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Aménagement numérique - THD : les départements activent leurs projets

Quelle rentrée en matière de très haut débit ? Les collectivités se bousculent au guichet du Fonds pour la société numérique (FSN), avec des montants de subvention en hausse. Des complémentarités intéressantes entre territoires départementaux et régionaux prennent forme. Le gouvernement prévoit de nouvelles dispositions pour lever l'impasse sur le fibrage des immeubles. Une convention type va être proposée fin septembre par la mission très haut débit aux opérateurs et aux collectivités.

Rentrée plutôt animée pour les acteurs du très haut débit. Le guichet du Fonds pour la société numérique (FSN), ouvert en mai, tourne désormais à plein régime ; les départements accélèrent la finalisation de leurs projets et certains freins juridiques, notamment ceux qui entravaient le fibrage des immeubles existants, devraient bientôt être levés. Seule ombre au tableau, de nouvelles frictions semblent opposer les élus aux grands opérateurs, toujours en "peine" d'investissements sur le FTTH.
Sur le volet public du plan national très haut débit, les collectivités territoriales sont mobilisées. Près de cinquante départements auraient déposé un dossier ou un pré-dossier en réponse à l'appel à projets du FSN. De son côté, la mission très haut débit s'est mise au diapason puisque les deux tiers de ce premier "train" de projets seront en principe traités en 2013. Au rythme actuel des engagements, les crédits du FSN seront épuisés à l'été prochain. Autre sujet de satisfaction : des montants unitaires de subventions en forte augmentation. La région Auvergne et ses quatre départements, qui figurent parmi les premiers bénéficiaires, viennent d'obtenir 58 millions d'euros, contre 35 dans le montage précédent. Certes, le périmètre n'est pas identique, "mais c'est pour la bonne cause", commente un chargé de mission, "le relèvement des plafonds a en effet conduit les collectivités à revoir leur programme à la hausse". Autre signal fort, les demandes d'assistance des départements retardataires, à la mission, sont en nette augmentation depuis quelques semaines.

Régions et départements devraient s'entendre

En juillet, les députés de la commission des lois avaient amendé le projet de loi sur la décentralisation, estimant nécessaire de remplacer le département par la région pour le chef de filat de l'aménagement numérique et de renforcer ainsi l'impératif de coopération entre les territoires. Etait-il nécessaire d'enfoncer le clou sur un vieil arrière-fond de rivalité (voir notre article du 11 juillet) au moment même où les territoires s'engagent dans des logiques partenariales vertueuses ? Le coup de pouce financier supplémentaire apporté aux regroupements n'y est sans doute pas totalement étranger. Toujours est-il qu'après l'Auvergne et la Bretagne, la liste des projets régionaux devrait s'étoffer avec l'arrivée de la Bourgogne, de l'Aquitaine, de Champagne-Ardennes et de Poitou-Charente. Dans le modèle retenu, les départements pilotent le déploiement des réseaux sur leur territoire et les régions en assurent la commercialisation et l'exploitation. Signe d'une évolution durable, la mission vient de lancer une série d'études destinées à renforcer l'accompagnement juridique et technique des collectivités territoriales dans ce schéma de partage des fonctions. Par ailleurs, quelques difficultés d'ajustement subsistent, notamment sur l'articulation entre les réseaux d'initiative publique de première et de seconde génération. Devant le risque d'un réveil contentieux, la mission examine les modalités d'une intervention réglementaire sur le sujet.

Le projet de convention type fait débat

Des désaccords plus profonds sont également apparus lors de la préparation de la convention type que la mission proposera fin septembre aux opérateurs et aux collectivités. Destinée à garantir leurs engagements réciproques, cette convention type devrait homogénéiser les règles de suivi à partir d'une terminologie unifiée et se substituer ainsi à la trentaine de modèles de conventions actuellement en circulation. Le choix de critères objectifs et vérifiables est essentiel pour caractériser les défaillances dans la zone conventionnée (ancienne zone AMII sur laquelle SFR et Orange mutualisent leurs réseaux) et activer éventuellement une intervention publique palliative. Or, la réalité des déploiements peut être facilement déformée, comme le confirment des faits récents. Au cours des neuf derniers mois, les deux opérateurs auraient à peine assuré la construction de 14.000 prises mensuelles (130.000 sur la période) alors que dans le même temps ils multipliaient les annonces d'ouverture, donnant l'illusion d'une dynamique enclenchée. L'envers du décors apparaît nettement moins brillant, comme le souligne l'Avicca dans un communiqué du 6 septembre : "Si de nombreux chantiers sont entrepris dans la zone moins dense, ils ne vont généralement pas jusqu'à proximité immédiate des logements et des locaux professionnels. Les prises sont alors dites 'couvertes', mais ne sont pas vraiment 'raccordables', et l'initiative publique est gelée par ces débuts de déploiement", ce qui évidemment réduit sensiblement la portée des contrôles. "Dès lors, on comprend mieux le flou que les opérateurs privés souhaitent conserver dans les conventions de programmation et de suivi des déploiements", constate encore l'Association, d'où le durcissement de la position des territoires au cours de ces derniers jours. Après avoir épuisé toutes les ressources de la concertation, les associations d'élus semblent décidées à déplacer le débat sur le terrain politique et vont sans doute demander au gouvernement de se prononcer.

Rendre la fibre aussi évidente que l'électricité dans les immeubles

Le gouvernement semble en tout cas décidé à accélérer le rythme de déploiement. Il vient ainsi notamment d'intégrer - dans son projet de loi d'habilitation à légiférer par ordonnance pour simplifier la vie des entreprises (voir notre article du 4 septembre) - les futures dispositions destinées à lever l'impasse sur le fibrage des immeubles existants. Les difficultés d'interprétation de l'article L.33-6 du Code des postes et communications électroniques (1) avaient presque totalement arrêté le fibrage dans les immeubles existants. Le projet de loi propose par conséquent un partage plus clair des responsabilités entre les opérateurs et les copropriétaires ainsi que l'élargissement du champ d'application à des types d'habitat aujourd'hui non concernés, comme les lotissements en associations syndicales ou en copropriété. L'objectif étant de renforcer l'effectivité du droit à la fibre de manière à ce que son installation dans les immeubles devienne aussi évidente que celle du réseau électrique.
Dans les prochains mois, les acteurs du marché seront plus attentifs aux résultats publiés par l'observatoire du marché des communications électroniques de l'Arcep. Ne serait-ce que pour détecter les frémissements annonciateurs d'une accélération que beaucoup attendent avec impatience. Pour s'y préparer, la mission très haut débit devrait doubler ses effectifs dans les prochaines semaines, passant de 5 à 10 personnes, avant un second doublement prévu en début d'année. Une bonne nouvelle par rapport au "saut quantique" à accomplir si l'on veut rester dans les temps de l'agenda fixé par le président de la République.


(1) L'article L.33-6 prévoit l'installation et l'exploitation du réseau par un opérateur sur la base d'une convention signée avec le propriétaire ou le syndicat de copropriétaires.