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Déplacements - Transports urbains : le Predit passe en revue des solutions pour enrayer la dérive du coût public

Le 8 avril, lors d'un séminaire du Programme national de recherche d'expérimentation et d'innovation dans les transports terrestres (Predit), les résultats de recherches de prospective menées dans le cadre du Predit 3 et financées par le Meeddat et l'Ademe ont été dévoilés. Ces travaux portaient plus précisément sur le financement des transports publics (TP) à l'horizon 2015-2030. Une étude réalisée par le Laboratoire d'économie des transports à partir de données fournies par 22 réseaux de TP de villes de plus de 250 000 habitants a notamment permis de simuler les modalités et les effets qu'auraient cinq scénarios de financement différents, quatre d'entre eux visant à enrayer d'ici à 2015 la dérive du coût public des transports.

Avant de les présenter, Bruno Faivre d'Arcier, chercheur au laboratoire d'économie des transports, a rappelé que le coût total des réseaux de transports publics urbains (TPU) a crû de moitié entre 1995 et 2005. En apparence, la contribution des collectivités est restée stable sur dix ans, mais c'est là un effet traître du recours à l'emprunt, lequel s'est pour sa part accentué. En dix ans, la recette par voyage a chuté alors que la dépense a crû. "Un kilomètre produit coûte 3 euros à la collectivité et si on en reste à ce modèle de financement, on fonce droit dans le mur", a-t-il alerté.

Si rien ne change d'ici à 2015, dans un scénario de base dit "au fil de l'eau", les charges de fonctionnement en effet exploseront (25 milliards d'euros contre 16 en 2005), et le coût public avec (+ 80%). Si la situation financière est assainie d'ici là, en agissant sur des postes clés (la dépense par agent, la fréquentation à accroître de 20%, la productivité du réseau de 10%) dans le cadre d'un scénario 1, on gagnera en recette par kilomètre. Mais cela nécessite de remettre notamment à plat les pratiques tarifaires et de séduire de nouveaux usagers venant de l'automobile tout en prenant en compte leur éventuel consentement à payer un tarif de transport plus élevé. "Ce premier scénario de rupture, très volontaire et volontairement provocateur, est complexe mais possible à mettre en place", a estimé Bruno Faivre d'Arcier. Contenir la dépense par agent nécessiterait d'agir sur des leviers délicats : renégociations des conventions collectives, ouverture à la concurrence et à la sous-traitance, etc. Ce scénario conduirait aussi à supprimer des lignes jugées peu performantes. Citée en exemple, la ville de Berlin a agi dans ce sens et réduit de 9 millions d'euros ses coûts d'exploitation, tout en parvenant à attirer 21 millions de voyageurs supplémentaires.

Deux scénarios moins rudes et visant à stabiliser la part de contribution des autorités organisatrices à la couverture du déficit ou à stabiliser plus largement la part du coût public offriraient à l'horizon 2015 des résultats plus encourageants que la situation actuelle, même s'ils nécessiteraient des efforts jugés plus importants dans les petites et moyennes villes. Enfin, un dernier scénario dit de "mobilité durable" part du principe d'une réduction de 20% des trajets en voiture d'ici à 2015, et donc d'un intense report modal nécessitant de redoubler d'effort en investissant dans l'offre de TP.

Dans tous les cas, ces prospectives aboutissent au constat que la contribution publique restera plus élevée en 2015 qu'en 2005. Néanmoins, sa dérive peut être contenue à condition d'agir à la fois sur la conception des réseaux, l'attractivité de l'offre, la maîtrise des coûts de production du service et la croissance des recettes commerciales. Et donc de ne plus se focaliser dans les collectivités sur les seuls investissements. "Convaincre les élus de détourner les yeux des seuls investissements et de regarder de plus près les coûts d'exploitation était encore jusque-là délicat, mais une prise de conscience émerge. Sans trop l'afficher, de grands réseaux commencent à tenter de contenir cette dérive du coût public, en passant notamment par une refonte de leur grille tarifaire", a indiqué Chantal Duchène, directrice générale du Groupement des autorités responsables de transports (Gart).

Elle a par ailleurs rappelé que les transports représentent au moins un quart du budget de collectivités telles que les communautés urbaines et les régions, et qu'elles ne pourront mettre davantage la main à la poche. "Il faut une culture de l'exploitation plus performante, que l'Etat se réinvestisse aussi dans l'affaire et que les collectivités agissent sur les coûts de services tels que le tramway et sur la tarification", a-t-elle ajouté. "Quand on parle de performance à atteindre, il s'agit de performance du réseau - la ville de Porto a ainsi remis le sien à plat dernièrement -, de performance des contrats - le modèle de la délégation de services publics peut être optimisé - et  de performance de service et de politique publique, avec atteinte d'objectifs clairs sur le plan environnemental notamment", a renchéri Bruno Faivre d'Arcier. Côté tarifaire, un consensus semble se dessiner pour introduire plus de souplesse au coeur d'une tarification encore jugée "trop plate" et peu alignée sur ce que font certains voisins européens. Divers critères nouveaux tels que le revenu des usagers ou la qualité de service sont cités en vue de l'adapter et d'accroître à terme la contribution des clients en lien avec l'amélioration de l'offre.

 

Morgan Boëdec / Victoires éditions