Loppsi 2 - Un nouveau coup de pouce pour la vidéoprotection
La "vidéoprotection", version politiquement correcte de la vidéosurveillance, fait son entrée officielle dans la loi française, avec l'adoption par les députés, mardi 16 février, du projet de loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (Loppsi 2). Le terme avait été introduit par l'ancienne ministre de l'Intérieur, Michèle Alliot-Marie, puis repris par son successeur Brice Hortefeux. En préparation depuis plus de deux ans, ce texte fourre-tout, qui traite aussi bien de la sécurité des personnes âgées que de la pédopornographie, se fixe aussi pour objectif de favoriser "la réalisation du plan de triplement des caméras sur le territoire" d'ici à 2011… Ce plan lancé fin 2007 par l'actuelle ministre de la Justice prévoyait de faire passer de 20.000 à 60.000 le nombre de caméras sur la voie publique. Or selon Philippe Melchior, le président du comité de pilotage stratégique pour le développement de la vidéoprotection, interrogé récemment par La Gazette, il y aurait 22.000 caméras sur la voie publique à ce jour. L'objectif de 38.000 nouvelles caméras en un an semble donc difficile à atteindre malgré les outils mis en place l'an dernier (demandes d'autorisation en ligne, simplification de la réglementation) et les derniers assouplissements apportés par la loi. Celle-ci donne par exemple la possibilité aux personnes morales privées "particulièrement exposés à des risques d'agression ou de vol" d'installer des caméras sur la voie publique, "après autorisation du maire" (article 17). Cette possibilité ne leur était accordée jusque-là que pour les lieux exposés au risque d'attentats terroristes. Les maires pourront déléguer le visionnage des vidéos à des opérateurs privés en vertu d'une convention agréée avec le préfet (les salariés de l'opérateur n'auront toutefois pas accès aux enregistrements). Pöur prévenir les actes de terrorisme, le préfet "peut demander à une commune la mise en œuvre de systèmes de vidéoprotection". Le conseil municipal doit en délibérer dans un délai de trois mois.
La Loppsi tranche le long débat sur le contrôle de la vidéosurveillance. Celui-ci relève des commissions départementales placées auprès des préfets. Mais la Commission nationale de la vidéosurveillance créée par un décret du 15 mai 2007 se voit confier "une mission générale de contrôle du développement de la vidéoprotection". En d'autres termes, elle sera chargée de dégager une doctrine nationale à partir du travail des commissions départementales, a expliqué Brice Hortefeux lors des discussions. Ce qui ne fait pas les affaires de la Commission nationale de l'informatique et des libertés qui revendique ce rôle de longue date.
Alex Türk, le président de la Cnil, a aussitôt réagi en demandant de corriger le tir. En tant que sénateur du Nord, il entend user de son influence au sein de la Haute Assemblée. Dans un rapport de 2008, les sénateurs Jean-Patrick Courtois et Charles Gautier avaient plaidé en faveur de Cnil. Selon Alex Türk, la Cnil présente "tous les avantages": "l'indépendance", que lui garantit sa "collégialité", la "compétence, puisqu'elle fait ce travail depuis des années", le moindre coût, "car il suffit de recruter quelques contrôleurs de plus". Seulement, du côté du gouvernement, on fait savoir que la Cnil n'a pas les moyens de passer en revue les 10.000 autorisations préfectorales de vidéoprotection délivrées tous les ans.
Michel Tendil
Ce que change la Loppsi 2 pour la prévention
- Les directeurs d'une police municipale d'au moins 40 agents pourront se voir attribuer la qualité d'agent de police judiciaire (APJ).
- Les policiers municipaux pourront procéder à des contrôles d'identité, sous l'autorité d'un officier de police judiciaire.
- Modification du régime de la vidéoprotection.
- En cas de refus par les parents d'un mineur de signer un contrat de responsabilité parentale, possibilité pour le président du conseil général de suspendre le versement des allocations familiales.
- Possibilité pour le préfet d'instaurer un couvre-feu pour les mineurs non-accompagnés de 13 ans entre 23 heures et 6 heures.