Sécurité - De nouvelles facilités pour la vidéosurveillance

Convaincu de l'efficacité de la vidéoprotection, le ministère de l'Intérieur souhaite lui donner un "nouvel élan", alors que les objectifs du plan d'équipement lancé fin 2007 semblent difficiles à atteindre. Au programme : moins de contraintes juridiques, plus de soutiens financiers et un guide méthodologique.

L'explosion des braquages (+42% dans les bijouteries en 2008) et l'aggravation des phénomènes de bandes donnent des arguments au ministère de l'Intérieur pour donner un "nouvel élan" à son programme d'équipement de vidéoprotection. "Ce  n'est pas une position de principe, simplement un constat pragmatique : ça marche et la vidéoprotection est particulièrement adaptée aux formes actuelles de la délinquance", a justifié Gérard Gachet, le porte-parole du ministère, lors d'une conférence de presse, mardi 17 mars.
Le plan national d'équipement lancé en novembre 2007 par la ministre de l'Intérieur, Michèle Alliot-Marie, prévoit de tripler en deux ans le nombre de caméras installées sur la voie publique en France, pour passer de 20.000 à 60.000. En 2007, 10.000 demandes d'autorisation ont été recensées, contre environ 4.000 l'année précédente. Mais il est difficile aujourd'hui de savoir combien de caméras sont réellement installées sur la voie publique. "Dans deux mois nous aurons les chiffres", a assuré Philippe Melchior, président du comité de pilotage sur la vidéoprotection, reconnaissant un léger ralentissement des demandes d'autorisations depuis les dernières élections municipales. La crise pourrait elle aussi retarder les projets d'investissements des maires, avait récemment fait savoir l'Association nationale des villes vidéosurveillées (AN2V). "A partir du moment où l'autorité publique a la conviction que ça sert, il lui appartient d'essayer de convaincre loyalement, de faciliter la prise de décision des maires, centres commerciaux et commerces de proximité, avec des précautions pratiques pour réduire le risque d'atteinte à la vie privée", a justifié Philippe Melchior.

 

Guide méthodologique

Le gouvernement souhaite donc en priorité alléger les procédures jugées "franchement compliquées". Un décret du 22 janvier 2009 a été pris en ce sens. "Quand un projet est tout petit, le dossier est tout petit, un document Cerfa est suffisant", a signalé Philippe Melchior, expliquant que pour les commerçants, la procédure est désormais réduite à sa plus simple expression. Par ailleurs, les commissions départementales, chargées de donner un avis aux préfets sur les demandes d'autorisations, seront amenées à se prononcer plus vite, dans un délai de trois mois maximum. Une messagerie (videoprotection@interieur.gouv.fr ) "ouverte à tous les Français" est créée pour répondre à leurs questions "dans les dix jours". Un site internet (www.videoprotection.interieur.gouv.fr) sera lancé à partir de la fin du mois de mars et permettra dès le 15 mai d'adresser les demandes d'autorisation directement en ligne. Ce site alimentera une base de données qui permettra ensuite de cartographier les installations en France, comme le préconisait le rapport du sénateur Charles Gautier, décembre dernier. Par ailleurs, un guide méthodologique assorti de fiches juridiques et techniques et un guide d'évaluation figureront sur le site. Le guide d'évaluation permettra aux maires de mesurer eux-mêmes l'efficacité de leur dispositif, "en faisant s'ils le souhaitent l'économie de temps et de recours à un bureau spécialisé".

 

Les commissions départementales confortées

D'un point de vue financier, le fonds interministériel de prévention de la délinquance, doté de 35 millions d'euros cette année, permet de financer "de l'ordre de 20 à 50%" les études préalables aux projets. La subvention peut même monter à 100% pour les projets de raccordement d'un centre de supervision urbain à un service de police ou de gendarmerie. De plus, la prochaine "loi de programmation de sécurité intérieure (Lopsi) prévoit 555 millions d'euros pour les nouvelles technologies, la police technique et scientifique mais aussi la vidéoprotection", a rappelé Gérard Gachet. Sur la question du contôle et des autorisations, elles aussi facilitées par le décret du 22 janvier 2009, Gérard Gachet a écarté d'un revers de manche l'idée de les confier à la Cnil, comme le suggérait le rapport sénatorial. Philippe Melchior a même jugé qu'il s'agissait d'un "faux problème". "Concernant les caméras installées sur la voie publique, je ne connais pas une seule donnée qui entre dans le champ de compétence de la Cnil. Quand la reconnaissance faciale marchera, nous prendrons acte d'un phénomène nouveau", a-t-il dit, exprimant ses doutes sur la capacité de la Cnil d'examiner 10.000 demandes d'autorisations. "Il lui faudrait créer une nouvelle administration centrale. Il me semble plus sage de le confier à des acteurs de terrain, cet examen doit être concret et local", a-t-il tranché, confortant ainsi le rôle des commissions départementales. Dans une circulaire du 12 mars 2009, Michèle Alliot-Marie demande aux préfets de renforcer les contrôles a posteriori de manière à "vérifier que les systèmes de vidéoprotection installés le sont bien en conformité avec la loi".

 

 

Michel Tendil

 

 

Un rapport coût/efficacité toujours en débat

 

"La vidéoprotection marche, aussi bien pour la prévention que les élucidations : on a le recul nécessaire pour l'affirmer", a déclaré Gérard Gachet, le porte-parole du ministère de l'Intérieur, mardi, pour présenter le "nouvel élan" donné à la vidéoprotection en France. Sauf qu'à ce jour, aucune étude complète ne l'atteste. "De manière étonnante au regard des coûts importants d'un tel dispositif, aucune étude évaluative n'a interrogé son rapport coût/efficacité", fait remarquer l'Iaurif (Institut d'aménagement et d'urbanisme d'Ile-de-France) dans son rapport "Vidéosurveillance et espaces publics", publié en octobre dernier. Un dispositif classique est facturé entre 500.000 et un million d'euros, sans compter les frais de fonctionnement. Et en l'absence même d'outils de calcul, ce sont toujours les mêmes exemples qui sont mis en avant : Strasbourg (-27,6% de délinquance de voie publique entre 2003-2007), Orléans (-48,8% entre 2001 et 2007) ou encore Cannes (-48% en six ans). Il est impossible de déterminer la part exacte de la vidéoprotection dans ces baisses, a reconnu Philippe Melchior, président du comité de pilotage sur la vidéoprotection, et "la ministre nous a demandé de pousser l'étude plus loin". "Si on dit, c'est seulement la vidéoprotection qui a permis de faire baisser la délinquance à Strasbourg, ce n'est pas vrai. Ce que nous notons, c'est que dans les villes où il y a de la vidéo, la délinquance a baissé plus vite qu'ailleurs", a-t-il précisé. Tout dépend donc de ce qu'on met derrière (formation des agents, liens avec les autres services, etc.).

M.T.