Réforme des collectivités - Claude Dilain : "Limiter les cofinancements, c'est condamner la politique de la ville"
Il y a une petite dizaine de jours, l'Association des petites villes de France attirait l'attention sur le fait que la limitation des cofinancements prévue par le projet de réforme des collectivités risquait de remettre en cause les projets structurants des communes de taille modeste. Aujourd'hui, c'est l'association de maires Ville & Banlieue qui tire la sonnette d'alarme. En sachant qu'entre-temps, la deuxième lecture du projet de loi s'est achevée à l'Assemblée, et qu'il ne reste donc plus que le passage en commission mixte paritaire (CMP).
De quoi s'agit-il au juste ? Toujours des articles 35 ter et 35 quater de ce texte. Le premier est le fameux article instaurant au 1er janvier 2012 le principe d'une participation minimale de 30% de la collectivité maître d'ouvrage d'une opération d'investissement (20% pour les communes de moins de 3.500 habitants et les EPCI de moins de 50.000 habitants). Avec une exception finalement introduite pour les projets de rénovation urbaine (PRU). Le deuxième article est celui qui prévoit, toujours dès 2012, qu'"aucun projet ne peut bénéficier d’un cumul de subventions d’investissement ou de fonctionnement accordées par un département et une région", sauf pour les communes et les intercommunalités les plus petites et sauf dans les domaines de la culture, du sport et du tourisme.
Or, explique Ville & Banlieue, "pour les communes les plus pauvres, le cofinancement est le principe premier du financement de la politique de la ville". Résultat : "Plus aucun projet, hors programme de rénovation urbaine, ne pourra donc être lancé dans ces quartiers", confie à Localtis Claude Dilain, maire de Clichy-sous-Bois et président de l'association. Il souligne même l'ampleur des dégâts potentiels : la petite enfance avec un projet de création de crèche, l'éducation avec les écoles primaires et le périscolaire, "le domaine associatif", une infrastructure telle qu'une maison de service public… et "toute réalisation hors PRU", dont les projets notamment liés aux contrats urbains de cohésion sociale (Cucs). "Les Cucs, ce n'est pas du PRU", rappelle-t-il. Et le maire de commune de Seine-Saint-Denis d'expliquer l'impossibilité pour une ville telle que la sienne d'appliquer un ticket modérateur de 30% : "Aujourd'hui, sur un projet, au pire je suis cofinancé à 80%, le plus souvent plutôt à 90 ou 95%." Quant à la perspective d'une suppression des financements croisés… "pour nous tout est foutu", juge-t-il, avant d'ajouter : "Je suis extrêmement inquiet et je ne comprends pas comment on a pu en arriver là. Je ne sais pas si c'est le fruit d'une totale méconnaissance ou d'une hostilité vis-à-vis de la politique de la ville…"
Claude Dilain assure avoir alerté, depuis longtemps et à plusieurs reprises, tant les parlementaires que le gouvernement – qu'il s'agisse d'Alain Marleix, de Michel Mercier ou de Fadela Amara. "Le gouvernement ne nous a pas entendus. Je suis déçu." Déçu, le président de Ville & Banlieue l'est aussi parce qu'une série d'amendements tendant à sortir les territoires politique de la ville du champ des articles 35 ter et 35 quater avaient été préparés en vue de la deuxième lecture à l'Assemblée… mais n'ont finalement même pas pu être soutenus, le groupe socialiste ayant décidé de boycotter la séance publique pour protester contre l'arrêt des débats sur la réforme des retraites. Alors aujourd'hui, sachant qu'il est "très difficile d'obtenir une modification en CMP", l'association "en appelle de nouveau au Premier ministre pour empêcher que l'on ne décrète ainsi, de façon détournée, la fin de la politique de la ville".
Ce 22 septembre lors de la Conférence des villes organisée par l'Association des maires de grandes villes de France, Jean-Claude Boulard, maire du Mans, a lui aussi fustigé cet aspect de la réforme des collectivités, relevant que les grandes villes, du fait de leurs fonctions de centralité, sont appelées à être maîtres d'ouvrage d'équipements dont la vocation dépasse largement le territoire communal ou intercommunal et doivent donc forcément s'appuyer sur une logique de cofinancements importants.
Claire Mallet