Architecture - Les Universités d'été de l'architecture se déroulent déjà sur le web : mettez-y donc votre grain de sel !
Depuis le 19 mars, les secondes Universités d'été de l'architecture se déroulent déjà sur le web via le forum participatif dédié universites-architecture.org. Architectes, experts, enseignants, élus, maîtres d'ouvrage publics et privés, sont appelés à contribuer sur le thème "Anticiper les mutations", et notamment sous l'angle "L'architecte au service des territoires". La journée de restitution et de synthèse se tiendra le 26 juin à Lyon.
"Se débarrasser des PLU et autre POS"
Il faut "supprimer les PLU", suggérait ainsi, le 1er avril, l'architecte Jean-Pierre Van Wambeke. Il propose de "se débarrasser des PLU ou autre POS – dans leur principe actuel – qui n'ont pas contribué à contrôler le développement sauvage de l'urbanisme, qui n'ont pas protégé les communautés face à la voracité des promoteurs, qui n'ont pas garanti la qualité architecturale, et qui ont interprété le territoire par une série de règles rigides – souvent juste copiées/collées – et inadaptées par manque de participation, manque d'enquête sur le terrain, manque de compréhension des topographies, des parcellaires, de l'environnement au sens le plus large du terme (...)".
La décentralisation de l'urbanisme, synonyme de "moins-disant architectural"
Pour le député parisien (PS) Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles et de l'éducation de l'Assemblée nationale, "une seule direction : celle de la qualité architecturale sur l'ensemble des territoires". L'auteur d'un rapport parlementaire, en juillet 2014, sur la création architecturale, observe sur le forum que "trop rapide et mal accompagnée, la décentralisation des compétences en matière d'urbanisme a été, dans de nombreux cas, synonyme de moins-disant architectural. Trop souvent, nos territoires se sont accommodés de réalisations architecturales peu ambitieuses, voire médiocres. Etre maître d'œuvre s'apprend ; être maître d'ouvrage aussi".
"Il faut replacer les élus et les citoyens au cœur de la fabrique de la ville", défend pour sa part le consultant en stratégie urbaine Jean-Yves Chapuis.
La réforme de l'organisation territoriale "peut encourager un nouvel urbanisme"
Catherine Jacquot, présidente du Conseil national de l'ordre des architectes avait ouvert le bal en appelant à "rompre avec un urbanisme de séparation et requalifier l'aménagement du territoire". Et ce serait le moment car, selon elle, "la réforme de l'organisation territoriale, en définissant de nouveaux périmètres et de nouveaux échelons de compétence, peut encourager la mise en œuvre d'un nouvel urbanisme. Si les collectivités locales s'entourent des conseils et des compétences nécessaires, elles pourront en s'appuyant sur les dispositions de la loi Alur dans son volet urbanisme, et sur la loi Transition énergétique, préserver les terres naturelles, favoriser la reconstruction des villes sur les terrains déjà urbanisés et l'aménagement écologique des territoires". Catherine Jacquot appelle également à "lutter contre la tendance à l'entre soi, contre un urbanisme 'naturellement' ségrégatif."
L'architecte ne doit pas "imposer sa vision"
Pour présidente de l'ordre, "une politique de l'architecture et de l'urbanisme, c'est redonner aux maisons individuelles une qualité architecturale. C'est transformer les lotissements en quartiers de bourgs ou de villes".
"La population habitante s'identifie à son espace de vie, qu'il soit moche ou beau", réagit une architecte exerçant dans l'Ariège, Loaëc Aëlle Laurence. "Une concertation avec eux devrait être une obligation avant de lancer toute proposition de réaménagement. Le rôle de l'architecte est de répondre à une demande, à un manque, ou à un mal vivre, et non celui d'imposer sa vision. Il n'y habitera pas. Aussi repenser les espaces publics comme ce lien et ce droit à tous d'accéder à la vie économique d'un quartier d'une ville, est indispensable. Inciter plutôt que d'imposer, proposer, suggérer, et laisser le choix aux habitants, c'est déjà leur donner la chance d'y participer", estime-t-elle.
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Valérie Liquet
Inquiétures autour de la transposition de la directive Marchés publics
Les Universités d'été de l'architecture sont l'occasion pour la profession d'aborder un sujet qui les inquiète tout particulièrement, celui de la transposition de la directive Marchés publics (voir notre article du 13 avril Transposition de la directive Marchés : où en est-on ?). "Si l'ordonnance sur les marchés publics signifie la fin de l'obligation de concours et la généralisation des contrats globaux (NDLR : les contrats de partenariat public-privé) signant la fin de l'indépendance de la maîtrise d'œuvre , ce sera un retour en arrière de trente années", alerte Catherine Jacquot, présidente du Conseil national de l'ordre des architectes (Cnoa), dans un article en ligne sur le site du Cnoa intitulé Gardons la MOP !. "La qualité du cadre de vie en sera durablement affectée, et la gestion des comptes publics également", prévient-elle. Rappelant le lancement de la Stratégie nationale pour l'architecture par le ministère de la Culture (voir notre article ci-contre du 4 février 2015), elle s'interroge : "Comment comprendre que dans d'autres ministères, on œuvre à l'inverse pour mettre en coupe réglée l'architecture et la maîtrise d'œuvre et satisfaire ainsi à des intérêts qui ne sont pas ceux de tous, au mépris du beau et du bien commun ?"
"En ouvrant les vannes des contrats globaux, l'ordonnance fait le lit des grands groupes", selon Denis Dessus, vice-président du Cnoa. "Il est hallucinant que Bercy continue à siphonner l'argent public dans l'intérêt unique des grands groupes. Les PPP sont des scandales financiers, constat partagé et vérifié par tous les rapports à répétition de la cour des comptes", accuse-t-il encore.V.L.