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Personnes âgées - Trente et un milliards de dépenses et des pistes pour réformer la dépendance

Le groupe de travail n°4 du débat national sur la dépendance - présidé par Bertrand Fragonard et consacré à la stratégie pour la couverture de la dépendance des personnes âgées - a examiné, le 25 mai, plusieurs hypothèses de réforme de la prise en charge. A cette occasion, il a rendu publics - sur le site dédié au débat national sur la dépendance - trois documents destinés à alimenter la réflexion sur le sujet. Il s'agit en l'occurrence d'études très fouillées sur les aspects financiers de la dépendance. Le plus intéressant de ces trois documents, intitulé "Le compte de la dépendance", s'efforce de déterminer le coût actuel de la dépendance.

Des dépenses largement socialisées

Celui-ci se chiffrerait à 31,4 milliards d'euros en 2010. Ce montant comprend deux composantes bien distinctes. La première correspond aux 7,4 milliards d'euros de dépenses privées, dont la note reconnaît qu'elles sont "relativement mal connues". Ce chiffre recouvre principalement 4,8 milliards d'euros de coût net de l'hébergement, autrement dit ce qui reste à la charge des personnes âgées et des familles dans les prestations hôtelières. S'y ajoutent le ticket modérateur de l'allocation personnalisée d'autonomie (812 millions d'euros pour l'APA à domicile et 917 millions en établissement), ainsi que 752 millions d'euros de reste à charge au titre des soins, un montant dont les auteurs de la note reconnaissent qu'il "ne peut faire l'objet que d'une approximation". Enfin, les dépenses de "gîte et de couvert" à domicile peuvent être estimées à 3,4 milliards d'euros. Selon qu'elles sont prises en compte ou non, le montant des dépenses privées passe de 7,4 à 10,8 milliards d'euros. Si l'on peut ainsi avoir une idée des dépenses privées, la façon dont elles sont financées reste inconnue : pensions, rentes, revenus mobiliers ou fonciers, ponctions sur l'épargne, aide familiale...
Les dépenses publiques restent toutefois nettement supérieures - et mieux connues -, avec un total de 24 milliards d'euros. Elles se décomposent en 7,7 milliards d'aides destinées à compenser la perte d'autonomie (dont l'APA est la principale), de 14 milliards de dépenses de soins et de 2,2 milliards d'aides à l'hébergement. Les deux principaux financeurs sont la sécurité sociale (15 milliards) et les départements (5 milliards). L'étude en conclut que les dépenses de prise en charge de la dépendance sont largement socialisées, puisque le taux de couverture par la puissance publique est de 84% à domicile et de 72% en établissement.

Des taux d'effort très inégaux

Une seconde note se penche sur les "éléments financiers saisis au niveau des ménages", autrement dit le taux d'effort des personnes âgées dépendantes et de leur entourage. S'appuyant sur des simulations réalisées à partir de cas types, elle montre - sans surprise - que le taux d'effort varie selon le GIR et qu'il est sensiblement plus élevé pour les personnes les plus dépendantes : jusqu'à près de 60% du revenu en GIR 1 pour des plans d'aides excédant de 50% le plafond, mais de 5 à 15% du revenu en GIR 4 pour des plans inférieurs à 115% du plafond. De la même façon, le reste à charge moyen des personnes dépendantes en établissement (1.468 euros par mois en 2007) varie fortement selon que les intéressés recourent ou non à l'aide sociale des départements.
Enfin, une troisième note se penche, dans une approche comparative, sur les différents systèmes de couverture de la dépendance des personnes âgées à l’étranger.

Deux scénarios pour un tour de piste...

Ces trois notes ont alimenté les réflexions du groupe de travail lors de sa réunion du 25 mai. Celle-ci a toutefois porté surtout sur un quatrième document, non rendu public, et qui présente trois scénarios pour la réforme de la prise en charge de la dépendance. Le premier repose sur la mise en place d'un cinquième risque dédié à la dépendance. Celui-ci serait géré par la sécurité sociale - au même titre que les autres branches - et financé par une recette unique de solidarité nationale. Les départements se trouveraient du coup déchargés de l'APA.
Le second scénario se situe à l'exact opposé, puisqu'il repose sur l'hypothèse d'une assurance privée universelle et à couverture immédiate (dès la souscription), qui se substituerait aux actuelles prestations publiques. Selon le scénario présenté, une cotisation de 33 euros souscrite à 50 ans donnerait droit à une rente mensuelle comprise entre 300 et 700 euros, selon le degré de dépendance. Si ce scénario permet un très net allègement de la dépense publique à long terme, il commence toutefois par une forte progression des dépenses publiques, puisqu'il faut à la fois financer la prise en charge des dépenses dépendance avant la mise en place du nouveau dispositif et accompagner, par des incitations fiscales, la mise en place de ce dernier.

...et un scénario pour le débat

Si l'on s'en tient aux déclarations du gouvernement sur ce sujet - et plus particulièrement celles de Roselyne Bachelot-Narquin -, aucun de ces deux scénarios ne devrait être retenu. Tous les regards se tournent alors vers le troisième scénario, qui semble conçu pour recueillir l'aval des pouvoirs publics et repose sur une prise en charge très majoritairement publique, majorée d'une dose assurantielle. Dans ce scénario, le dispositif actuel serait "consolidé" par des ressources supplémentaires. La note passe en revue, sans trancher, plusieurs hypothèses : deuxième journée de solidarité, taxe additionnelle aux droits de successions, hausse de la CSG des retraités imposables, réduction de l'abattement de 10% sur l'IRPP (supposés correspondre à la couverture des frais professionnels) pour les retraités, imposition des majorations de retraite pour les familles nombreuses...
Consolidation ne veut pas dire immobilisme et la note formule au contraire plusieurs préconisations. En matière d'APA, le plafond des plans d'aide serait ainsi relevé de 50%, avec ou sans ciblage. La note recommande également un redéploiement de l'effort depuis le GIR 4 (les personnes les moins dépendantes) vers les GIR 1 et 2. Sur l'hébergement en établissement, elle propose de renforcer les aides publiques, notamment sous la forme d'un relèvement ciblé de l'allocation logement et de la mise en place d'un "bouclier" (plafonnement du reste à charge pour éviter la liquidation du patrimoine ou l'appel excessif à l'entourage) pour les situations de dépendance de longue durée, qualifiées de "risque catastrophique qui doit être intégralement pris en charge par la solidarité nationale". Ce bouclier serait notamment financé par un relèvement de la participation financière des couples bénéficiaires de l'APA et par l'instauration d'un "loyer fictif" dans le calcul des ressources des bénéficiaires propriétaires de leur logement.
Enfin, ce scénario central prévoit l'introduction d'une dose d'assurance privée. Celle-ci passerait notamment par la mise sur pied d'un contrat socle et d'une labellisation publique, pour mettre un terme aux écarts actuels. L'efficacité de l'apport assurantiel nécessite aussi de garantir et d'améliorer la revalorisation des rentes. Le décollage de la part assurantielle supposera sans doute aussi un dispositif d'incitation fiscale. Enfin, comme la rumeur en circule depuis quelque temps, la note recommande de mobiliser l'assurance vie, en développant des produits mixtes associant assurance traditionnelle et garantie dépendance.
Le groupe de travail devrait maintenant discuter et affiner ces propositions. Mais il est très probable qu'une partie d'entre elles devrait se retrouver dans les solutions que retiendra le gouvernement durant l'été. 

 

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