Lutte contre l'exclusion - Une enquête de Médecins du Monde met en évidence la prégnance de la faim chez les migrants en France
A l'occasion de la Journée mondiale de lutte contre la faim, Médecins du Monde publie les résultats d'une enquête sur "L'alimentation des personnes en situation de grande précarité en France". Cette étude a été menée, entre avril et mai 2014, dans sept centres d'accueil, de soins et d'orientation (Caso) de l'association (Bordeaux, Lyon, Marseille, Nice, Paris, Saint-Denis et Strasbourg). Elle révèle les difficultés d'accès à l'alimentation des plus précaires et l'impact de cette situation sur leur santé.
Près des trois quarts des répondants sont en insécurité alimentaire
Pour éviter tout biais, les 529 personnes qui se sont présentées dans les sept Caso se sont vu proposer de participer à l'enquête : 183 ont refusé et 346 ont accepté, dont 97% de migrants. Les chiffres publiés par Médecins du Monde montrent bien l'ampleur du problème.
Ainsi, plus de 50% des personnes interrogées déclarent avoir souvent ou parfois "pas assez à manger". Plus des trois quarts (78%) sont en insécurité alimentaire pour raisons financières, dont la totalité des personnes à la rue, en campement ou en squat. Cette proportion de 78% est six fois supérieure à la moyenne nationale française, révélée en 2010 par une étude de l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale (Onpes). Les personnes interrogées dépensent en moyenne 2,5 euros par personne et par jour pour se nourrir, somme qui tombe à moins de deux euros pour les personnes vivant à la rue en squat ou en bidonville.
En termes de pratique alimentaire, l'enquête montre que les adultes interrogés déclarent 2,1 repas la veille de l'administration du questionnaire et les enfants 2,5 repas. De même, 46,3% des adultes et 20% des enfants disent n'avoir pas mangé au moins une journée entière au cours du mois. Et 17,6% disent avoir recours au glanage de temps en temps pour pouvoir subvenir à leurs besoins.
L'aide alimentaire largement méconnue
A l'inverse, seuls 42% des foyers ont bénéficié au moins une fois d'une aide alimentaire au cours du mois précédent l'enquête. Parmi les personnes n'ayant pas bénéficié de l'aide alimentaire, 61% ne connaissent pas ce type de dispositif.
Enfin, si 66,2% des personnes interrogées déclarent avoir accès à l'eau du réseau, 12,4% s'approvisionnent grâce aux bornes fontaines des villes et 19,7% doivent acheter de l'eau en bouteille faute de source d'approvisionnement à proximité.
De telles situations ont évidemment un impact significatif sur la santé. Ainsi, un tiers des adultes déclarent avoir perdu du poids de manière significative au cours des deux dernières semaines (avec une prégnance plus forte pour les primo-arrivants). Plus du tiers des répondants (34,5%) présentent une pathologie - chronique ou aiguë - présentant un lien possible avec l'alimentation et 38% des personnes de quinze ans et plus considèrent avoir un mauvais ou très mauvais état de santé buccodentaire et 40% ont au moins cinq dents absentes.
Un répondant sur dix possède une couverture maladie
En termes de profils, les personnes interrogées se répartissent en 63,3% d'hommes et 36,7% de femmes. Les moins de 17 ans représentent 13% du total (dont 5% pour les moins de cinq ans). Seuls 20% des répondants sont en couple. La majorité (40,6%) est en France depuis trois à douze mois, tandis que 27,3% y séjournent depuis moins de trois mois. Moins du quart (23,9%) sont en situation régulière, 6,3% sont demandeurs d'asile et 69,9% sont en situation irrégulière. Près des deux tiers (63,6%) sont hébergés, tandis que 18,2% sont à la rue et que 13% vivent dans un squat ou un campement. Enfin, seuls 11% ont une couverture maladie en France et près de 33% ont une activité professionnelle (dont 30% une activité non déclarée).