Une proposition de loi pour former les 16-25 ans aux premiers secours en santé mentale

Face à l'augmentation inédite des troubles de santé mentale chez les jeunes et alors que la santé mentale a été déclarée grande cause nationale pour 2025, une proposition de loi vise à en faire des acteurs de premier plan en les formant aux premiers secours en santé mentale. Déposée le 29 octobre 2024, la proposition de loi sera débattue en séance publique à l'Assemblée le 23 janvier 2025. 

"Il est évident que la santé mentale des jeunes est devenue un enjeu de santé publique majeur, qui appelle une impulsion politique forte et des mesures nouvelles et significatives", écrit la députée Chantal Jourdan (PS) dans son rapport sur la proposition de loi "visant à former les jeunes aux premiers secours en santé mentale" qui doit être débattue le 23 janvier 2025 à l'Assemblée nationale. Les chiffres cités donnent le vertige : 13% des jeunes âgés de 6 à 11 ans présentent un trouble probable de santé mentale ; 21% des collégiens et 27% des lycéens déclarent un sentiment de solitude. Près de 15% d'entre eux présentent un risque important de dépression ; 24% des lycéens déclarent des pensées suicidaires au cours des douze derniers mois, tandis que 13% avoir déjà fait une tentative de suicide au cours de leur vie et environ 3% une tentative avec hospitalisation. Les conséquences économiques et sociales sont également considérables : le coût global lié à la santé mentale en France est estimé à 163 milliards d'euros, soit une hausse de 50% en dix ans.

La jeunesse est devenue un facteur de risque

Auditionnée par la rapporteure, la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) souligne l'ampleur de la dégradation de la santé mentale intervenue chez les jeunes. Elle indique que, "si être jeune protégeait de la dépression en 2014, la jeunesse est devenue en 2021 un facteur de risque, une tendance qui peut être qualifiée de phénomène épidémiologique rare", estime la Drees. 
Ce phénomène semble d'ailleurs se traduire dans la consommation de psychotropes : la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam) montre que 936.000 jeunes ont bénéficié du remboursement d'au moins un psychotrope en 2023, ce qui représente 144.000 jeunes de plus qu'en 2019, soit une augmentation de 18%. L'Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT) montre quant à lui que les troubles addictifs chez les adolescents sont également inquiétants : en 2023, 7,4% des jeunes de 17 ans sont considérés comme des usagers problématiques ou dépendants de cannabis et environ 8,4% ont une consommation régulière d'alcool
Enfin, les données de la Drees concernant les hospitalisations pour gestes autoinfligées chez les adolescentes et les jeunes femmes bouclent ce tableau : le taux d'hospitalisations pour geste auto-infligé de la patientèle féminine âgée de 10 à 19 ans a doublé entre 2012 et 2020, avant de doubler à nouveau entre 2020 et 2022. La Drees précise d'ailleurs que cette forte augmentation concerne des gestes de tous les niveaux de gravité, y compris des tentatives de suicide médicamenteux, des tentatives de pendaison, etc.

Un pass PSSM pour les 16-25 ans

Dans le sillage des travaux déjà conduits par le groupe Socialistes et apparentés sur le sujet de la santé mentale (voir notre article du 13 décembre 2024), la présente proposition de loi "se présente comme une première réponse d'urgence face à la détresse croissante des jeunes". Celle-ci repose sur "deux piliers, correspondant respectivement à ses deux premiers articles". 

L'article 1er de la proposition de loi propose la "création d'un pass Premiers secours en santé mentale (PSSM) permettant aux jeunes de 16 à 25 ans d'accéder gratuitement à une formation aux PSSM"." Développée par l'association PSSM France, cette formation apporte des connaissances sur la santé mentale et sur les principaux troubles psychiques et contribue ainsi "à déconstruire les représentations mentales négatives (stigmatisation, discrimination), à briser les tabous autour de la santé mentale et à encourager les interventions basées sur le lien social, en favorisant en particulier le soutien entre pairs". Elle forme aussi des "secouristes capables de repérer les troubles psychiques, d'adopter un comportement adapté, d'informer sur les ressources disponibles, d'encourager à aller vers les professionnels adéquats et, en cas de crise, d'agir pour relayer aux services ou aux ressources les plus appropriés", indique le rapport. Inspiré du programme australien MHFA (Mental Health First Aid), le pass PSSM vise en résumé à développer des compétences pour reconnaître les signes précurseurs des troubles psychiques et agir efficacement.

Campagne de sensibilisation jusque dans les programmes scolaires

À ce jour, les mineurs ne peuvent pas bénéficier des formations PSSM, celles-ci étant à destination des adultes. Mais un module "PSSM Ados" est en voie de finalisation et permettra de proposer des séances adaptées aux jeunes dès 12 ans.

"L'article 2 de la proposition de loi complète cette ambition en prévoyant le déploiement d'une campagne nationale de sensibilisation à la santé mentale, qui visera spécifiquement les jeunes.
En lien avec la population ciblée par l'article 1er, le rapport précise que cette campagne "vise spécifiquement les jeunes de 16 à 25 ans". Elle devra être déployée sur "un ensemble de médias, y compris les réseaux sociaux, et non sur les seules sociétés publiques de radio et de télévision" et "prévoir, ou du moins préfigurer, d'aller jusque dans les programmes scolaires".

Coût du dispositif : moins de 100 millions d'euros 

Optimiste, le rapport estime que "même dans un cadre budgétaire contraint, le coût du dispositif proposé – sans doute moins de 100 millions d'euros dans un scénario de déploiement relativement ambitieux (…) – pourra de toute évidence trouver sa place dans les crédits supplémentaires attendus de la déclaration, par le Premier ministre, de la santé mentale comme grande cause nationale pour 2025". Ce qui reste à confirmer... Une phase d'expérimentation dans certains établissements est envisagée dès la rentrée 2025. 

1.800 formateurs sont déjà actifs 

Dans un récent rapport, le haut-commissariat au plan portait d'ailleurs un regard positif sur la formation aux problématiques de santé mentale, qu'il juge "essentielle" dans tous les métiers supposant un contact avec des usagers, ajoutant que "la formation aux PSSM garantirait l'acquisition des notions élémentaires pour mieux réagir face à un interlocuteur manifestant des troubles en particulier dans un contexte de crise et devrait être intégrée dans les cursus préparant à l'exercice des professions les plus exposées : enseignants, agents d'accueil, animateurs... Les collectivités doivent être soutenues pour être en mesure d'offrir cette formation"

Dans ce contexte, et alors que les objectifs actuels de déploiement des formations aux premiers secours en santé mentale sont atteints, il s'agit, estime le rapport, d'en intensifier le déploiement et de les orienter davantage vers les jeunes, qui ne peuvent à ce jour pas en bénéficier. Le programme vise donc à former 298.000 secouristes d'ici 2025, alors que 198.000 secouristes ont déjà été formés fin 2024 depuis 2019. Environ 1.800 formateurs sont déjà actifs sur l'ensemble du territoire, y compris dans les territoires ultramarins. Pour garantir l'efficacité de ce dispositif, un suivi annuel évaluera l'impact du pass PSSM sur la sensibilisation et la réduction des comportements à risque.

Le Psycom - organisme public qui "informe, oriente et sensibilise sur la santé mentale" - souligne dans une contribution transmise à la rapporteure, qu'un tabou et une stigmatisation persistent. "Les jeunes sont en attente d'espaces d'échange et d'apprentissage, et que les adultes restent en besoin de montée en compétence". Sachant que la psychiatrie de secteur est en grande difficulté, que l'accès à des soins psychologiques remboursés demeure insuffisant et que la répartition des soignants reste inégalitaire, l'enjeu est donc d'autant plus important.

 

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