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Architecture - Une stratégie nationale pour l'architecture se dessine parallèlement au projet de loi

De grands noms de l'architecture ont remis à Fleur Pellerin leur propositions pour l'inspirer dans la rédaction d'une "stratégie nationale pour l'architecture". La ministre de la Culture fera des premières annonces à ce sujet à la rentrée. C'est aussi à la rentrée que les parlementaires débuteront la discussion du projet de loi "Liberté de création, architecture, patrimoine". Difficile aujourd'hui de saisir l'articulation entre les deux démarches. Ce qui est sûr, c'est que les collectivités doivent s'attendre à des répercussions. La sensibilisation des élus à la qualité architecturale revient en effet en leitomtiv. Et si la manière douce ne suffit pas...

Que fera Fleur Pellerin du rapport qui lui a été remis le 7 juillet par les architectes qu'elle avait chargés de réfléchir à une stratégie nationale pour l'architecture (*) ? Selon un communiqué, la ministre de la Culture annoncera les premières mesures en septembre, après avoir fait le tour des ministères également concernés par le sujet (Logement, Ecologie, Education...) Ces mesures "constitueront le socle de la stratégie nationale pour l'architecture".
Certaines d'entre elles seront de nature législative et trouveront leur traduction dans des amendements au projet de loi "Liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine" présenté le 8 juillet en conseil des ministres (voir notre article ci-contre du 9 juillet 2015), déposé dans la foulée à l'Assemblée nationale, et dont le rapporteur, nommé le 15 juillet, n'est autre que Patrick Bloche, député (PS) parisien, auteur en juillet 2014 d' un rapport parlementaire sur la création architecturale. Rapport que Fleur Pellerin a souvent évoqué auprès des architectes chargés de réfléchir à la stratégie nationale pour l'architecture, leur demandant de se situer dans son "prolongement". La boucle semble bouclée. Ce qui ne signifie pas que les textes le soient.

Faire du concours d'architecture un lieu de "critique populaire"

Après avoir lu le rapport des groupes de réflexion pour la stratégie nationale, Fleur Pellerin en a tiré quatre "directions" : développer la sensibilisation et la formation à l'architecture du grand public et de l'ensemble des acteurs publics et privés de la construction ; renforcer la reconnaissance du patrimoine architectural des XXe et XXIe siècles et développer la capacité d'intervention architecturale sur la transformation du cadre bâti existant ; soutenir la démarche expérimentale et encourager les passerelles entre univers professionnels, en lien avec la recherche ; favoriser une nouvelle structuration de la profession, afin notamment de pouvoir répondre aux mutations de la commande.
Le rapport proposait une série de "mesures" dont une partie concerne les collectivités.
Il propose par exemple de faire du concours d'architecture un lieu "de débat public et de critique populaire", pensant que cela fera "émerger une critique architecturale populaire et de haut niveau".

Des architectes dans la fonction publique territoriale

Les auteurs du rapport appellent à "promouvoir la sensibilité à l'architecture chez les élus" notamment par la mise en place de formations spécifiques et adaptées, initiales et continues. Ils suggèrent également de favoriser l'embauche d'architectes dans l'administration et la fonction publique territoriale, ce qui nécessiterait de mettre en place un cadre d'emploi de référence commun à tous les architectes employés par les personnes publiques. D'une manière générale, ils appellent à "renforcer, développer et diversifier" les missions d'architecte conseil auprès de l'Etat, des collectivités et des opérateurs privés.

Un volet "archi" dans les PLU

Les architectes qui ont planché sur la stratégie nationale pour l'architecture conseillent également d'insérer un volet "diagnostic et enjeux architecturaux et patrimoniaux relatifs au bâti et aux espaces urbains" dans les documents de planification des territoires (SRADT, Scot et PLUi) et les documents stratégiques des opérateurs publics.
L'objectif étant de "croiser les politiques publiques d'aménagement durable des territoires (telles la maîtrise de l'urbanisation, la revitalisation des centres bourgs, la transition écologique, la préservation et mise en valeur des espaces patrimoniaux) et les attentes des usagers (telle une habitabilité contemporaine, influant sur le type et la taille des logements, la luminosité, le rapport intérieur/extérieur...)"
Les auteurs du rapport verrait bien la mise en place d'un "atelier national" sur le sujet, par une ou plusieurs collectivités pilotes ou avec un ou des établissements publics d'aménagement (EPA), sélectionnés par appel à candidature ou par manifestation d'intérêt, puis généralisée par voie réglementaire.

Le recours à un architecte pour les permis d'aménager

Ils suggèrent également d'"imposer" le recours à un architecte pour les permis d'aménager notamment pour les zones d'activités, les lotissements commerciaux et d'habitation, et d'"encourager" le recours à un architecte ou un paysagiste pour la réalisation des espaces publics et pour tous les ouvrages d'infrastructure. Ils recommandent aussi, pour la réalisation des espaces publics et pour les ouvrages d'infrastructure, de "contractualiser sur une charte de bonne pratique avec les partenaires publics".
Les architectes du groupe de réflexion voudraient également créer un référentiel de "l'offre anormalement basse" au sens de la directive marché et sensibiliser les maîtres d'ouvrage publics aux effets d'une rémunération anormalement basse des marchés de maîtrise d'œuvre.

Abroger les dispositions de la loi Warsmann et de la loi Molle

Ils voudraient aussi "assouplir" et "diversifier" les consultations publiques. Dans ce cadre, la première mesure serait d'ouvrir une plateforme de marchés publics dans laquelle chaque agence déposerait en début d'année ses documents administratifs sous forme de fiche type téléchargeable par les maîtres d'ouvrage.
Une autre mesure serait d'abroger les dispositions de la loi Warsmann qui permettent depuis 2011 aux bailleurs sociaux de ne plus organiser de concours ainsi que celles de la loi Boutin (loi Molle de 2009) sur le logement et l'espace public qui permettent le recours au processus de conception-réalisation. "Ces facilités accordées aux maîtres d'ouvrage ont entraîné depuis une baisse qualitative significative des réalisations architecturales concernées", constatent les architectes.
Les procédures de marchés à procédure adaptée (Mapa) et de marchés négociés sont quant à elles accusées d'inciter au "dumping des honoraires" et au "foisonnement du rendu". Plusieurs mesures proposées visent à simplifier ces procédures et à éliminer leurs effets négatifs (empêcher l'attribution sur le seul critère du moins-disant économique, instaurer systématiquement une procédure à deux tours pour les Mapa...)

Des chantiers-démonstrateurs architecturaux en régions

Les auteurs du rapport proposent également que l'Etat, par le biais de sa stratégie nationale pour l'architecture, accompagne et soutienne le développement de "chantiers-démonstrateurs architecturaux" sur les modèles des Ateliers de l'Isle d'Abeau, du Solar Decathlon ou encore du Actlab porté par l'association Bellastock sur L'Ile-Saint-Denis. "Ces démonstrateurs permettraient de multiplier dans les régions des lieux tangibles dédiés à des installations architecturales provisoires à échelle réelle utiles tant dans le cadre de la formation initiale et continue que pour la médiation auprès du public", font-ils valoir.
Ces démonstrateurs seraient des sites et/ou des bâtiments en friche mis à disposition d'une école d'architecture pendant plusieurs années par un propriétaire "notamment de type collectivité, bailleur ou établissement public". Ils s'associeraient à des écoles d'ingénieurs, pour mener des chantiers expérimentaux sur plusieurs années explorant les différentes étapes de la construction architecturale : programmation, conception, construction, modification, déconstruction, "ré-emploi".

Valérie Liquet

(*) Frédéric Bonnet, Grand Prix national de l'urbanisme, Marc Barani et Paul Chemetov, Grands Prix nationaux de l'architecture, en lien avec Boris Bouchet, Marie Zawistowski et Lucie Niney, lauréats des albums des jeunes architectes et paysagiste 2014, ainsi que Paul Chantereau de l'association Bellastock.


Les architectes franciliens donnent les pistes d'une stratégie régionale pour "Habiter l'Ile-de-France"

Dans le cadre de son cycle "Habiter l'Ile-de-France", qui se déroule tout le long de cette année 2015, l'Ordre des architectes d'Ile-de-France (CROAIF) a formulé 30 propositions en matière de logement. Les élus franciliens en recevront un condensé sous la forme de 10 propositions.
La démarche est menée parallèlement à celle du groupe d'architectes de renom chargé de réfléchir à une "stratégie nationale pour l'architecture". Les propositions sont plus concrètes, mais elles ne sont pas contradictoires, et ne nécessitent pas de modifications réglementaires. Les problématiques franciliennes liées à la pression foncière, l'étalement urbain et à la tension sur le marché du logement y sont naturellement très prégnantes.
Le CROAIF cherche ainsi à favoriser une "densité urbaine maîtrisée" et à valoriser le bâti existant plutôt que la démolition. Sur la question foncière, il suggère une "analyse spatialisée" des PLU "au cas par cas, pour permettre aux collectivités de valoriser un foncier rapidement disponible" ; de bloquer la construction de lotissements en zone desservie (par les transports, les commerces, les services) et y favoriser une architecture plus dense ; d'utiliser la fiscalité pour équilibrer les offres de logements et de bureaux et de consolider les moyens et les actions des établissements publics fonciers (EPF).
Question procédures, il demande de limiter le recours aux contrats globaux ("qui engendrent des surcoûts à long terme"), de conditionner les dispositifs de défiscalisation à des critères de qualité pour le logement et de promouvoir les concours d'architecture. Enfin, pour garantir les valeurs d'usage et la pérennité des constructions, le CROAIF propose d'"exiger la possible évolutivité de l'habitat comme critère programmatique".

V.L.

 

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