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Agression des élus : une réunion "constructive"... et une nouvelle circulaire aux parquets

La réunion interministérielle avec les associations d'élus locaux qui s'est tenue ce 2 septembre au matin a été jugée "constructive" par l'ensemble des participants. Les élus attendent toutefois désormais des actes. Une nouvelle circulaire de politique pénale devrait être prochainement adressée aux parquets. Insulter un élu serait poursuivi pour outrage, et non plus pour injure.

Les insultes contre les maires seront bientôt considérées comme des outrages. Tel devrait être le premier résultat concret de la réunion interministérielle qui s'est tenue ce matin à Matignon avec les principales associations d’élus et qui avait pour objet la montée des violences contre ces derniers. "Nous allons suggérer au parquet de retenir cette qualification, car le maire qui est insulté, c'est un maire qui, au sens du droit pénal, est un maire outragé", a déclaré le garde des Sceaux. Éric Dupond-Moretti – qui a rappelé que, contrairement à l'injure, "qui est souvent la qualification retenue" dans ces affaires, celle d'outrage permet la mise en œuvre des travaux d'intérêt général – a promis une circulaire "dans les prochains jours, voire dans les prochaines heures". 

"Exacerbation des faits de violence"

Tout à la fois "souhaitée" par le ministre de la Justice et "demandée" à ce dernier par le Premier ministre en réaction à l'augmentation des agressions à l'encontre des élus locaux déplorée cet été  (v. notre article), cette réunion – à laquelle participaient le Premier ministre, les ministres de l’Intérieur, de la Cohésion des territoires et de la Justice ainsi que le porte-parole du gouvernement – a été "constructive et positive", de l'aveu de Gaël Perdriau, président de la commission Sécurité de France Urbaine et maire de Saint-Étienne, interrogé par Localtis : "On a été écouté, on a été entendu. Ministres et élus se sont retrouvés sur les constats et les moyens à mettre en œuvre."

Côté constats, Gaël Perdriau souligne que les élus ont insisté sur le fait que "l’exacerbation des faits de violence, déplorée depuis la sortie du confinement par toutes les communes, urbaines comme rurales, sur l’ensemble de leur territoire, ne concern[ait] malheureusement pas que les élus, et plus généralement les représentants de l’autorité, mais bien l’ensemble des Français". Outre les agressions, l'élu stéphanois relève tout à trac l'essor des tapages, des conflits de voisinage, des violences intrafamiliales, etc.

Cette unanimité sur le constat peut néanmoins surprendre, tant la "montée de l'insécurité" a donné lieu à d’âpres échanges ces derniers jours. La veille de la réunion, le ministre de la Justice la réfutait d'ailleurs sur Europe 1, dénonçant la "surenchère populiste" de l’opposition en la matière – avec notamment dans le viseur "l’été Orange mécanique" de Xavier Bertrand ou la dénonciation des "barbares" faite par Valérie Pécresse. "La France n’est pas un coupe-gorge", s’est-il emporté. 

Une vision contestée au moment même de la réunion par le président du Sénat, sur la même antenne :  "l’insécurité n’est pas un sentiment, c’est une réalité", a asséné Gérard Larcher, arguant du fait que "nous sommes le 3e pays le plus mal classé des 27 de l’UE en matière de vols, le 2e le plus mal classé en matière d’agressions, le pays où il y a le plus, en chiffres absolus, d’homicides, le pays où il y a eu, en 2018, 20.000 policiers et gendarmes blessés. C’est une réalité d’insécurité. Il faut donc que l’État réagisse et que le sentiment d’impunité ne soit pas aujourd’hui le sentiment le plus répandu". Et de conclure sans ambages : "En l’état actuel le président de la République n’a pas réussi à protéger les Français."

La question des moyens, elle, fait l’unanimité, de prime abord du moins : "il faut des effectifs supplémentaires !", insiste Gaël Perdriau. "Dans la police et la gendarmerie, pour élucider les affaires et arrêter les suspects, mais aussi côté personnel de justice, pour juger les dossiers plus rapidement." Comme à Nice le 25 juillet (v. notre article), le Premier ministre a rappelé que le gouvernement "fait du renforcement des moyens affectés aux forces de sécurité intérieure et à la justice l’une de ses grandes priorités".

Mais les effectifs ne sont pas tout. "L'État doit remettre en place une justice, créer […], le continuum de sécurité, revoir sa doctrine de maintien de l’ordre", a ainsi préconisé le président du Sénat sur Europe 1, rappelant que "nous attendons depuis deux ans un livre blanc sur la sécurité qui doit être remis au Parlement".

La justice appelée à se rapprocher des élus

Côté justice, Christophe Bouillon, président de l'Association des petites villes de France, a demandé au garde des Sceaux - comme il l'avait fait il y a un an à Uzès - de donner consigne aux parquets "de poursuivre systématiquement et rapidement toutes les incivilités commises envers des personnes dépositaires de l'autorité publique". Message reçu : la circulaire promise y pourvoira. Une fois de plus, puisque tel était l'objet de la circulaire du 6 novembre dernier (v. notre article), qui visait – déjà – à répondre à "la recrudescence des incivilités et agressions dont sont victimes [les élus]". Elle recherchait également le "renforcement des échanges" entre élus locaux et procureurs de la République, qui fait lui aussi objet d'un nouveau rappel. Le Premier ministre a officiellement chargé les ministres compétents de "veiller à accroître la fluidité des échanges entre le préfet, le procureur de la République et les élus". Une redite jugée tout sauf inutile par Gaël Perdriau, qui confesse être confronté "à un procureur assez inaccessible" et qui voit donc "d'un bon œil ce rappel des consignes". 

Les ministres devront également "faire en sorte que les élus puissent immédiatement être accompagnés par les services de l'État et la justice en cas d'intervention nécessitant le concours de la force publique ou leur prise en charge en qualité de victimes". Devrait ainsi être mis à la disposition des maires un numéro de téléphone direct avec les parquets, mais aussi avec les forces de sécurité. En outre, les préfets devront désormais systématiquement signaler aux parquets les faits dont les élus sont victimes et qui sont susceptibles de recevoir une qualification pénale.

"Trop de faits restent impunis"

Cet appel à "faire appliquer fermement et systématiquement" les textes, pour reprendre les termes de Christophe Bouillon, ne concerne toutefois pas uniquement les agressions envers les élus. Gaël Perdriau souligne ainsi que l'ensemble des associations ont dénoncé le fait que, de manière générale, "trop de faits restaient impunis" ou que la réponse judiciaire n'était parfois "pas à la mesure des faits commis", avec pour conséquence que "la dissuasion n'est pas au rendez-vous". Non sans faire écho à la récente passe d'armes entre le maire de Louviers et le procureur de la République d'Évreux (v. l'encadré de notre article). En réponse, Matignon a annoncé que la nouvelle circulaire de politique pénale "prise dans les prochains jours" systématisera "les réponses pénales dans le sens d’une plus grande célérité, fermeté et visibilité de la répression".

Le renforcement du "continuum de sécurité" a également été évoqué au cours de la réunion. En la matière, Gaël Perdriau se fait une nouvelle fois prudent. "Il faudra veiller à ce que l'État ne se décharge pas de ses missions sur les collectivités et à ce que cela ne soit pas la source d'inégalités territoriales, toutes les communes ne disposant pas des mêmes moyens". Une position qu'il avait déjà tenue lors de son audition par l'Assemblée nationale le 22 avril dernier (v. notre article). À l'époque, l'élu déplorait "un manque de considération du ministère de l'Intérieur". "Depuis, il ne s'est rien passé", relève-t-il. "Pour positive qu'ait été cette réunion, ce que l'on attend aujourd'hui, ce sont des actes."  

 

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