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Fiscalité - Réforme de la TP : le calendrier est calé, le contenu l'est moins...

Les répresentants des collectivités rencontraient vendredi les ministres de l'Intérieur et de l'Economie pour discuter de ce qui pourrait venir remplacer les 22 milliards d'euros de taxe professionnelle devant être supprimés l'an prochain. Les pistes de Bercy : un patchwork de ressources fiscales accompagné d'une bonne dose de dotations de compensation.

Après la place Beauvau la veille pour parler intercommunalité, c'est à Bercy que les représentants des associations d'élus locaux avaient rendez-vous ce vendredi 10 avril. Pour, cette fois, aborder la réforme de la taxe professionnelle, dans le cadre de la première réunion de l'"atelier de travail" sur la fiscalité locale mis en place suite à la Conférence nationale des exécutifs du 26 mars dernier.
Si l'ordre du jour était bien la réflexion sur les "ressources de substitution" devant permettre de compenser les 22,2 milliards de manque à gagner liés à la suppression de la taxe professionnelle, Michèle Alliot-Marie a d'emblée précisé qu'il s'agit là du "point de départ d'une réforme globale de la fiscalité locale". L'annonce par Nicolas Sarkozy début février de la suppression en 2010 de la taxe professionnelle pour la partie assise sur l'investissement "nous met un peu au pied du mur", a constitué "un élément qui va nous pousser à avancer", a reconnu vendredi la ministre de l'Intérieur à l'issue de la réunion, aux côtés de Christine Lagarde.
Michèle Alliot-Marie a en tout cas fait état de cinq "principes" sur lesquels gouvernement et élus sont d'accord : "compensation intégrale" de la perte de ressources, "autonomie financière" (qui, pour les élus, doit aussi se traduire par l'autonomie fiscale), "lien entre entreprise et territoire", "clarification des responsabilités de chaque niveau de collectivité", nécessité d'une réforme de la valeur locative cadastrale. En sachant que les deux derniers points posent déjà question. Car si la "clarification" signifie qu'"un seul niveau de collectivité lève un impôt donné"..., reste à savoir "dans quelle mesure cela est possible", a noté la ministre. Est d'ores et déjà imaginé, toutefois, le transfert au niveau communal de toute la TP foncière, de la taxe sur le foncier non-bâti, de la taxe sur le foncier bâti des régions et de toute la taxe d'habitation... Quant à la fameuse révision des valeurs locatives, tout reste à faire : "Différentes solutions sont envisageables en termes de méthode et de calendrier. Nous allons faire un certain nombre de simulations, que nous soumettrons aux élus."

 

Une addition qui se termine par des dotations budgétaires

Au-delà des grands principes, s'agissant du remplacement de la taxe professionnelle, l'heure est pour le moment aux simples "pistes". Et à un "éventail de taxations et de transferts" permettant de "trouver 22 milliards de ressources", selon les termes de Christine Lagarde. "Nous en avons évoqué une série, comme la taxe sur les conventions d'assurance, la TIPP, des impôts sectoriels nouveaux par exemple dans le secteur de l'énergie, le transfert de la cotisation minimale, l'assiette foncière de la taxe professionnelle...", a cité, pêle-mêle, la ministre de l'Economie devant la presse, soulignant qu'il faudra faire preuve de "créativité". Il n'a en revanche pas été question de la taxe carbone, ni de la valeur ajoutée, même si celle-ci n'est "pas à exclure".
Les "hypothèses de travail" fournies par écrit (voir la page 9 du document en lien ci-contre) sont toutefois plus précises. Y sont inscrites la taxe spéciale sur les conventions d'assurance résiduelle (pour 2,8 milliards d'euros), une part supplémentaire de taxe intérieure sur les produits pétroliers (pour 3 à 4 milliards d'euros), la taxe sur les surfaces commerciales (pour 600 millions d'euros) et les droits de mutation (pour 300 millions d'euros).
L'Etat pourrait aussi céder le produit de la cotisation minimale de taxe professionnelle (6,4 milliards) et faire grimper les taux de certaines taxes locales sectorielles déjà existantes payées par les entreprises ou en créer de nouvelles (1,2 milliard). Resteraient à trouver 7 à 8 milliards, qui prendraient la forme d'une "contribution budgétaire" de l'Etat. Autrement dit des dotations de compensation. A priori, on n'irait pas chercher du côté des taxes ménages, même si Christine Lagarde a préféré ne pas donner de "garantie" sur ce point.

 

Valse à trois temps

Certainement parce qu'il serait impossible de mettre en oeuvre de nouvelles recettes fiscales opérationnelles dès 2010, Bercy envisage un calendrier en trois temps. Pour 2010, les entreprises bénéficieraient seulement d'un "dégrèvement partiel" de l'assiette équipements et biens matériels, lequel serait compensé par l'Etat pour les collectivités. Pour 2011, le dégrèvement resterait partiel mais les collectivités commenceraient à bénéficier des futures nouvelles ressources fiscales. La suppression totale de la TP sur les investissements productifs sera-t-elle finalisée l'année suivante, en 2012 ? Bercy ne s'avance pas sur ce point.
Dans l'immédiat, le programme est le suivant : en marge de cet "atelier" avec les élus, des "réunions techniques d'experts" vont s'organiser et six parlementaires vont eux aussi plancher sur le sujet (Gilles Carrez, Marc Laffineur et Jean-Pierre Balligand côté députés, Charles Guéné, Albéric de Montgolfier et Edmond Hervé côté sénateurs). La prochaine réunion avec les élus est prévue pour la mi-mai, les pistes et propositions devant être finalisées à temps pour être intégrées au projet de loi de finances pour 2010 toujours présenté en septembre. C'est demain. D'où l'impression de "bricolage" un peu précipité dans le premier "éventail" proposé ?
En tout cas, il reste de quoi faire. D'autant plus que si Michèle Alliot-Marie a salué le "très bon climat" de la réunion de vendredi et "la volonté des élus de travailler" avec le gouvernement, la réaction, par exemple, du président de l'Assemblée des départements de France (ADF), Claudy Lebreton, laisse augurer d'âpres discussions : "La proposition faite par le gouvernement revient à supprimer l'autonomie fiscale des départements et n'est donc absolument pas recevable. (...) De fait, il est envisagé de supprimer des recettes des départements les taxes d'habitation, de foncier bâti et la taxe professionnelle (soit 19 milliards d'euros) et de les compenser par de la TIPP, de la TSCA, impôts sur lesquels ils n'ont aucune prise possible. C'est inacceptable."

 

Claire Mallet