet de contribuer à affaiblir la portée de la convention et des garanties qui s'y rattachent.

 

Jean-Noël Escudié / PCA

 

Référence : projet de loi relatif à l'adoption (présenté au Conseil des ministres du 1er avril 2009).

Un site officiel dédié à l'adoption

Le jour de la présentation du projet de loi en Conseil des ministres, le gouvernement a mis en ligne un site dédié à l'adoption (voir lien ci-contre). Celui-ci se veut "le site officiel d'information sur l'adoption d'un enfant, en France ou à l'étranger". Son originalité est d'être commun au ministère chargé des affaires sociales et à celui des affaires étrangères, comme en attestent les photos côte à côte de Nadine Morano et Rama Yade en page d'accueil. Très pédagogique, ce site marque un progrès incontestable et fournit aux candidats à l'adoption un grand nombre d'informations pratiques. Différences culturelles obligent, on est toutefois encore très loin du site américain de l'adoption nationale "Adopt Us Kids" (lien ci-contre), avec sa présentation des enfants à adopter, ses reportages sur les familles et son travailleur social du mois. Symbole de cette différence d'approche, la rubrique "Les acteurs de l'adoption en parlent" ne comporte pas, pour l'instant, de témoignages de candidats ou de parents adoptifs, mais le texte intégral du rapport Colombani et une interview vidéo de Jean-Paul Monchau, l'ambassadeur chargé de l'adoption internationale...

 

Pour aller plus loin

Voir aussi

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis