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Politique de la ville - 120 maires demandent des "accords de Matignon" pour les banlieues

Réunis à Trélazé (Maine-et-Loire), les maires membres de l'association Ville et banlieue ont débattu des conséquences pour leurs villes des réformes des collectivités et de la fiscalité locale. Loin de se laisser porter par la douceur angevine, ces élus ont appelé solennellement François Fillon à mobiliser tous les ministères pour leurs quartiers.

A quelques encablures du fief sarthois du Premier ministre, les maires de l'association Ville et banlieue étaient réunis vendredi 15 octobre 2010 pour échanger sur l'actualité de la politique de la ville. Venus des banlieues parisiennes, auvergnates, picardes ou provençales, ces élus de toutes tendances politiques ont demandé solennellement à François Fillon d'organiser à Matignon une négociation avec l'ensemble des élus locaux afin d'obtenir des engagements concrets et coordonnés de tous les ministères en faveur des quartiers en grande difficulté. Cet "appel de Trélazé", du nom de la commune proche d'Angers qui accueillait ces assises, sonne comme un appel de la dernière chance. En effet, pour l'association, il y a urgence à une action forte du Premier ministre : "Si on n'a pas de courage politique maintenant, il sera encore plus difficile l'an prochain en pleine campagne présidentielle de promouvoir des mesures que certains devront nécessairement payer."
Claude Dilain, président de Ville et banlieue et maire PS de Clichy-sous-Bois, rappelle qu'en février 2008, Nicolas Sarkozy avait pris l'engagement ferme "de donner plus aux quartiers les plus pauvres et de réformer la géographie prioritaire". Or, deux ans plus tard, "il ne se passe rien"... mise à part une "bonne nouvelle" concernant la péréquation. François Fillon, en annonçant en mai dernier le report de la réforme de la géographie prioritaire et en ne se prononçant pas sur la poursuite de la rénovation urbaine, a déçu les élus de banlieue. Pour le président de Ville et banlieue, la "panne de la politique de la ville est nette et grave". Il s'interroge sur ses origines : incompétence ? méconnaissance de la situation des quartiers populaires ? désintérêt pour des quartiers que la majorité de la population française ne voit finalement qu'à la télévision lorsqu'ils brûlent ? Tout ceci est grave, mais pas autant, selon l'élu de Clichy-sous-Bois, que d'entendre sur les bancs mêmes de l'Assemblée nationale des parlementaires déclarer : "La politique de la ville, ça suffit ! Vous avez touché assez d'argent ces dernières années."

"35 ter et 35 quater" : Michel Mercier n'a pas rassuré

En votant les articles 35 ter et 35 quater du projet de loi de réforme des collectivités, la représentation nationale fait "peser une menace très sérieuse sur l'avenir de ces quartiers", a également insisté Claude Dilain. On rappellera que ces deux articles prévoient, d'une part, l'interdiction des financements croisés entre département et région - sauf sur le sport, la culture et la rénovation urbaine -, d'autre part, l'obligation pour toutes les communes de plus de 3.500 habitants de financer au moins 30% des projets qu'elles engagent.
Or, expliquent les élus de banlieue en réponse à une lettre récente de Michel Mercier (voir notre article ci-contre du 8 octobre 2010), "il faut distinguer rénovation urbaine et politique de la ville". Ainsi, la construction d'une "maison des services publics" hors zone Anru ne pourrait plus être cofinancée si le projet de loi devait être adopté en l'état. De plus, ajoute Xavier Lemoine, maire UMP de Montfermeil et vice-président du Conseil national des villes, le but n'est pas de faire partir les dernières classes moyennes qui restent dans les communes de banlieue : "Si l'on n'est plus en mesure de faire des équipements hors zone Anru, ces habitants s'en iront." Quant à l'obligation de financer au moins 30% des projets, les élus ne comprennent pas l'utilité d'une règle législative alors que la participation d'une commune pauvre dans le financement d'un équipement public dépend avant tout de l'ampleur du projet. "Et au fait, pourquoi ce chiffre de 30% et non 29,5% ou 40% ?", s'interrogent-ils. Sur ces deux points, ils espèrent donc être entendus par la commission mixte paritaire (CMP) qui statuera définitivement sur le texte le 3 novembre prochain. La CMP a selon eux trois possibilités : supprimer ces articles, exclure la politique de la ville au même titre que le sport ou, enfin, ne pas soumettre à ces règles les communes ayant plus de 30% de leur population en ZUS, comme le proposait le Conseil national des villes le 8 octobre dernier.

Donner plus à ceux qui ont moins ?

S'agissant de la solidarité entre communes pauvres et communes riches, il y a eu une bonne nouvelle pour les maires de banlieue : le grand fonds de péréquation pour le bloc communal dont ils "rêvaient tous depuis vingt ans" va voir le jour dans le cadre de la réforme de la taxe professionnelle. Reste à savoir précisément sous quelle forme se fera cette péréquation dite "horizontale" : l'article 63 du projet de loi de finances pour 2011 crée le fonds mais seul le budget 2012 précisera comment ce fonds sera alimenté et distribué. 2011 sera donc le temps des études... et des négociations (sur la péréquation en 2011, voir notre article ci-contre du 28 septembre 2010).
Or les premières simulations du ministère de l'Intérieur ne satisfont pas les élus de banlieue. D'abord sur le montant global du fonds. La direction générale des Collectivités locales (DGCL) évoque une enveloppe d'un milliard en 2015, soit 2% des ressources fiscales (un niveau atteint progressivement : 0,5% en 2012, 1% en 2013, 1,5% en 2014), alors que Ville et banlieue demande 2 milliards. Mais au-delà du volume, il y a divergence sur les manières d'alimenter ce fonds. La DGCL souhaite atteindre ce milliard en utilisant de l'argent provenant de deux mécanismes actuels de péréquation : le FSRIF (fonds de solidarité de la région Ile-de-France) et les FDPTP (fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle). Or pour l'association, prendre 200 millions d'euros sur le FSRIF c'est "casser le meilleur outil de péréquation que l'on ait actuellement" : en substance, l'argent provenant de Neuilly-sur-Seine ou Boulogne-Billancourt serait réparti sur toutes les communes pauvres de France, au lieu d'aider uniquement les communes pauvres franciliennes. Les banlieues parisiennes y perdraient donc. Pour les FDPTP, le problème est que les départements ne sont pas aussi inégaux entre eux que les communes. Utiliser ces fonds conduirait à un affaiblissement du mécanisme de péréquation.
L'association Ville et banlieue souhaite donc que soient maintenus et renforcés le FSRIF et les FDPTP. Et que, à côté de ces deux dispositifs, le fonds de péréquation du bloc communal soit alimenté par les communes et intercommunalités les plus riches de tout le territoire français. Bref, éviter surtout de déshabiller Pierre (le FSRIF et les FDPTP) pour habiller Paul (le nouveau fonds).
Enfin, sur l'utilisation de l'enveloppe, les maires de banlieue refusent que les crédits soient versés au niveau intercommunal : si la tendance actuelle est de rassembler le maximum de politiques publiques à cette échelle, tous disent leur crainte de voir ensuite les besoins des quartiers les plus pauvres négligés par une intercommunalité qui voudra satisfaire tout le monde et pas seulement les plus pauvres. Si, pour des raisons techniques, il faut vraiment verser l'argent aux intercommunalités, Ville et banlieue demande que celles-ci soient obligées par la loi de reverser ces sommes à leurs communes pauvres. "Si on n'encadre pas les reversements, on va droit dans le mur", résume l'association.


Hélène Lemesle

 

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