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L'année 2019 marquée par une hausse de la délinquance enregistrée

Le ministère de l'Intérieur vient de publier le bilan définitif de "l'insécurité et de la délinquance" en 2019, qui révèle une hausse – parfois très forte – de la plupart des infractions, affectant l'ensemble du territoire. Un bilan qui "oscille entre médiocre et mauvais en matière de criminalité enregistrée", estime le criminologue Alain Bauer.

Sur fond de débat sur la réalité ou non de "l'ensauvagement de la société", le service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI) vient de publier le bilan statistique définitif de l'insécurité et de la délinquance en 2019 (quatrième du genre).
"Ces chiffres ont déjà été publiés début janvier et ont été peu commentés. Il s’agit là d’une version comportant des analyses complémentaires, des corrections parfois un peu étonnantes, sur les homicides notamment, et un appareillage méthodologique intéressant mais toujours incomplet – la diffusion de la fiche Excel '4001' source n’est en effet toujours pas accessible", explique le criminologue Alain Bauer, professeur au Conservatoire national des arts et métiers (Cnam), à Localtis. Des corrections que le SSMSI explique notamment par le retraitement des doublons (par exemple lors du transfert de dossiers entre services) et les requalifications opérées avec l'avancement des enquêtes. "Les doublons, c’est logique, quoique perturbant la lisibilité de l’ensemble à partir de 2015", juge Alain Bauer, qui se fait en revanche beaucoup plus circonspect sur les requalifications : "C’est aventureux et dangereux, sauf à gérer une qualification pénale immédiate dès l’enregistrement (ce que font les gendarmes). Pour les enquêtes, la requalification pénale peut survenir très tard, ce n’est pas un objet neutre... Appliquée à tout le dispositif, notamment en matière sexuelle, cela le ferait s’effondrer." 
Les données sont en outre complétées par une présentation synthétique des résultats 2018 de l'enquête de victimation "Cadre de vie et sécurité" réalisée par l'Insee et l'ONDRP (qui semblaient alors encourageantes). "Les chiffres du 'réel connu et enregistré' doivent toujours être complétés par les éléments du 'réel vécu', qui n’a rien à voir avec le pseudo 'sentiment d’insécurité', concept sans contenu", approuve Alain Bauer, qui déplore "la disparition hélas programmée de ces outils pour d’obscures raisons comptables". 

Augmentation quasi généralisée sur l'ensemble du territoire

Sur le fond, l'étude fait ressortir une augmentation quasi généralisée des violences et de la délinquance :
• hausse des victimes d'homicides (880, + 4% vs 2018) ;
• hausse des coups et blessures volontaires sur personnes de 15 ans ou plus, comme en 2018 (+ 8%, près de 260.000 victimes), due essentiellement aux violences intrafamiliales, qui progressent elles de 14 %. Un chiffre qui sous-estime "pourtant" le phénomène, puisque selon l'enquête de victimation "la majorité des victimes ne déclarent pas les faits". Une hausse qui affecte par ailleurs l'ensemble du territoire, à l'exception de l'Aude, des Hautes-Alpes et de la Somme ;
• nouvelle hausse des violences sexuelles (+ 12% vs 2018, où elles étaient déjà en hausse de 19%, avec 53.000 victimes, nouveau "point haut" sous-estimant pourtant "encore largement le phénomène") ; hausse là encore généralisée à l'exception des Alpes-de-Haute-Provence et du Cantal ;
• hausse des vols sans violence contre des personnes (+3%), due en grande partie à la forte augmentation constatée en Île-de-France, et plus particulièrement à Paris ;
• hausse des escroqueries et infractions (+ 11%, 360.000 victimes enregistrées).

Quelques indicateurs sont toutefois stables ou en très légère baisse : les vols avec violence (-2%, 86.000 infractions enregistrées), qui concernent surtout les jeunes (victimes comme auteurs), les vols liés aux véhicules (-2%, 138.000 véhicules volés déclarés, qui se produisent "relativement fréquemment dans les périphéries des agglomérations et les zones rurales"), les cambriolages de logements (stables, les 13-29 ans étant surreprésentés parmi les auteurs présumés), les destructions et dégradations volontaires (- 1% vs 2018, année marquée toutefois par une forte progression du phénomène, le signalement par les victimes restant en outre "peu fréquent"), à l'exception notable de l'Île-de-France, et dans une moindre mesure de la Corse et de la Nouvelle-Aquitaine.
L'enquête relève également le fait que les territoires ultramarins restent globalement plus exposés aux infractions violentes et que l'impact des "manifestations sociales", varié en fonction des villes, a été particulièrement important à Bordeaux, Charleville-Mézières, Rouen, Toulouse, Caen et Paris.

2019, un millésime oscillant entre "médiocre et mauvais"

"Globalement, on peut considérer, au vu des éléments pris sur le temps long et avec des sources multiples, que l’année 2019 présentera un bilan oscillant entre médiocre et mauvais en matière de criminalité enregistrée", synthétise Alain Bauer. Le criminologue souligne par ailleurs (sur Cnews, le 25 septembre) que le "taux d'homicidité", qui inclut les tentatives d'homicides ("qui ne sont que des homicides qui ont raté"), meilleur indicateur selon lui du niveau de violence d'une société, a atteint en 2019 son plus haut niveau jamais calculé quantitativement en France depuis 1972 et le troisième si on le rapporte à la population.
Et de nous indiquer qu'"il reste maintenant au ministère de l’Intérieur à commencer à communiquer non pas sur les chiffres de la 'concurrence', qui ne dépendent pas de lui en production (le crime), mais sur ceux dont il est directement responsable : l’efficacité de ses polices (présence sur la voie publique, élucidation, succès….)." Un vœu qui devrait être – partiellement – exaucé prochainement, Gérald Darmanin et Marlène Schiappa ayant annoncé le 4 septembre dernier, dans un entretien au Parisien, qu'ils communiqueront désormais en début de mois, dès octobre, un bilan de l'activité des forces de l'ordre, qui "reprendra six points : la lutte contre les stupéfiants, les chiffres des violences conjugales, intrafamiliales et sexuelles, les heures de patrouilles pédestres sur la voie publique des gendarmes et des policiers, celles dans les transports publics également, le nombre de dérives sectaires signalées, et aussi le thème de de l'immigration et de l'asile". 

 

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