Territorialisation de la planification écologique : premier point d’étape à l’Assemblée
Antoine Pellion, le secrétaire général à la planification écologique, a présenté ce 31 janvier, devant la commission du développement durable de l'Assemblée nationale, quelques retours sur la démarche de territorialisation de la planification écologique, dont l’organisation de COP régionales constitue le point d’orgue. Des efforts y sont en particulier déployés pour permettre une meilleure association des collectivités infrarégionales, dans un état d’esprit reflétant, selon lui, une volonté d’agir ensemble sur ces sujets qui dépasse pas mal de clivages.
Ce n’est pas la première fois que le secrétaire général à la planification écologique, Antoine Pellion, se prête à l’exercice de l’audition devant la commission du développement durable de l’Assemblée nationale. Il avait déjà eu l’occasion de faire un premier bilan en juillet dernier un an après sa prise de fonction. Ce 31 janvier, les échanges se sont centrés sur la démarche de territorialisation de la planification écologique, dont la feuille de route a été dévoilée par une circulaire signée de la main de l’ancienne Première ministre, Élisabeth Borne, le 29 septembre dernier (voir notre article du 9 octobre 2023). Dans la foulée, l’ouverture de la première conférence des parties (COP) territoriale à Metz dans le Grand Est, le 14 novembre, inaugurait le processus de déclinaison régionale de la planification écologique confié au tandem préfet de région-président du conseil régional. "Ce n’est pas une mince affaire", reconnaît bien volontiers Antoine Pellion. "La circulaire permet de donner quelques lignes directrices mais avec une grande liberté qui est donnée au local pour l’organiser avec une demande qui a été formulée très explicitement que l’ensemble des niveaux de collectivités soient représentés et associés", insiste-t-il. À date, 13 COP ont été engagées incluant des COP dans des territoires ultramarins (Guadeloupe, Martinique, Réunion…). Il en reste donc encore quatre : Bretagne, Île-de-France, Pays de la Loire et Corse.
La région mais pas que…
Cette discussion à l’échelle régionale aura pour point de sortie, d’ici à l’été 2024, un plan d’actions opérationnel pour matérialiser le choix des engagements collectifs pris par les collectivités par secteur (industrie, agriculture, bâtiments, énergie, mobilités, etc.). Les intercommunalités qui ont notamment travaillé précédemment aux contrats de relance et de transition écologique (CRTE) ne voudraient donc pas être les oubliées du processus de territorialisation (voir notre article du 31 janvier 2024). "La COP régionale, c’est régional au sens géographique, cela ne veut pas dire que c’est uniquement la région en tant que collectivité qui est à la manoeuvre. (…) On mobilise l’ensemble des acteurs du territoire, bien sûr la région mais aussi l’ensemble des autres collectivités, départements, communes, intercommunalités, métropoles et aussi l’ensemble des acteurs de la société civile, les entreprises, fédérations professionnelles etc.", a rappelé le secrétaire général à la planification écologique. Pour preuve, d’ores et déjà un certain nombre de préfets ont engagé "une démarche départementale en allant aussi auprès des différentes communes et intercommunalités", rapporte-t-il. C’est le cas en Bourgogne-France-Comté où "les sous-préfets se sont mobilisés et ont fait le tour des intercos pour avoir une discussion une par une et embarquer ces territoires". D’autres départements ont choisi "d’avoir des consultations citoyennes directes sur les plans d’actions", par exemple en région Centre-Val de Loire. Il y a une véritable incitation "à faire ce genre de travaux très fins", remarque-t-il.
Bâtir sur l’existant et boucler les financements
"La COP, ce n’est pas un ‘reset", une remise à zéro de l’ensemble des plans et programmes existants (…) et donc de la même façon, on ne réinvente pas un dispositif dans une région qui avait déjà engagé un dispositif de COP, par exemple la Bretagne, l’Occitanie, Centre-Val de Loire". Pour adapter les plans existants le secrétaire général à la planification rappelle deux règles simples : "lorsque l’on accélère une action on se préoccupe de la réalité et de la faisabilité, quand on dit que l’on fait plus il faut que cela soit faisable", et inversement, "lorsque l’on fait moins, il faut trouver quelles sont les alternatives pour que la baisse des émissions puissent être compensées". La faisabilité c’est également - et surtout ? - s’assurer du bouclage financier… Gabriel Attal a redit au Sénat ce mercredi 31 janvier, lors de sa deuxième déclaration de politique générale, son souhait "que les plans locaux de financement de la transition écologique soient tous conclus pour cet été". Une étude réalisée par I4CE et la Banque postale a d'ailleurs fait un chiffrage sur le besoin de financement des investissements climat par les collectivités territoriales à horizon 2030 (voir notre article du 8 novembre 2023). Pour Antoine Pellion, ce sujet ne se limite pas à l’investissement : "C’est un sujet investissement et fonctionnement parce que l'on voit assez vite qu’il y a des enjeux de coût de l’énergie par exemple." Différentes pistes sont sur la table comme permettre des sociétés de financement pour les projets d’infrastructures ferroviaires avec du financement local. Dans ce chantier de "réallocation" de la dépense publique, "tout ce qui a été voté avec les budgets verts des collectivités va être important aussi pour pouvoir documenter ce travail", estime-t-il. Et s'agissant de la dette, "certaines collectivités ont des marges encore par rapport aux seuils d’endettement". Enfin, dans les 10 milliards d'investissements supplémentaires prévus par l'État "une grande partie va directement sur les territoires" pour co-financer des CPER - contrats de plan État-région - (en plus du fonds vert), financer MaPrimeRenov', etc.
Verre à moitié plein
"Des premiers résultats montrent que l’action engagée collectivement avec les collectivités, les entreprises et les citoyens commence à payer", se félicite Antoine Pellion. "Sur les trois premiers trimestres de l’année 2023, la baisse des émissions de gaz à effet de serre est de 4,6 % donc c’est une augmentation significative du rythme de baisse". On est selon lui "sur le bon rythme par rapport à ce qui avait été mis dans le plan pour atteindre les -55% en 2030 avec les résultats de l’année 2023". "On a rattrapé le retard", résume-t-il, ce qui a permis de clore le contentieux avec le Conseil d’État "pour la partie historique". La marche à suivre pour les années suivantes 2024, 2025 "reste haute mais le plan explique quelles sont les voix et moyens pour y parvenir", et ce encore sous surveillance du Conseil d'État. Pour schématiser, la moitié des baisses d’émissions sont entre les mains des entreprises, un quart entre les mains des collectivités et un quart dans celles des citoyens : "75% les 'gros' - et notamment les 50 plus gros sites industriels avec lesquels on a contractualisé - et 25% 'les gens', cela dit quelque chose dans la juste répartition de l’effort", relève le secrétaire général. "Cela permet de se laisser un peu plus de temps pour que la transformation sur la mobilité individuelle, sur les logements, etc., puisse s’étaler un peu plus (…) et que les citoyens donnent le dernier coup de collier."
Crise agricole oblige ce sujet sous les feux de l'actualité a fait l’objet de nombreuses questions. "Depuis le début des travaux de planification, on a intégré un effort différencié", relève Antoine Pellion. Pas de revirement conjoncturel… "La marche à franchir est bien plus faible dans l’agriculture que dans les autres secteurs", développe-t-il. Il y a, selon lui, un levier important sur le "machinisme agricole" (comment remplacer progressivement le diesel utilisé par les tracteurs et bâtiments d’élevage), mais également sur les grandes cultures, les couverts végétaux ou le développement des haies. La forêt est un autre sujet central dans les travaux de la planification écologique. Un groupement d'intérêt scientifique (GIS) devrait notamment voir le jour pour faire un observatoire de la biomasse qui relie l’Inrae, l’Ademe FranceAgriMer, une sorte de "Giec de la forêt" pour avoir une vision plus précise de l’existant et des analyses techniques et scientifiques sur l’évolution. "On va muscler les cellules biomasse qui s’occupent de l’approvisionnement mais avec une vision un peu partielle du sujet pour les adosser à une meilleure connaissance", explique-t-il.