Transition juste : il n’y a pas que le fonds à solliciter !
Si le fonds pour une transition juste (FTJ) monopolise l’attention, il ne doit pas éclipser "la facilité de prêt au secteur public", également prévue par le mécanisme pour une transition juste. Ce dispositif, géré directement par la Commission européenne, permet notamment de soutenir des projets qui ne sont pas couverts par le Feder ou le FTJ.
Au sein du mécanisme pour une transition juste – institué pour faciliter la transition énergétique des territoires les plus dépendants des énergies fossiles ou émetteurs de CO2 –, le fonds pour une transition juste (FTJ) a jusqu’ici monopolisé l’attention, éclipsant le 2e pilier (lié à InvestEU) et, surtout, le 3e pilier de ce mécanisme : la "facilité de prêt au secteur public". Pour preuve, peu d’entités éligibles de l’Union – i.e. les collectivités ou entités délégataires de service public intervenant dans les territoires concernés ; pour la France, les départements des Bouches-du-Rhône, du Nord et du Pas-de-Calais ainsi que plusieurs territoires du Grand Est, de Normandie (vallées de la Seine et de la Bresle), des Pays de la Loire (Pays de Cordemais) et d’Aura (vallée de la chimie et agglomération grenobloise) – n’ont jusqu’ici fait appel à ce dispositif (au moins deux dossiers auraient été déposés d’après nos informations, mais pas encore validés). Ce n’est guère surprenant. Le mécanisme a mis du temps à se déployer, et l’attention se concentre pour l’heure sur la clôture de la programmation 2014-2020 et le lancement de la nouvelle. Pour autant, le potentiel de cet instrument ne doit pas être ignoré.
Une subvention conditionnée à un prêt
Certes, contrairement à celles du FTJ, les subventions versées dans le cadre de la facilité sont conditionnées à l’obtention d’un financement (du "blending", dans le jargon communautaire), apporté soit par la Banque européenne d’investissement (pour les prêts d’un montant supérieur à 12,5 millions d’euros), soit par l’un des intermédiaires de cette dernière (pour des prêts supérieurs à 3 millions d’euros), parmi lesquels la Caisse des Dépôts pour la France. "La facilité est dédiée à des projets qui ont un modèle économique, mais dont les flux de recettes propres sont insuffisants pour couvrir les coûts d’investissement", précise Sophie Barbier, directrice du département Europe au sein de la direction des relations institutionnelles, internationales et européennes de la Caisse des Dépôts. Concrètement, le montant de la subvention est égal à 15% du montant du prêt accordé (25% pour les régions les moins développées, les RUP françaises n’étant toutefois pas éligibles). La facilité n’en présente pas moins bien des avantages.
Gestion directe
D’abord, son mode de gestion. La facilité est directement administrée par la Commission européenne, via son agence Cinea. "La Commission est seule décisionnaire sur l’attribution de la subvention, l’intermédiaire financier se prononçant seulement sur l’octroi du prêt. À la Caisse des Dépôts, nous assurerons toutefois un préfiltrage des projets qui nous seront soumis, ce qui permettra à tous de gagner du temps. Nous pouvons en outre accompagner les porteurs de projets qui ne sont pas forcément bien outillés pour remplir le dossier de candidature, par ailleurs entièrement en anglais. Il faut notamment que le demandeur y démontre l’impact, quantifiable, de la réponse proposée", explique Cynthia Berlingerie, conseillère Europe au sein de la même direction de la Caisse des Dépôts.
78 millions d’euros et un champ large
Ensuite, les montants en jeu. L’enveloppe totale est de 1,525 milliard d’euros, dont 78 millions d’euros fléchés vers la France. "Soit un volume de prêts d’au moins 520 millions d’euros, tout sauf négligeable pour les territoires concernés", relève Sophie Barbier.
Enfin et surtout, son large périmètre, qui inclut les énergies renouvelables, la mobilité verte et durable, les réseaux de chaleur, le traitement de l’eau et des déchets, l’efficacité énergétique, le renouvellement urbain, la biodiversité, le logement social… "Le champ de l’appel à projets permet de couvrir des objets qui ne peuvent être pris en compte par le Feder ou le FTJ, comme l’acquisition de matériel roulant propre, des travaux de dépollution/restauration de la nature ou encore des activités liées à l’économie circulaire. Il y a des niches à aller chercher", observe Cynthia Berlingerie.
Premier arrivé, premier servi !
L’appel à projets lancé en juillet 2022 est un appel "roulant", comptant au total 10 périodes de candidature (prochaine échéance le 17 janvier), la Commission se donnant à chaque fois 4 mois pour examiner les dossiers soumis. Il devrait prendre fin en septembre 2025. Si un nouvel appel à projets pourrait sans doute être lancé au-delà, il n’y a pas de temps à perdre car c’est la logique du "premier arrivé, premier servi" qui prévaut. À la Caisse des Dépôts, on se fait néanmoins optimiste : "Fort de notre maillage territorial, nous avons déjà pu identifier un certain nombre de projets susceptibles de pouvoir bénéficier de ce dispositif", confesse Cynthia Berlingerie. En amont, la Caisse des Dépôts a également attiré l’attention de certaines régions sur le fait que leur plan territorial de transition juste devait englober le champ de l’appel à projets pour que leurs futurs porteurs de projets puissent bénéficier de la facilité. "Toutes les régions l’ont prévu. Certaines en épousant parfaitement les formes de l’appel à projets, d’autres en en restreignant un peu le champ", précise l’experte.