Patrimoine - Projet de loi Patrimoine : le retour ?
Fleur Pellerin, ministre de la Culture et de la Communication, a annoncé le 14 octobre, devant la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale, qu'elle présentera "au premier semestre 2015" un projet de loi relatif "à la liberté de création, l'architecture et le patrimoine". Deux dossiers hérités d'Aurélie Filippetti, précédente ministre à la Culture, qui avait prévu deux textes séparés : l'un portant sur la création - qui devait être à l'origine une loi d'orientation - et l'autre sur le patrimoine (voir nos articles ci-joint).
L'avant-projet de loi Patrimoine, que Localtis avait pu consulter, envisageait un grand nombre de changements qui intéressent au plus près les collectivités. Le chapitre des "Espaces protégés et monuments historiques" illustrait ainsi la volonté du ministère de la Culture d’intégrer les questions patrimoniales dans les documents d’urbanisme. Il prévoyait de remplacer les secteurs sauvegardés, les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP) et les Avap (aires de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine, elles-mêmes successeurs des ZPPAUP depuis la loi Grenelle II mais dont le délai de transformation a été reporté par la loi Alur) par les "Cités historiques". Les "Cités historiques" regrouperait trois catégories d’espaces protégés : les "sites historiques", les "sites classés" et les "abords" (voir notre article Mesures de protection du patrimoine : bientôt trois dispositifs au lieu de dix ?).
Entre création architecturale et préservation patrimoniale
Il s'agissait également, dans ce chapitre, de créer un "Plan local d’urbanisme patrimonial" obligatoire pour les "Cités historiques" et élaboré par l’Etat et les communes. Depuis - le 2 juillet 2014 exactement -, le député parisien (PS) Patrick Bloche a présenté son rapport sur "la création architecturale" et la nouvelle ministre entend bien s'en inspirer alors qu'il suscite l'inquiétude d'associations de défense du patrimoine qui craignent un assouplissement des normes préservant le caractère des villes anciennes. Elles bondissent par exemple en lisant dans le rapport Bloche que "les règles relatives à l'urbanisme et à la protection du patrimoine semblent limiter la diversité des formes urbaines et, partant, la latitude laissée à l'architecte" et propose de "simplifier les règles d'urbanisme pour permettre à la création architecturale de s'exprimer".
Au chapitre "Architecture", justement, l'avant-projet de texte prévoyait d'inscrire dans la loi un label "patrimoine du XXe siècle" et d'organiser avec les CAUE (conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement) un conseil gratuit aux particuliers propriétaires d'un bien situé en zone protégée.
Annexer les ZPPA aux PLU
Au chapitre de l'archéologie préventive, il était question d'annexer les zones de présomption de prescription archéologique (ZPPA) dans les plans locaux d'urbanisme. Aurélie Filippetti souhaitait également créer un Pôle public de l’archéologie préventive, créer une "clause de qualité scientifique et technique" dans les marchés et créer de nouvelles règles de répartition des vestiges archéologiques trouvés ainsi que renforcer les sanctions en matière de pillage commis sur les sites archéologiques (voir aussi notre article Le malaise monte chez les archéologues autour du projet de loi Patrimoine).
Au chapitre des "Musées et archives", le cabinet d'Aurélie Filippetti avait en tête de réglementer la problématique de la numérisation des données personnelles ; d'organiser la réutilisation des données publiques ; d'organiser la numérisation et la mutualisation des données culturelles publiques, puis les conditions de leur mise en circulation dans les réseaux numériques (voir notre article La loi sur le patrimoine modifiera les délais de consultation des archives). Il envisageait également d'instituer de nouvelles règles d’attribution du label "Musées de France" (notamment soumis à des critères de "garanties scientifiques et techniques") et d'assouplir les conditions de circulation des œuvres d’art.
Valérie Liquet avec AFP
Paysage historique de Paris : rompre ou s'intégrer, le débat est relancé
Peut-on construire en plein centre ancien de Paris un immeuble en rupture avec son environnement historique ? Le débat est relancé après une décision de justice favorable à la reprise du chantier de la Samaritaine.
Ultime péripétie dans ce dossier, la cour administrative d'appel de Paris a autorisé, le 16 octobre, la reprise du chantier de rénovation du grand magasin la Samaritaine, suspendu depuis l'annulation du permis de construire mi-mai. Au-delà du bras de fer entre le groupe LVMH de Bernard Arnault et des associations de défense du patrimoine, c'est la double question de la place de l'architecture contemporaine à Paris et de la protection du paysage haussmannien qui est posée. "Après cette décision, de plus en plus d'architectes voudront s'affranchir de l'environnement haussmannien qui fait l'unité du paysage de Paris", craint le spécialiste du Paris haussmannien (1853-1870) Michel Carmona.
La refonte de l'îlot de la Samaritaine prévoit, après démolition de trois bâtiments pré-haussmanniens datant de 1852 sur la rue de Rivoli, la construction d'une façade ondulée en verre conçue par l'agence japonaise Sanaa, lauréate du prix Pritzker en 2010.
AFP