Conférence nationale des territoires - Un rendez-vous à Matignon dominé par les sujets financiers et institutionnels
Contractualisation, modernisation de la fonction publique, réforme constitutionnelle et expérimentation... Plusieurs grands sujets d'actualité ont été abordés ce 12 mars à Matignon par le gouvernement et les associations d'élus locaux, dans le cadre de l'instance de dialogue de la Conférence nationale des territoires. Avec un focus particulier sur le financement des allocations individuelles de solidarité, sur la base des recommandations de la mission Richard-Bur.
Une nouvelle réunion de l'instance de dialogue de la Conférence nationale des territoires installée le 17 juillet dernier s'est tenue ce lundi matin à Matignon. Action publique 2022, contractualisation sur les dépenses, réforme constitutionnelle, questions environnementales… entouré de plusieurs ministres, le chef du gouvernement a passé en revue avec l'ensemble des responsables des associations d'élus locaux, en présence de parlementaires des deux assemblées, les principaux dossiers du moment pour les collectivités territoriales.
Une relative satisfaction régnait chez les participants à l'issue de cette réunion de près de trois heures. "L'ambiance était détendue", constatait-on du côté de l'Association des maires ruraux de France (AMRF), tandis que l'équipe de l'Assemblée des communautés de France (ADCF) jugeait que le Premier ministre "a été à l'écoute". Avec sa cinquantaine d'acteurs autour de la table, la réunion avait tout de même des allures de "grand-messe", modérait-t-on dans l'entourage de Rémy Rebeyrotte, député de Saône-et-Loire et représentant de l'Association des petites villes de France (APVF).
En dépit du caractère courtois des échanges, André Laignel, président du Comité des finances locales (CFL), et François Baroin, président de l'Association des maires de France (AMF), ont de nouveau sévèrement critiqué les contrats que l'Etat prévoit de signer avec 322 grandes collectivités territoriales. Des contrats sur lesquels les négociations vont débuter de manière imminente, puisqu'il a été annoncé que Matignon effectuait une relecture du projet de circulaire préparé par les ministères de l'Intérieur et de l'Action et des Comptes publics, en concertation avec les collectivités territoriales et leurs associations représentatives. Les ministres concernés devraient signer le texte très prochainement.
Pas de recentralisation du RSA
Au chapitre des finances, on retiendra surtout la présentation par la mission conduite par Alain Richard et Dominique Bur de son diagnostic et de ses recommandations sur le financement des allocations individuelles de solidarité (RSA, APA, PCH) distribuées par les départements. Des allocations dont le poids est très variable d'un département à un autre : leur montant moyen s'élève à 264 euros par habitant pour l'ensemble des départements, avec un minimum de 136 euros et un maximum de 843 euros par habitant, a-t-il été rapporté par l'un des participants à la réunion. La mission a rejeté l'option d'une recentralisation du RSA au motif que le département est aujourd'hui le chef de file de l'action sociale. Dès lors, le débat portera "sur l'effort budgétaire que l'Etat devra effectuer, ainsi que sur les mécanismes de péréquation entre les départements favorisés et ceux qui le sont moins", en déduit le responsable d'une des associations d'élus locaux. L'Assemblée des départements de France (ADF) n'a pas souhaité s'exprimer à l'issue de la réunion - en sachant que l'association devait retrouver le Premier ministre à peine quelques heures plus tard pour une autre réunion, cette fois consacrée au dossier des mineurs non accompagnés (voir ci-dessous notre article de ce jour).
Au-delà des départements, de façon indirecte, le sujet est également important pour les communes et leurs groupements, relève Nicolas Portier, délégué général de l'ADCF : si les départements ne trouvent pas satisfaction sur ce dossier, il sera difficile de concevoir un transfert de la part départementale de la taxe foncière en direction des communes et de leurs groupements, telle que le proposent le Comité des finances locales et les principales associations d'élus du bloc communal, souligne-t-il.
Sur le chantier de la modernisation de la fonction publique territoriale annoncé en décembre dernier, les associations d'élus locaux se sont montrées "prudentes", selon l'un des participants. C'est par exemple le cas de l'ADCF. Si celle-ci réclame d'être associée à la définition du point d'indice de la fonction publique et se dit favorable à des assouplissements sur le recours au contrat "lorsque cela se justifie", l'association se dit cependant opposée à la décorrélation du point d'indice, dont l'idée a été suggérée par le président de la République. Selon l'association, la mobilité entre les collectivités et entre les fonctions publiques en pâtirait.
Carte judiciaire: "stabilité des implantations"
Sur les évolutions de la carte judiciaire, la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, s'est voulue rassurante, confirmant la stabilité des implantations judiciaires et la création en parallèle de "pôles spécialisés" dans le traitement de certaines affaires (voir aussi notre autre article de ce jour).
Sur le projet de réforme constitutionnelle voulu par l'exécutif, "il y a eu un bon débat", considère-t-on dans l'entourage du président d'une association d'élus locaux. La volonté de renforcer la capacité des collectivités à adapter leurs compétences et l'amélioration du droit à l'expérimentation rencontreraient un large assentiment chez les élus. Le Premier ministre en aurait profité pour appeler les associations de collectivités à lui faire part de leurs propositions pour mettre en œuvre les avancées souhaitées. De son côté, l’Association des maires ruraux de France a proposé que la réforme constitutionnelle soit l'occasion d'intégrer dans le texte fondamental la notion d’"espace". Cette prise en compte "traduirait un changement d'approche", souligne Cédric Szabo, directeur de l'association.
"En toute fin de réunion", le ministre de la Transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot, a évoqué ses chantiers, notamment les contrats de transition énergétique et la préparation des Assises de l'eau qui se dérouleront au printemps.
Le Premier ministre a donné rendez-vous aux édiles pour le mois de mai, afin de préparer la réunion de la Conférence nationale des territoires qui aura lieu le mois suivant. Autant de rencontres au cours desquelles le gouvernement fera connaître plusieurs arbitrages.