La réforme de la carte judiciaire devrait se faire par expérimentation
En présentant les grands axes de la réforme de la justice, vendredi, le Premier ministre et la garde des Sceaux n'ont pas dissipé toutes les inquiétudes sur la réforme de l'organisation judiciaire. S'ils renoncent à imposer des cours d'appel régionales (une par région au lieu de la trentaine existant actuellement), ils entendent proposer des expérimentations dans ce sens. En revanche, les tribunaux d'instance ne seront pas touchés mais fusionneront avec les tribunaux de grande instance.
Quelques jours après les annonces du président de la République sur la refondation pénale, le Premier ministre Edouard Philippe et Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ont présenté à Reims, le 9 mars, les grands axes de la réforme de la justice. Une réforme lancée cet automne autour de cinq priorités : la simplification de la procédure pénale (concomitamment à la mise en place de la police de sécurité du quotidien), la simplification de la procédure civile, la transformation numérique, l’efficacité des peines et l’organisation judiciaire. Un dernier point qui est l’objet de vives inquiétudes notamment chez les élus, les avocats et les syndicats depuis quelques mois, après l’expérience douloureuse de la réforme Dati de 2007 qui s'était traduite par la fermeture de nombreux tribunaux. "Un grand flou persiste concernant la réforme territoriale", a d’ailleurs réagi Christiane Féral-Schuhl, présidente du Conseil national des Barreaux, vendredi, après les annonces du gouvernement.
"Pas de grand soir"
Pourtant le Premier ministre et la garde des Sceaux n'entendent pas employer la manière forte. Il n'y aura "pas de grand soir de la carte judiciaire", a promis le Premier ministre. "L'objectif est simple : bâtir une justice efficace, rapide et accessible à tous sur l'ensemble du territoire", a-t-il déclaré.
"Aucune juridiction ne sera fermée, conformément aux engagments du président de la République et du Premier ministre", peut-on également lire dans le dossier de presse du ministère. L’intégralité des sites géographiques est supposée être préservée. Mais les tribunaux d’instance (qui jugent les petits délits passibles de moins de 10.000 euros d’amende) et les tribunaux de grande instance sont amenés à fusionner. "Lorsqu’ils sont situés dans une même ville, cela permettra au justiciable de ne s’adresser qu’à une même juridiction." Quand plusieurs TGI existent dans un même département, tous seront maintenus.
Cours d'appel : des expérimentations à l'échelon régional
Mais c’est sur les cours d’appel que les inquiétudes se faisaient les plus vives, depuis que le gouvernement avait annoncé vouloir épouser la carte administrative des régions. Ce n’est plus tout à fait le cas. "Il n’y aura aucun schéma de réorganisation territoriale des cours d’appel arrêté au niveau central", assure le ministère. Toutefois, il pourra y avoir "des expérimentations à l’échelon régional pour que des premiers présidents ou des procureurs généraux puissent assurer (…) des fonctions d’animation et de coordination pour plusieurs cours d’appel situées dans une même région". De même certains contentieux civils pourraient être regroupés dans une même cour d’appel pour l’ensemble de la région. Ces expérimentations devront reposer sur "une approche consensuelle au sein des territoires", est-il simplement précisé.
Tribunal criminel départemental
En dehors de cette carte judiciaire, la principale annonce du gouvernement concerne la création, à titre expérimemental, de tribunaux criminels départementaux "dans le but de désengorger les cours d’assises et de limiter la détention provisoire". Composés de magistrats professionnels (et non plus de jurés populaires), ces tribunaux seront chargés de juger des crimes passibles de 15 ou 20 ans de réclusion. Les cours d'assises se concentreront sur les crimes les plus graves, notamment lors de récidives et d’appels. Quant aux tribunaux correctionnels (composés d'un juge et de deux assesseurs), ils resteront compétents pour les délits passibles de dix ans d'emprisonnement.