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Forêts / Energie - Un rapport du Sénat met à mal la politique forestière française

"La politique forestière est sans stratégie, sans pilote, sans résultats", a déclaré le sénateur UMP de Côte-d'Or Alain Houpert, co-auteur d'un rapport d'information sur la filière bois présenté le 8 avril. Ce rapport est fondé sur une enquête demandée fin 2013 à la Cour des comptes par la commission des Finances de la Haute Assemblée.
Alors que le tiers du territoire français est constitué de forêts, "la France n'est pas la puissance forestière qu'elle pourrait être", souligne le rapport. La forêt française (outre-mer exclus) est la quatrième forêt de l'Union européenne en surface, avec 17 millions d'hectares, mais la troisième si l'on tient compte du volume de bois. Elle produit 85 millions de mètres cubes de bois par an, mais seule la moitié est effectivement récoltée. La filière bois représente aujourd'hui 440.000 emplois mais aussi 10% du déficit total de la balance commerciale, soit environ 6 milliards d'euros par an. Cinq ministères sont concernés par le sujet, mais "chacun met de son côté sa politique en oeuvre" sans concertation, sur fond de "mosaïque décisionnelle" comprenant "une pléthore de structures publiques" ainsi que dix organisations professionnelles, a résumé Alain Houpert. "Nous souhaitons une clarification et un chef de file", en l'occurrence le ministère de l'Agriculture, a demandé l'autre rapporteur, le sénateur PS des Côtes-d'Armor Yannick Botrel. Le "contrat de filière", signé en décembre dernier par les ministères de l'Economie, de l'Ecologie, de l'Agriculture et du Logement, avec les industriels, les communes forestières et l'ONF, n'est qu'une "avancée très timide" dans un domaine où "les avancées viennent davantage du terrain", a estimé Alain Houpert.
Pour les auteurs du rapport, le modèle économique de la filière est celui d'un "pays en développement", avec de "graves déséquilibres" provoqués par l'exportation de bois brut à l'étranger et l'importation de produits transformés à plus forte valeur ajoutée. Avec 910 millions d'euros par an, les soutiens publics sont "nombreux" mais "peu cohérents", et "trop marqués" en faveur de la filière du bois énergie, qui en capte plus d'un tiers, créant des conflits d'usage dans certaines régions. En revanche, "les soutiens à l'usage du bois dans la construction sont modestes, alors qu'il s'agit du principal débouché en France pour le bois matériau et ses dérivés", note le rapport. "Cela ne signifie pas qu'il ne faut pas installer de chaudières à bois, mais il faut veiller à bien dimensionner les installations par rapport au contexte régional", a souligné Yannick Botrel. Dans certaines zones, les industriels peinent ainsi à récupérer du bois pour faire du charbon ou pour la papeterie.

Parmi les propositions intéressant directement les collectivités territoriales, les sénateurs recommandent donc de "ne plus faire du bois énergie une priorité" et appellent à une "veille continue et organisée au niveau de l'amont comme de l'aval de la filière forêt-bois en fonction des conflits d'usage et des tensions qu'ils pourraient créer au niveau de la ressource". Ainsi, "le soutien à la production d'électricité par appel à projets devrait privilégier les unités de production de chaleur ou de cogénération d'une taille adaptée à la capacité d'approvisionnement des bassins forestiers". Outre le soutien renouvelé à la forêt et à la mobilisation de la ressource bois en amont, les rapporteurs proposent de revaloriser progressivement la part des autres usages du bois dans les dispositifs de soutien public. Ils préconisent aussi une hausse de la production de bois de l'Office national des forêts (ONF) et plaident pour une "clarification des relations entre l'ONF, l'Etat et les collectivités territoriales". "La loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt contribue à cette clarification puisqu'elle oblige les collectivités ne respectant pas leur programme de coupes à s'en justifier devant les services de l'Etat", estiment-ils. Ils suggèrent aussi d'augmenter la proportion d'arbres résineux (plus demandés par l'industrie), et d'instaurer un dispositif pour limiter les exportations de bois brut.
 

 

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