Culture - Un plan d'ampleur pour les librairies indépendantes
Clôturant, le 2 juin, les deuxièmes Rencontres nationale de la librairie à Bordeaux, Aurélie Filippetti a présenté son plan en faveur des librairies indépendantes, menacées à la fois par l'explosion de certains loyers commerciaux en centre-ville (voir notre article ci-contre du 17 janvier 2012) et par le développement de l'e-commerce et des livres dématérialisés (tablettes et liseuses).
Un premier volet en trois mesures
Du côté de l'Etat, les mesures exposées par la ministre de la Culture ne sont pas vraiment nouvelles. Elles ont en effet été exposées, il y a quelques semaines, à l'occasion du dernier Salon du livre à Paris (voir notre article ci-contre du 26 mars 2013). Le plan, doté de 9 millions d'euros, prévoit un ensemble de mesures, dont trois se détachent plus particulièrement. La première consiste en la création d'un fonds d'avance de trésorerie doté de cinq millions d'euros et destiné aux librairies indépendantes.
La seconde concerne le renforcement du dispositif d'aide à la transmission des fonds de librairie, qui sera doté de quatre millions d'euros supplémentaires. Enfin, la troisième mesure importante consiste en la création d'un "médiateur du livre", autorité administrative indépendante qui pourra notamment intervenir sur des litiges portant sur l'application des lois de 1981 et 2011 relatives au prix du livre papier et numérique. A la différence des deux premières mesures, la création du médiateur du livre nécessitera de passer par une loi.
A ces aides de l'Etat s'ajoutent celles - facultatives - des collectivités territoriales, à travers la possibilité d'exonérer les librairies titulaires du label LIR (librairie indépendante de référence) de tout ou partie de la CET (contribution économique territoriale, ex-taxe professionnelle). Les collectivités se sont emparées de ce dispositif pour soutenir leurs librairies labellisées, puisque plus de 80% de ces dernières bénéficient d'une exonération de CET par au moins l'un des niveaux de collectivités concernés (région, département, commune ou EPCI) et 20% d'une exonération totale.
Les éditeurs au secours des libraires
La nouveauté dans les mesures annoncées à Bordeaux est à rechercher du côté des éditeurs. Le plan d'aide aux librairies indépendantes va en effet bénéficier d'une seconde enveloppe de 9 millions d'euros, qui s'ajoutera à la précédente, soit un total de 18 millions d'euros. L'essentiel de cette nouvelle enveloppe proviendra du Syndicat national de l'édition (SNE), qui va mettre en place, à l'horizon 2014, un "fonds complémentaire d'aide à la librairie", doté de 7 millions d'euros. Selon le SNE, ce fonds est destiné principalement "à la restructuration des trésoreries" des librairies indépendantes. L'Etat rajoutera 2 millions d'euros à ce second volet du plan, en augmentant la dotation du Centre national du livre (CNL), qui met également en œuvre des aides à la librairie.
Avec la mise en place de fonds, les éditeurs prennent conscience de la nécessité de préserver le réseau des librairies indépendantes face au poids croissant de la vente en lignes. L'exemple de l'industrie du disque est là pour rappeler le danger. Après que le réseau des disquaires a été laminé par la montée de la musique numérique, les éditeurs se sont retrouvés seuls face aux géants d'internet et de la téléphonie mobile, qui ont dicté leurs conditions.
Amazon, un bouc émissaire tout trouvé
Dans son intervention, Aurélie Filippetti a souligné cet "effort sans précédent en faveur du livre et de la lecture car sans les librairies indépendantes, c'est l'ensemble de l'écosystème du livre qui serait atteint dans sa diversité, il y aurait moins d'éditeurs et d'auteurs, moins de choix pour le lecteur et moins de lien social dans les villes". De leur côté, les libraires n'ont pas caché leur satisfaction. Pour Matthieu de Montchalin, président du Syndicat de la librairie française (SLF), "jamais nous n'avons connu un plan en faveur de la librairie d'un tel montant".
Ce plan pourrait d'ailleurs ne pas s'arrêter là. La ministre de la Culture et les libraires se sont en effet trouvé un ennemi commun en la personne d'Amazon. Aurélie Filippetti n'a pas hésité à s'en prendre directement au site de vente en ligne, en affirmant qu'"aujourd'hui, tout le monde en a assez d'Amazon qui, par des pratiques de dumping, casse les prix pour ensuite pénétrer sur les marchés, pour ensuite faire remonter les prix une fois qu'ils sont en situation de quasi-monopole". Même si rien n'est encore formalisé, Aurélie Filippetti a ainsi indiqué réfléchir à une interdiction de cumuler la gratuité des frais de port (jugée comme une concurrence déloyale par les librairies) et la réduction maximale de 5% sur le prix des livres.