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Culture - La loi de 2003 a amélioré l'accès des libraires au marché des bibliothèques

Pour la première fois, une étude, réalisée sous l'égide du Conseil du livre, dresse un état des lieux de l'accès des libraires aux marchés d'achats des bibliothèques publiques. Il s'agit en l'occurrence de mesurer l'impact de la loi du 18 juin 2003 relative à la rémunération du prêt en bibliothèque. Pour lutter contre la montée des grossistes et l'érosion de la part des librairies - commerces culturels fragiles - dans les achats des bibliothèques, la loi de 2003 a en effet plafonné à 9% du prix public le rabais maximal sur les ventes de livres non scolaires aux collectivités. L'enjeu est important puisque les bibliothèques municipales représentent 52% des achats de livres par des bibliothèques et les bibliothèques départementales de prêt (BDP) 15%, soit un total de 67% pour les collectivités territoriales. Les autres acheteurs sont les bibliothèques universitaires (21%), les centres de documentation et d'information des lycées et collèges (5%), et les autres bibliothèques (7%).

L'étude démontre que la loi de 2003 a eu un effet très net sur les marchés passés auprès des libraires. Non seulement la part de ces derniers a cessé de s'éroder au profit des grossistes, mais elle a même progressé à partir de 2005. La part cumulée des libraires dans les marchés des bibliothèques est ainsi passée de 67% en 2005 à 71% en 2007. Les bibliothèques qui ont le plus recours aux libraires sont les BDP (79%), les bibliothèques pour tous (74%), celles des comités d'entreprise (69%), ainsi que les bibliothèques universitaires pour l'achat de livres français (74%). En termes géographiques, 59% du montant des achats des bibliothèques s'effectuent dans le département et 76% dans la région, avec une distance moyenne de 91 kilomètres entre une bibliothèque et ses fournisseurs de livres. 

Si l'influence de loi de 2003 est ainsi indéniable, elle n'a pas profité de manière égale à tous les libraires. Les gagnants sont incontestablement les "très grandes librairies" - qui ne sont pas nécessairement les plus menacées - avec un gain de parts de marché de 3% entre 2005 et 2007. Les librairies générales et les librairies spécialisées ont également progressé, mais de façon plus modeste (+1%, dont +0,5% pour les librairies jeunesse). A l'inverse, les librairies de chaînes et les librairies-papeteries-presse ont vu leur part de marché reculer sur la période (-0,5%). De façon logique, les grossistes et les fournisseurs spécialisés ont également connu un recul (-3%).

Si le bilan apparaît ainsi globalement positif au regard du soutien aux librairies, l'enquête qualitative menée auprès des acteurs dans le cadre de l'étude fait ressortir la lourdeur des procédures de passation des marchés publics de livres, pour les bibliothécaires comme pour les libraires. Cette charge apparaît d'autant plus lourde que le plafonnement du rabais sur le prix public, introduit par la loi de 2003, limite fortement l'impact du prix sur le choix de l'acheteur. Le paradoxe est donc que la compétitivité redonnée aux libraires par la loi de 2003 risque d'être annulée par la lourdeur des tâches administratives liées aux marchés, qui pèsent proportionnellement beaucoup plus sur un petit libraire que sur un grossiste disposant d'une équipe commerciale.

Enfin, le rapport formule trois "pistes d'action" : pérenniser le suivi national de l'achat public de livres (à travers la base de données Sofia), expertiser les éléments d'une pratique de l'achat public adaptée au livre (piste qui laisse assez peu d'espoir, compte tenu de la rigidité croissante du Code des marchés) et lancer un programme coordonné de formation et de soutien aux bonnes pratiques en région.

 

Jean-Noël Escudié / PCA