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Mobilité - Transports publics urbains : le Gart confronte les formules de financement

Le 17 juin, un colloque organisé par le Groupement des autorités responsables des transports publics (Gart) et le Conseil des communes et régions d'Europe (CCRE) a apporté des éclairages sur les mécanismes de financement des transports publics urbains (TPU) à l'oeuvre en France et chez ses voisins européens. 

Roland Ries, président du Gart et maire de Strasbourg, a rappelé en introduction des débats les besoins croissants de financement des collectivités pour financer les projets de transports en commun en site propre (TCSP) rendus nécessaires pour respecter l'objectif de réduction de 20% des émissions de gaz à effet de serre à l'horizon 2020. Tout en se réjouissant de la décision de l'Etat de financer à nouveau les TCSP, à hauteur de 20%, il a mis en garde sur les risques d'impasses financières auxquelles sont confrontées les collectivités. Elles assurent aujourd'hui 80% des dépenses d'exploitation et d'investissement des transports publics, les usagers n'en supportant que 20%. Près de 50% des investissements réalisés jusqu'à ces dernières années ont été financés grâce au versement transport payé par les employeurs publics et privés. Mais la source est en train de se tarir. "Avec la crise, son produit a tendance à stagner, voire à régresser et il est pour l'essentiel affecté à l'amortissement des investissements réalisés dans le passé", a souligné le président du Gart. D'où l'urgence de trouver des pistes de financement complémentaires de ce versement transport et de la fiscalité : péages urbains, décentralisation et dépénalisation du stationnement ou taxation des plus-values foncières liées aux investissements dans de nouvelles infrastructures de transport, comme le prévoit le projet de loi Grenelle 2.

Des études de cas d'investissements reposant sur de nouveaux mécanismes de financement ont été présentées lors du colloque. "La créativité est indéniable en la matière, mais on reste en droit de s'interroger sur la solidité stratégique des projets dans lesquels ces solutions de financement s'insèrent", a relevé José Viegas, professeur à l'Institut supérieur de technologie de Lisbonne et auteur d'un rapport sur cette problématique dévoilé fin mai au Forum international des transports à Leipzig.

Un crédit-bail pour financer le matériel 

Sylvain Pronteau, responsable développement collectivités à la direction du secteur public du groupe Caisse d'Epargne, a détaillé le fonctionnement du crédit-bail fiscal, un dispositif qui se développe selon lui grâce à un contexte juridique et fiscal favorable depuis peu aux collectivités. Pour l'heure, le montant de ces crédits affectés au financement des TCSP atteint 1,5 milliard d'euros. La région Paca a opté dès 2003 pour cette formule afin de développer son TER, la région Rhône-Alpes également, en vue de financer ses 40 rames pour un montant de 320 millions d'euros, avec un crédit courant sur 38 ans. Plus récemment, les métropoles brestoises et dijonnaises ont lancé des études préalables. "Plusieurs types de montages sont possibles et des incertitudes régnaient au départ, mais elles ont depuis été levées. Le principe est que la collectivité paie un loyer à un crédit-bailleur pour la location de matériel roulant. La formule permet de dégager une bonification fiscale réinjectée dans le montage et reversée en moyenne pour moitié à la collectivité. Ce qui lui permet une économie substantielle de 5 à 10% du montant total d'investissement en matériel sur la durée du montage. Soit dans le cas de la région Rhône-Alpes une économie de 20 millions d'euros", a précisé Sylvain Pronteau. Cette solution n'en comporte pas moins certains risques liés notamment à la variabilité de paramètres fiscaux. "Or il faut interroger ces notions de transferts des risques du public au privé et d'une génération à l'autre : pas question de confier via ces mécanismes des cadeaux qui s'avéreront empoisonnés pour nos enfants", a pointé José Viegas.

Des focus espagnol, anglais et italien

Angel Aparicio, directeur du Centre de recherche espagnol aux travaux publics (Cedex), a rappelé qu'en Espagne, l'Etat s'implique dans le financement des TPU par trois biais : des contrats de programme à Madrid et Barcelone, des conventions de financement d'infrastructures transitant par les régions et des subventions versées à une vingtaine de petites et moyennes villes. "Mais l'Etat évite de piloter la mobilité urbaine et se concentre sur les transports interurbains, a-t-il nuancé. L'Etat a diminué ses investissements dès 1995, si bien que le recours au partenariat public-privé (PPP) s'est développé pour financer notamment des lignes de tramways." Il en est de même à Londres, où le recours au secteur privé a permis de financer des lignes de tramway. Julian Ware, responsable finance au sein de l'organisme Transport for London, a indiqué que le montant des dépenses de PPP pour 2009-2010 atteint 1,5 milliard de livres sterling. Par ailleurs, une taxe sur les entreprises, la Crossrail business rates supplement (BRS), va prochainement s'appliquer en vue de développer des "projets spéciaux" de transports urbains.

"Le PPP s'avère utile pour résoudre certains problèmes mais ne règle pas ceux qui sont profondément ancrés", a tempéré Bruno Ginocchini, directeur de l'agence de transport public région Emilie-Romagne. En Italie, ce sont des agences qui coordonnent au niveau territorial les financements provenant des régions, départements et collectivités.

Choix politique et vision globale

Charles-Eric Lemaignen, président de l'agglomération d'Orléans et vice-président de la commission financement du Gart, a rappelé que c'est le financement de l'exploitation et non de la création qui pose le plus gros problème. Selon lui, il faut surtout bannir la logique du coup par coup et "prioriser, fixer le curseur sur le bon projet et donc faire des choix politiques". Pour ce faire, le circuit de prise de décision doit être simplifié, l'échelon département étant en trop selon lui. Le partage des risques entre autorités responsables des transports (AOT) et opérateurs étant généralement à la défaveur du premier, un rééquilibrage s'imposerait. Par ailleurs vouloir sans cesse innover ne permet pas forcément d'économiser. A contrario, il faut oser remettre en cause des avantages tarifaires acquis, ceux visant par exemple les personnes âgées, qui ne se justifient pas nécessairement à ses yeux. "Il faut donc toujours avoir une vision globale et prendre s'il le faut le temps pour faire évoluer l'offre de transports publics", a-t-il ajouté. Enfin, Stéphane Coppey, qui préside Tisséo Toulouse ainsi que la commission financement du Gart, a annoncé que dans la continuité des plans d'actions sur la mobilité urbaine engagés par la Commission et le Parlement européens, un fonds communautaire dédié au financement de ce type d'actions est en passe de voir le jour.

 

Morgan Boëdec / Victoires éditions avec Anne Lenormand

 

 

 

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