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Transports - Trains Intercités : les élus réagissent en masse au rapport de la commission Duron

Le député Philippe Duron savait qu'en mettant en lumière les vices du système actuel, le rapport de la commission qu'il a pilotée sur l'avenir du réseau Intercités ne laisserait pas indifférent. Florilège des réactions d'élus émises depuis la publication, le 26 mai, de ce rapport proposant une remise à plat du réseau et la suppression dans certains cas de lignes trop déficitaires.

Certains n'ont pas attendu sa parution pour monter au créneau : la publication, le 26 mai, du rapport de la commission Duron suggérant au gouvernement et aux acteurs du monde ferroviaire de redimensionner l'offre des trains d'équilibre du territoire (TET), plus connus sous le nom d'Intercités, agite le milieu et suscite des réactions de toutes parts. Voyant cela, le conseiller régional (EELV) du Nord-Pas-de-Calais Dominique Plancke a partagé dans un tweet un brin sceptique son "impression que nombre de commentateurs critiquant ce rapport ne l'ont pas lu". Les élus se sont en effet braqués sur la problématique des trains de nuit. Dans un communiqué, la sénatrice du Bas-Rhin Fabienne Keller a ainsi regretté leur abandon. Mais à relire le rapport, celui-ci ne préconise pas exactement cela : un abandon certes sur deux liaisons, mais "leur maintien là où il n'y a pas d'offre alternative suffisante".

Tronçons ajustés

Côté jour, ce sont surtout les cinq tronçons pointés par la commission comme ne se justifiant plus qui ont soulevé des critiques lors de l'audition, le 26 mai, de Philippe Duron en commission à l'Assemblée nationale. Sur la ligne Bordeaux-Nice, son rapport préconise ainsi de stopper le Marseille-Nice. Ce à quoi les députés (UMP) Christian Estrosi et Renaud Muselier "s'opposent en s'inquiétant des conséquences, notamment financières d'une telle fermeture". Selon eux, cette fermeture impliquerait en contrepartie d'augmenter "les rotations de TER dont les coûts n'auraient pas à être assumés seuls par les habitants de la région". Si ces trains étaient arrêtés, il faudrait donc "une compensation conséquente de l'État".
Même inquiétude d'ordre financier chez Villes de France (ex-Fédération des villes moyennes). Sa présidente, Caroline Cayeux, sénatrice-maire (UMP) de Beauvais, réclame un audit indépendant pour évaluer objectivement le montant de la compensation qui sera due aux régions par l'État en cas de substitution et de transfert massif aux nouvelles régions de lignes et de matériels en état de déliquescence. François Sauvadet, député UDI de Côte-d'Or, va encore plus loin en estimant que ce rapport "s'attaque aux liaisons ferroviaires de proximité" et ne propose pas suffisamment d'investir dans ces lignes pour les moderniser et leur impulser une nouvelle dynamique. Une partie du rapport porte pourtant sur le sujet…
Dans les deux régions normandes - relativement préservées des fourches de la commission laquelle, après analyse des flux, propose quelques réajustements sur certaines lignes (Paris-Rouen, Rouen-Le Havre, etc), et ailleurs (Paris-Caen) plus de cadencement et de nouveaux matériels – des élus se sont aussi manifestés à l'instar d'Hervé Morin, député-maire UDI d'Epaignes (Eure), qui estime "calamiteuse la situation du train en Normandie". "Sur les cinq lignes Intercités menacées de fermer, deux concernent Toulouse !", a aussi déploré le maire UMP de cette ville, Jean-Luc Moudenc. Il s'agit pour rappel de Toulouse-Cerbère, qui bénéficie d'offres alternatives en correspondance notamment depuis Toulouse et depuis Narbonne et Perpignan (TGV) et de Bordeaux-Toulouse, face à laquelle "l'offre TER est bien développée", du moins selon ce rapport. Mais pour l'élu, ce remplacement par des TER serait un "tour de passe-passe" pour transférer la charge financière aux régions.

Le temps du débat

Préalablement à tout projet de démembrement, Villes de France estime qu'un débat doit être ouvert devant la représentation nationale : "La restructuration de l'offre ferroviaire en France ne doit pas être tranchée uniquement par Bercy et la SNCF". Place ainsi au temps de la concertation et de la réflexion, tant au sein "du Parlement qu'avec l'ensemble des acteurs des territoires, notamment les régions", a souligné Jean-Jack Queyranne, président socialiste de la région Rhône-Alpes, tout en promettant de rester "vigilant sur le maintien des lignes dans la grande région Auvergne-Rhône-Alpes".
Dans son analyse des offres alternatives au rail, la commission a inclus le transport par autocar. "Remplacer des trains par des bus : comment comprendre une telle préconisation à l'heure de l'adoption de la loi sur la transition énergétique ?", s'interrogent du coup par voie de communiqué les élus du groupe CRC (Front de gauche) au Sénat. Quant à la Fédération nationale des associations d'usagers des transports (Fnaut), si elle estime que c'est un bon point que le rapport Duron reconnaisse les trains Intercités comme étant "indispensables pour assurer la desserte des villes moyennes et des axes transversaux", et qu'il "considère les besoins des voyageurs et de l'aménagement du territoire", elle réclame "un moratoire sur les suppressions de services dans l'attente du schéma national des services de transport prévu par la loi du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire". Et regrette "qu'il n'ait pas proposé de reconstituer, au-delà des liaisons existantes, un véritable réseau national Intercités, couvrant l'ensemble du territoire et bien identifiable […] et n'ait pas maintenu, malgré une volonté affichée de desservir les villes moyennes, la desserte des villes intermédiaires situées sur les principales radiales et la transversale sud […] et qu'enfin elle ait condamné trop vite certains services déficitaires, diurnes et nocturnes, dont la faible fréquentation est d'abord due à la mauvaise qualité de l'offre (fréquences, correspondances…), aux pannes de matériel et aux ralentissements liés à la dégradation des infrastructures".