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Sécurité locale : les dossiers sur la table de Gérald Darmanin et Marlène Schiappa

Après un premier semestre marqué par la gestion de la crise sanitaire – qui a bloqué l'avancement de certains textes tout en renforçant parfois l'acuité – en matière de sécurité, la rentrée devrait être animée par le projet de loi de lutte contre le séparatisme, la pérennisation des mesures de lutte contre le terrorisme et la reprise des travaux sur le livre blanc sur la sécurité intérieure. Devraient également se dessiner les contours de "l'expérimentation niçoise" en matière de police municipale, faute pour l'heure d'un texte plus ambitieux sur le "continuum de sécurité".

Est-il besoin de souligner qu'en matière de sécurité, le premier trimestre 2020 aura été particulièrement marqué par la crise du covid-19 ? Avec un confinement inédit de l'ensemble du territoire, la crise aura fortement mis les maires à contribution. Non pas qu'ils furent grisés par les nouveaux pouvoirs de police que venait de leur attribuer la loi Engagement et proximité, mais  littéralement placés "en première ligne", ils ont multiplié les mesures, se démultipliant sur tous les fronts, avec plus ou moins de bonheur devant le juge. Et dans le périmètre, étroit, qu'a bien voulu leur concéder le Conseil d'État,  qui répondait ainsi au souhait présidentiel de ne voir qu'une tête. Au diapason, les forces de sécurité ont elles aussi été plus que jamais mobilisées, avec ou – plus généralement – sans masque. 

Si la crise a logiquement freiné l'avancement de certains dossiers – ainsi du livre blanc sur la sécurité intérieure (voir infra), sorti des radars ces dernières semaines alors qu'il avait animé le début de l'année, notamment dans le cadre de la "conférence citoyenne" ou d'assises territoriales plutôt confidentielles – elle aura sans doute contribué à en faire avancer d'autres, au moins dans les esprits.

Ainsi de la montée en puissance des polices municipales. D'abord ignorées, ces dernières, rapidement associées à la gestion du confinement, ont apporté la preuve de leur efficacité, confortant la voie d'un – futur – élargissement de leurs prérogatives. Nice fera figure de laboratoire en la matière. Si les polices municipales sont plus que jamais incontournables  – le maire apparaissant même désormais comme le meilleur des remparts contre la délinquance  – elles souffrent toujours d'un manque de reconnaissance, que le gouvernement tarde à combler. Face à cette inertie, plusieurs députés sont tentés de reprendre la main, en essayant de mettre en musique certaines dispositions du rapport Fauvergue-Thourot, vanté mais resté globalement lettre morte, en loi. 

Auditionné le 28 juillet par la commission des lois de l'Assemblée, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a dévoilé sa feuille de route. Le livre blanc qui doit déboucher sur une loi de programmation sera présenté "début 2021", a-t-il indiqué. "Mon objectif premier n’est pas de mettre en œuvre une loi de programmation. Mon objectif premier, c’est de mener à terme le 'livre blanc', qui permet l’unicité de la police et de la gendarmerie nationales dans leur action, améliorer le 'continuum de sécurité', et préparer le travail pour une loi de programmation", a-t-il développé. A choisir, le ministre estime qu'il vaut "mieux s'occuper du quotidien" et adopter "dans un premier temps" la "loi Thourot-Fauvergue sur le continuum de sécurité". Gérald Darmanin a aussi annoncé la poursuite du déploiement des 60 quartiers de reconquête républicaine (QRR). "47 ont été créés, trois ont été annoncés. Dix le seront prochainement."

Le ministre est également revenu sur l'expérimentation concernant les polices municipales. Il a expliqué vouloir travailler avec "pragmatisme" sur les "choses qu’on peut régler, qui vexent inutilement les policiers municipaux et les élus, et qui limitent l’accès à une sécurité commune". S'il s'est montré favorable à un accès facilité au SIV (Système d'immatriculation des véhicules), il a considéré que les policiers municipaux n’avaient pas vocation à accéder à la liste des personnes fichées S (contrairement à ce que le maire de Nice revendique). L'expérimentation ne se fera pas seulement à Nice. Mais "il n'est ni question de généralisation de ces compétences ni de l'armement", a-t-il tenu à préciser.

Avec le confinement, la crise aura également contribué à mettre davantage encore sur le devant de la scène le sujet des violences familiales, qui n'en finit plus de préoccuper et d'occuper le législateur. Après la loi publiée toute fin décembre, un nouveau texte a ainsi été adopté il y a quelques jours à peine, qui franchit un nouveau cap en autorisant la levée partielle du secret médical. Las, voter une loi ne suffit pas à enrayer le phénomène, comme en témoigne l'exemple de la lutte contre la prostitution. Ou comme en témoigne, non sans paradoxe, la recrudescence des rodéos urbains pendant le confinement. La loi de 2018 n'a pas permis de les circonscrire, comme en atteste tristement l'actualité récente. De nouvelles propositions sont donc attendues, qui devraient là encore impliquer davantage les polices municipales.

Autre sujet d'inquiétude, celui de la radicalisation. La crise n'a fait qu'amplifier le phénomène. Le risque est "d'autant plus grand que l'on s'éloigne de l'école", a rappelé le ministre de l'Education nationale. En janvier, les procureurs avaient ainsi été invités par circulaire à "la vigilance et à la fermeté  face au développement du communautarisme". La notion a depuis cédé la place à celle du "séparatisme islamiste", contre lequel le président de la République a sonné la charge, alors que le sujet met particulièrement les maires sous pression. Les méthodes pour l'enrayer – voire le constat de son développement – ne font pas toujours consensus, y compris au sein du gouvernement, comme a pu le constater non sans surprise le Sénat, particulièrement actif en la matière. Mais les textes restent à venir. Le projet de loi contre les séparatismes est annoncé pour la rentrée. Il s'appuiera sur le couple maire-préfet, que la crise a mis en avant. Le dossier est suivi par Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l'Intérieur, qui s'occupera également de tout le volet prévention de la délinquance. Devant la commission des lois, elle a rappelé que tous les départements étaient dotés d'une "cellule contre l’islamisme et le repli communautaire". Depuis 2017, près de 300 établissements (débits de boissons, lieux de culte, associations culturelles...) "qui posaient des problèmes" en la matière ont été fermés, a-t-elle indiqué. "Il faut que nous puissions obliger tous ceux qui ont un lieu de culte, à ce qu’il soit sous l’emprise de la loi de 1905 ou de 1907", a développé Gérald Darmanin. "Il faut arrêter de penser qu’on peut gérer un lieu de culte avec la loi de 1901, voire sans constitution juridique."

Alors que la crainte d'une seconde vague agite les esprits, toutes les conséquences n'ont pas encore été tirées de la crise, même si le Parlement multiplie les auditions. L'éternelle question du numéro d'urgence – vraiment – unique trouvera-t-elle sa solution dans les prochaines semaines, comme l'espèrent les sapeurs-pompiers ? Rien n'est moins sûr. En revanche, la proposition de loi "visant à développer un système efficient de prévention des maladies vectorielles", adoptée par le Sénat avant la crise (!), et bloquée depuis à l'Assemblée, bénéficiera sans doute d'une attention soutenue.

En dépit de la crise, quelques dossiers ont néanmoins pu avancer. Ainsi de l'indemnité de feu pour les sapeurs-pompiers professionnels, qui aura régulièrement alimenté la chronique depuis décembre. Le décret permettant sa revalorisation désormais publié, reste aux Sdis à la mettre en œuvre, le cas échéant. Ainsi également de la stratégie nationale de prévention de la délinquance, finalement publiée au terme d'une longue attente. Reste que le siège du chef d'orchestre chargé de la mettre en œuvre est à nouveau vide, le secrétaire général du CIPDR ayant rejoint depuis les cabinets du nouveau ministre de l'Intérieur et de sa ministre déléguée. La menace terroriste reste "toujours prégnante", comme le rappelait par circulaire la garde des Sceaux aux parquets. Là encore, un nouveau projet de loi devrait théoriquement voir le jour pour pérenniser les mesures "transitoires" de la loi anti-terrorisme de 2017, mais aucune date n'a jusqu'ici été avancée. Selon le ministère de l'Intérieur, 43 des 531 détenus purgeant en février dernier une peine de prison pour des faits de terrorisme devaient être libérées en 2020, une soixantaine en 2021, 46 en 2022, ce qui a notamment conduit le Parlement à adopter définitivement au début de la semaine une proposition de loi du groupe LREM instaurant des mesures de sûreté à l’encontre des auteurs d’infractions terroristes à l’issue de leur peine. Un texte qui doit toutefois encore passer sous les fourches caudines du Conseil constitutionnel, saisi à la fois par... le président de l'Assemblée nationale lui-même et les sénateurs du groupe socialiste.

 

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