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Fiscalité - TP : parlementaires et élus locaux sur la même longueur d'onde ?

Le feuilleton agité des travaux sur la taxe professionnelle se poursuit : débat organisé au Sénat, présentation des propositions Balligand-Laffineur en commission des finances de l'Assemblée... Les scénarios des parlementaires se rapprochent, mais pas sur tous les points, de celui préconisé par les associations d'élus locaux.

Le 10 juin en soirée, les sénateurs ont débattu en séance publique de la suppression de la taxe professionnelle. Luc Chatel, secrétaire d'Etat chargé de l'industrie, qui représentait Christine Lagarde, n'a pas fait de véritables annonces, répétant que "chaque euro de recette sera compensé" aux collectivités. Le porte-parole du gouvernement a également précisé que "quel que soit le rythme de suppression des investissements productifs de l'assiette de la taxe professionnelle, le gouvernement tient à ce que les collectivités voient leurs ressources financières mises en place dès 2011" : "L'Etat jouerait alors le rôle de chambre de compensation."
Plus prolixes, plusieurs sénateurs ont fait part de leurs propositions. Notamment Charles Guené, sénateur de la Haute-Marne, qui avec ses homologues Edmond Hervé (Ille-et-Vilaine) et Albéric de Montgolfier (Eure-et-Loir), est associé aux travaux du gouvernement sur la taxe professionnelle. Sa position est relativement proche de celle des associations d'élus locaux, puisqu'il préconise un nouvel impôt assis sur la valeur ajoutée, sans dire toutefois à quels niveaux de collectivités serait attribué le produit de cette taxe. Au sujet de son taux, qui serait fixé nationalement, "il paraît difficile de dépasser le seuil de 1,5 % dans le cadre d'une réforme visant à diminuer le montant global de la taxe professionnelle", estime le sénateur.
Pour combler le manque à gagner pour le budget de l'Etat, il avance deux solutions : la taxe carbone et "la résorption des niches" de l'impôt sur les sociétés. Il en appelle à une spécialisation des impôts par le transfert aux communes et aux communautés des parts départementale et régionale du produit des impôts locaux pesant sur les ménages. A la place, les départements et les régions bénéficieraient d'une part d'impôts nationaux : la CSG pour les premiers et l'impôt sur le revenu pour les secondes.
A l'instar là encore des associations d'élus locaux, Charles Guené prône une réforme globale de la fiscalité locale, dont les modalités diffèreraient toutefois de celles qu'avancent les associations. La nouvelle fiscalité serait selon lui plus verte et dotée d'une nouvelle "gouvernance". Il s'agirait, "dans le cadre d'un pacte entre l'Etat et les collectivités", d'encadrer les dépenses et les taux d'imposition. "Nous pourrons ainsi disposer de prélèvements nationaux, dont le produit pourra être affecté sur une base territoriale", indique le sénateur. Il souhaite, enfin, une refonte de la péréquation et un renforcement du pouvoir de contrôle du Parlement.

 

"Deux ou trois points à discuter"

La veille du débat organisé par le Sénat, les députés Jean-Pierre Balligand (Aisne) et Marc Laffineur (Maine-et-Loire), tous deux également associés par le gouvernement à la réflexion sur le remplacement de la TP, ont communiqué leurs propositions à leurs collègues de la commission des finances. Elles feront partie de leur rapport sur les relations financières entre l'Etat et les collectivités locales sur lequel ils travaillent depuis un an (lire notre article du 9 octobre 2008).
Eux aussi partisans d'un impôt sur la valeur ajoutée, en l'occurrence à un taux national de 1,5%, ils proposent d'affecter celui-ci aux départements et aux régions. Les communes et leurs groupements bénéficiant du produit des impôts ménages actuellement attribués aux régions et aux départements et du produit d'une taxe d'activité économique assise sur les immeubles et terrains utilisés. La somme de cette taxe et de l'impôt sur la valeur ajoutée serait plafonnée à 3,5% de la valeur ajoutée, ce plafonnement étant "intégralement à la charge de l'Etat".
Pour compenser la perte de ressources enregistrée par le budget de l'Etat, les deux députés envisagent une majoration du produit de l'impôt sur les sociétés, qui s'appliquerait jusqu'à la création d'une nouvelle contribution "telle que la taxe carbone évoquée par le président de la République".
Ces propositions, qui pèseront sans doute lourd dans le débat, sont, elles aussi, assez proches de celles qu'ont formulées de manière commune les associations d'élus locaux. Ce qui ne surprend pas Philippe Laurent, président de la commission finances de l'Association des maires de France (AMF) : "Les députés savent bien que s'ils veulent voir leurs propositions passer, il est préférable qu'elles aient le soutien des associations d'élus !", fait-il remarquer, ajoutant qu'il est "globalement d'accord" avec eux. Le maire de Sceaux qui, avec André Laignel, secrétaire général de l'AMF, était auditionné le 10 juin par Jean-Pierre Balligand et Marc Laffineur, voit cependant "deux ou trois points à discuter". Pour lui, la contribution sur la valeur ajoutée devrait profiter non seulement aux départements et aux régions, mais aussi aux grandes agglomérations. Il fait aussi remarquer que la taxe d'habitation est "assez contestée" et qu'il faudra par conséquent engager "rapidement" sa réforme pour prendre en compte le revenu des contribuables et la valeur du logement. Dernier regret : l'absence d'une part de CSG affectée aux départements. Sur le principe, les députés seraient d'accord, mais ils renonceraient à sa mise en oeuvre, par pragmatisme. "Cela risquerait d'énerver tout le monde et de faire échouer leur proposition", résume l'élu.

 

Thomas Beurey / Projets publics

 

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