Social - Dépendance : les CCAS entrent dans la danse
L'Union nationale des centres communaux et intercommunaux d'action sociale (Unccas) entre à son tour officiellement dans le débat national sur la dépendance. Elle le fait sous une forme très argumentée, puisque l'association publie un document d'une cinquantaine de pages intitulé "Dépendance, un enjeu de solidarité nationale". Le sous-titre - "Positionnement de l'Unccas pour un droit universel à l'aide à l'autonomie" - donne d'emblée une idée de l'orientation générale du document.
Ce n'est pas la première fois que les CCAS prennent position dans le débat sur la prise en charge de la dépendance, qui s'est ouvert depuis près de quatre ans, voire depuis la loi du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et handicapées. En juin dernier, l'Unccas avait ainsi déjà publié une note dans laquelle elle plaidait notamment en faveur d'une convergence des dispositifs et des prises en charge des personnes âgées et des adultes handicapés (voir notre article ci-contre du 28 juin 2010). L'association avait également présenté sa position deux ans plus tôt, lors de son audition par la mission commune d'information du Sénat sur la prise en charge de la dépendance et la création du cinquième risque (voir notre article ci-contre du 9 avril 2008).
Ne pas oublier la prévention
La prise de position présentée le 18 février correspond à une analyse globale de la prise en charge de la dépendance, qui dépasse le seul cadre de l'éventuelle prestation à venir. L'Unccas aborde ainsi la question des services à domicile, celle de la politique de l'habitat et de l'offre alternative d'hébergement, ou encore celle du financement des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad).
Missions respectives obligent, l'Unccas se positionne sur un registre assez nettement différent de celui des départements. Alors que ces derniers mettent l'accent sur la question du financement, l'Unccas a choisi de centrer sa prise de position sur la question de la prévention et de la prise en charge de la perte d'autonomie, mettant en avant "l'apport d'une sensibilité particulière" dans le débat. Le document commence ainsi par rappeler la "mission de proximité" des CCAS et des CIAS auprès des personnes âgées, mission qui se traduit par la mise en oeuvre d'établissements et de services, beaucoup plus que par des prestations financières. L'Unccas rappelle cependant que les CCAS sont, eux aussi, "confrontés à l'insuffisance des financements actuels", en particulier dans le secteur de l'aide à domicile. En ce domaine, l'étude de l'Unccas cite notamment le cas du CCAS d'une commune du Rhône de 40.000 habitants, gestionnaire d'un service domicile qui a dû réduire le nombre d'heures réalisées de 33.000 à 20.000 pour ramener le déficit d'exploitation de 190.000 à 90.000 euros. Par ailleurs, l'Unccas s'inquiète des défaillances des services associatifs d'aide à domicile, qui risquent de poser la question de la reprise des activités et des personnels par les CCAS concernés.
Aussi l'Unccas propose-t-elle la mise en oeuvre d'une contractualisation budgétaire dans le cadre d'un contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens, ainsi qu'une mutualisation des services et le rétablissement du dispositif d'exonération de charges institué par la loi du 26 juillet 2005 relative au développement des services à la personne, pour les services à domicile intervenant auprès des personnes fragiles (voir notre article ci-contre du 14 février 2011). De même, en matière de logement, l'Unccas demande la revalorisation d'une offre d'hébergement alternative, autrement dit les logements-foyers. En sachant que les CCAS gèrent 70% des 2.330 logements-foyers et que nombre d'entre eux se trouvent en difficulté face au vieillissement et à la perte d'autonomie de leurs occupants.
Un droit universel à compensation... en deux temps
Mais l'essentiel du document réside dans le chapitre consacré au droit à l'autonomie. Dans le prolongement de sa prise de position sur la convergence handicap/vieillesse, l'Unccas se prononce en faveur d'un "droit universel à compensation, quels que soient l'âge, le lieu de vie de la personne et la raison du besoin d'aide à l'autonomie". Le réalisme et "le manque actuel de moyens pour faire face aux dépenses liées à la perte d'autonomie" la conduisent toutefois à proposer une démarche originale, organisée en deux temps. Dans un premier temps, l'Unccas préconise de "prendre des mesures urgentes permettant de répondre aux besoins et de solvabiliser la demande des personnes actuellement âgées de 85 ans et plus, auxquelles on ne peut demander de s'assurer aujourd'hui pour leur perte d'autonomie". Dans un second temps, il s'agirait "d'engager une réflexion sur la mise en place d'un système pérenne de prise en charge de la perte d'autonomie". Si l'approche est pragmatique, on peut néanmoins s'interroger sur la pertinence d'une distinction - même temporaire - fondée sur l'âge, alors que la perte d'autonomie peut intervenir bien avant 85 ans (dans le cas de la maladie d'Alzheimer, par exemple).
Cette approche globale recouvre des prises de positions plus précises sur un certain nombre de questions clés du débat. Dont celui de la prévention de dépendance : tout en rappelant les actions déjà menées par les CCAS en la matière, l'association prône un renforcement de la prévention des accidents de la vie courante et la généralisation des diagnostics de mise en sécurité du domicile des personnes âgées.
Un peu d'assurance, mais pas trop
S'agissant de la prise en charge proprement dite, l'Unccas s'attarde sur les modalités du droit universel à l'aide à l'autonomie (ou droit universel à la compensation), qui se traduirait concrètement par la création d'une prestation unique fusionnant l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) et la prestation de compensation du handicap (PCH). Ceci suppose une évaluation et une réponse personnalisées en fonction de la situation, de l'environnement et des besoins de la personne âgée. En pratique, l'Unccas se prononce en faveur d'une prestation universelle (pas de condition de ressources). Elle demande également le maintien du versement de l'APA - ou de son substitut éventuel dans le cadre de la réforme - aux personnes classées en GIR 4. Selon elle, l'exclusion de ces dernières du bénéfice de l'APA renverrait la charge sur les régimes vieillesse, qui prennent déjà en charge les personnes classées en GIR 5 et 6 (et s'agissant d'une aide sociale facultative, la Caisse nationale d'assurance vieillesse et la Mutualité sociale agricole auraient toute latitude pour décider des prises en charge éventuelles). Dans le même esprit, les CCAS estiment que "la prestation doit également exclure toute récupération sur succession ou gage sur patrimoine". Une position que l'association justifie en faisant valoir le parallèle avec l'assurance maladie qui ne prévoit aucun dispositif de ce type.
Sur la question du financement, l'Unccas "défend le principe d'un droit fondamental à l'aide à l'autonomie dont le financement reposerait essentiellement sur la solidarité nationale". L'association propose donc que ce financement soit assuré par la création d'une cinquième branche de sécurité sociale "dont le financement serait assuré majoritairement par des apports contributifs (cotisation dès l'entrée dans la vie active, en fonction des moyens de chacun), ainsi que par la solidarité nationale (maintien ou augmentation de la mobilisation de la CSG par exemple) pour venir en aide aux plus démunis".
L'Unccas ne ferme pas non plus la porte à un dispositif assuranciel. Mais elle l'assortit de nombreux garde-fous et soulève un certain nombre de questions : accessibilité aux populations en situation de précarité, niveau de couverture ou encore âge de début des cotisations dans l'hypothèse d'une assurance obligatoire. Sur ce point et toujours dans cette hypothèse, l'Unccas se distingue d'ailleurs du rapport parlementaire de Valérie Rosso-Debord en prônant une cotisation obligatoire dès 40 ans voire avant, au lieu de 50 ans. Toujours sur ce thème de l'assurance, l'Unccas semble avoir quelque peu durci sa position depuis l'été dernier, envisageant désormais une alternative : soit une assurance complémentaire obligatoire, universelle et collective sur le modèle de la retraite complémentaire - solution qui semble avoir sa préférence -, soit une assurance individuelle facultative, laissée à la libre initiative des individus et des assurances.
Une organisation en trois niveaux
Ces réflexions aboutissent à une organisation en trois niveaux. Le premier serait constitué de la cinquième branche "Autonomie". Plus original, le second niveau correspondrait à un nouveau dispositif : la couverture autonomie universelle (CAU) destinée - sur le modèle de la CMU - aux personnes n'ayant pas ou pas suffisamment cotisé. Enfin, le troisième niveau serait celui soit d'une assurance complémentaire obligatoire et collective (type retraite complémentaire), soit d'une assurance facultative avec, dans ce cas, la mise en place d'une CAU complémentaire (CAU-C, sur le modèle de la CMU-C) pour permettre aux personnes à faibles ressources d'y accéder.
En attendant le déploiement d'un tel dispositif, l'Unccas envisage - sans trancher - diverses pistes possibles pour financer les mesures de court terme : majoration du taux de CSG, relèvement des droits de succession ou taxe sur les revenus du capital. En revanche, elle "écarte l'idée d'instaurer une journée de solidarité complémentaire", dans la mesure où ce dispositif exclut les professions indépendantes, les agriculteurs et les retraités. Le mémoire de l'Unccas ne comporte toutefois aucun élément chiffré sur les coûts à assumer et sur les ressources escomptées.
Sur la gouvernance de la cinquième branche, les propositions rejoignent peu ou prou le consensus s'est dégagé depuis longtemps sur ce point. L'Unccas estime en effet qu'il convient de confier un "rôle pivot" à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. En revanche, elle demande une "réévaluation" de la place des associations et des collectivités au sein du conseil d'administration de la CNSA.