Différenciation locale et fusion département-métropole : les précisions du directeur général des collectivités locales
Le gouvernement entend bien donner aux collectivités davantage de liberté pour s'organiser et mener des expérimentations. Le directeur général des collectivités locales l'a à son tour confirmé, le 8 mars, devant des députés. Bruno Delsol a aussi évoqué le dossier sensible de la fusion "des plus grandes métropoles" avec leurs départements respectifs.
Alors que le Premier ministre achève ses consultations sur la révision constitutionnelle, le directeur général des collectivités locales, Bruno Delsol, a confirmé, jeudi 8 mars, la volonté du gouvernement de proposer, dans le cadre de la réforme, "une disposition constitutionnelle permettant la différenciation entre les collectivités".
La possibilité pour un département de détenir des compétences dont un autre ne dispose pas est aujourd'hui "très limitée", a déclaré le haut fonctionnaire du ministère de l'Intérieur lors de son audition par la mission d'information de l'Assemblée nationale sur la préparation d’une nouvelle étape de la décentralisation en faveur du développement des territoires. La révision constitutionnelle votée en 2003 sous le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin "permettait déjà à la loi d'autoriser les collectivités à adapter les règles régissant leurs compétences, mais uniquement à titre expérimental, pour une durée limitée et en outre, l'expérience doit se terminer par l'abandon ou la généralisation", a-t-il rappelé. Autrement dit, "l'expérimentation telle que la fixe la Constitution actuelle ne permet que des différenciations temporaires", a-t-il résumé. "Or, il nous a semblé que la demande qui s'exprimait de la part des collectivités était une différenciation plus durable", a-t-il dit.
"Une révolution dans la façon de fonctionner de l'Etat"
L'ancien préfet de Corrèze a ainsi confirmé les déclarations du président de la République, notamment le 23 novembre en clôture du congrès des maires de France. Emmanuel Macron avait alors indiqué qu'il proposerait une modification de la Constitution pour accorder aux collectivités une faculté d'adaptation des règles et "pouvoir, le cas échéant, aboutir aussi à des transferts aux collectivités pour une répartition plus efficace". Le chef de l'Etat avait de même évoqué une modification de l'article 72 de la Constitution pour "permettre aux collectivités de pérenniser une expérimentation réussie, sans que celle-ci ait vocation à être généralisée au plan national". Plus récemment, le 7 février, à Bastia, Emmanuel Macron a dit à nouveau qu'il proposerait une "refonte de l’article 72 de la Constitution" dans le cadre de sa réforme des institutions.
Les conditions semblent aujourd'hui très favorables pour que le projet de l'exécutif se concrétise. Deux semaines après les annonces du président de la République, le Conseil d'Etat a jugé, dans un avis, que la révision constitutionnelle est utile, et même opportune, pour permettre aux collectivités territoriales de s'organiser plus librement (voir notre article Compétences locales : bientôt la fin du jardin à la française ?).
En outre, ce volet-là de la réforme constitutionnelle rencontre un écho favorable au sein des groupes parlementaires. Le droit à la différenciation "serait une révolution dans la réflexion et la façon de fonctionner de l'Etat français", a ainsi déclaré, mercredi, l'un des porte-parole du MoDem, Yann Wehrling. Les parlementaires alliés de LREM devraient donc soutenir cette réforme. Du côté des Républicains aussi, on ne devrait a priori pas y faire obstacle. A l'Assemblée nationale, les députés de cette tendance viennent de déposer une proposition de loi organique visant à relancer le droit à l'expérimentation par les collectivités territoriales. C'est aussi un député LR qui, avec le marcheur Jean-René Cazeneuve, conduit la "mission flash" sur l’expérimentation et la différenciation territoriale, que la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, récemment installée à l'Assemblée nationale, a lancée il y a un mois. Les deux députés présenteront leurs conclusions et recommandations à la mi-avril.
Des fusions département-métropole, en tenant compte des "volontés locales"
Lors de son audition, le patron de la direction générale des collectivités locales a aussi évoqué le chantier du "rapprochement" entre les métropoles et les départements dans lesquelles elles sont situées. On se souvient que lorsqu'il était candidat à l'élection présidentielle, Emmanuel Macron avait promis de "supprimer" les départements dans les zones les plus urbanisées. Le "rapprochement" ne concernera que "les métropoles les plus importantes" et il sera tenu compte des "volontés locales", a précisé Bruno Delsol : "Autrement dit, a-t-il dit, y a-t-il des endroits en France où le rapprochement métropole-département est demandé soit par la métropole, soit par le département, soit par les deux ?"
A l'instar du département du Rhône il y a trois ans, de nouveaux départements seraient constitués aux franges des grandes métropoles qui absorberaient les compétences départementales. Ces départements "se situeraient tous dans la première moitié des départements par la taille", a fait remarquer Bruno Delsol. "Mais, dans tel endroit, le nouveau département serait en deux morceaux, ce qui évidemment pose une question qu'il faudra d'une manière ou d'une autre résoudre", a-t-il jugé. Selon nos informations, cette difficulté se poserait pour les départements du Nord (avec la métropole de Lille), des Alpes-Maritimes (avec la métropole niçoise) et dans une mesure à peine moindre pour celui de la Loire-Atlantique (métropole de Nantes).
Fin janvier, le président de la République aurait affirmé devant des parlementaires vouloir cinq fusions entre des départements et leur métropole. Le député de la majorité, François-Michel Lambert, l'a confié au média provençal GoMet. Emmanuel Macron aurait même cité les institutions concernées : les Bouches-du-Rhône avec Aix-Marseille-Provence, le Nord avec Lille, les Alpes-Maritimes avec Nice et la Loire-Atlantique avec Nantes.