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Cinquième risque - Le débat national sur la dépendance planche sur les perspectives démographiques

Le groupe de travail sur les "enjeux démographiques et financiers de la dépendance" estime que le nombre de personnes dépendantes pourrait passer de 1,15 million en 2010 à 2,30 millions en 2060.

Les quatre groupes de travail mis en place début février dans le cadre du débat national sur la dépendance (voir notre article ci-contre du 3 février 2011) se sont bien attelés aux grands champs de réfléxion qui leur avaient été confiés. Ceci se traduit notamment par la mise en circulation d'un certain nombre de documents de travail. Le groupe consacré aux "enjeux démographiques et financiers de la dépendance" - présidé par Jean-Michel Charpin, ancien directeur général de l'Insee - a ainsi publié un document sur les tendances d'évolution à long terme de la perte d'autonomie. Cette note technique d'une quinzaine de pages repose sur des scénarios de projection démographique à l'horizon 2060.

Des hypothèses moins optimistes

Faute d'une définition partagée du terme général de "dépendance", les projections portent sur les personnes bénéficiant de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA). La note traduit une inflexion dans la vision que l'on avait, jusqu'à présent, de l'impact démographique de la perte d'autonomie. Elle relève en effet que "les observations disponibles jusqu'au début des années 2000 avaient conduit la Drees et l'Insee à retenir des jeux d'hypothèses relativement optimistes dans leurs projections". La Drees (direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques des ministères sociaux) retenait alors à l'époque, comme hypothèse centrale, une légère réduction de la durée de vie passée en dépendance.
Les observations plus récentes sont moins optimistes. Ce changement de perception s'appuie d'abord sur des constats rétrospectifs. En premier lieu, "il n'apparaît plus aussi clairement que les années d'espérance de vie gagnées le sont en bonne santé". En d'autres termes, si l'espérance de vie globale continue de progresser, les gains d'espérance de vie sans incapacité modérée continuent de stagner. Par ailleurs, les études réalisées sur la tranche d'âge des 50-65 ans semblent montrer une dégradation de la situation des intéressés entre 1999 et 2008, du point de vue des limitations fonctionnelles, mais aussi - dans une certaine mesure - du point de vue des restrictions d'activité. Selon la note de travail, "ceci pourrait signifier que la génération qui est actuellement dans cette tranche d'âge, susceptible d'entrer en dépendance vers 2030, présente des risques accrus par rapport à la génération précédente". La note évoque différents facteurs susceptibles d'expliquer cette évolution : une amélioration des conditions sanitaires qui conduirait - paradoxalement - au recul de la mortalité des personnes en incapacité, la montée en charge rapide de certaines pathologies comme le diabète (même si "le lien entre affections de longue durée et dépendance est [...] mal connu"), ou encore la meilleure prise en compte des problèmes de santé et des facteurs de risques qui "pourrait avoir conduit un plus grand nombre d'individus à identifier les difficultés, mais aussi à mieux les gérer" (la plupart des enquêtes prenant en compte le ressenti déclaré d'une incapacité). Enfin, s'appuyant notamment sur l'enquête Paquid (suivi de près de 4.000 personnes pendant dix ans dans 75 communes de Gironde et de Dordogne), la note relève que l'évolution de la prévalence et de l'incidence de la maladie d'Alzheimer demeure mal connue.

2,3 millions de personnes dépendantes à l'horizon 2060

Ces considérations conduisent à proposer au groupe de travail trois scénarios d'évolution de la fréquence de la dépendance. Le plus pessimiste repose sur une stagnation de la fréquence de la dépendance à chaque âge et pour chaque sexe. Le scénario optimiste repose au contraire sur l'hypothèse que les gains d'espérance de vie correspondent intégralement à des gains d'espérance de vie sans incapacité (EVSI). Enfin, le scénario central - autrement dit jugé le plus plausible - repose sur l'hypothèse qui verrait les gains d'espérance de vie se partager de manière neutre entre espérance de vie sans incapacité et avec incapacité. Autrement dit, "la part d'espérance de vie avec incapacité à 65 ans resterait inchangée sur la période des projections".
Dans cette hypothèse, le nombre de personnes dépendantes (au sens de "remplissant les conditions pour bénéficier de l'APA") passerait de 1,15 million en 2010 à 2,30 millions en 2060. La progression ne serait toutefois pas uniforme dans le temps : rapide jusqu'en 2017-2020 (+2% par an), elle retomberait à +1,1% jusqu'en 2030, puis repasserait à +2% entre 2030 et 2045 (période où la génération du baby boom arrivera à l'âge de la dépendance), avant de revenir à +0,6% par an à partir de 2045.