Territoires connectés 2024 : télescopage entre fermeture du cuivre et complétude de la fibre
La rencontre annuelle des Territoires connectés organisée par l'Arcep le 26 septembre 2024 a confirmé le télescopage des dossiers fermeture du cuivre et complétude de la fibre. Tous les acteurs ont appelé le gouvernement à se saisir du dossier. Car sans financements ni ministre pour mettre les pendules à l'heure, le succès du chantier n'a rien d'acquis.
18.000, c'est le nombre de foyers n'ayant pas encore la fibre dans les 162 communes qui arrêteront définitivement leur réseau cuivre en janvier 2025, soit 9% des 200.000 locaux du lot 1. Autrement dit, il reste 4 mois aux opérateurs commerciaux épaulés des opérateurs d'infrastructures et des élus locaux pour convaincre les derniers récalcitrants de passer à la fibre ou opter pour une technologie alternative au cuivre. Si cette jauge des 10% est cohérente avec les premières expérimentations, sa stabilité est inquiétante alors que les lots 2 (900.000 locaux) et 3 (2,5 millions) se profilent.
Reports sur l'arrêt du cuivre
Car au-delà des cas particuliers, on peut y voir une conséquence des bugs du chantier de la fibre. Pour avoir la fibre il faut ainsi être raccordable, ce qui n'est pas le cas d'un local sur dix. Or, comme l'a une fois de plus déploré la présidente de l'Arcep, Laure de La Raudière, il y a "un fort ralentissement des déploiements en zone dense, -25% par rapport à 2023". Et d'ajouter : "Il n’est pas acceptable de voir aujourd'hui certaines grandes métropoles moins bien couvertes que la moyenne nationale." "Contrairement à une idée reçue, le déploiement de la fibre est plus compliqué en ville qu'en milieu rural" a tenté de justifier Nicolas Guérin, secrétaire général d'Orange, citant en exemple les 14.000 refus constatés à Avignon du fait d'un veto de l'architecte des bâtiments de France. Au passage, il a présenté un bilan des "engagements opposables" d'Orange pris en février 2024. Ainsi, sur les 55 EPCI où les taux de couverture étaient très mauvais, plus de la moitié auraient rattrapé leur retard.
Quant aux 1,12 millions de locaux à desservir en zone Amii l'opérateur serait sur la "bonne pente" pour atteindre les objectifs, sans donner plus de chiffres. Quant à la possibilité d'être raccordé sur demande du client, l'opérateur aurait reçu 30.000 requêtes. Les retards dans le déploiement de la fibre ont d'ores et déjà une conséquence sur le planning du cuivre. L'autorité a décidé d'un report de calendrier pour la fermeture commerciale prévue dans 100 à 300 communes (fourchette donnée par Orange) le 31 janvier 2026.
Le dossier qualité patine
Côté qualité des raccordements, Laure de La Raudière a penché nettement du côté du verre à moitié vide : "Le plan d’action de la filière présenté en septembre 2022 tarde à apporter des résultats concrets et satisfaisants", pointant notamment des applications de suivi qui enchaînent les versions sans être totalement concluantes. Côté reprise des réseaux "accidentogènes", elle note des résultats "encourageants"… si les opérateurs commerciaux ne viennent pas défaire ce qui a été fait. Elle a par ailleurs réitéré sa promesse de fournir des indicateurs de qualité plus fournis, avec notamment des chiffres sur le ressenti des consommateurs. Elle a aussi défendu l'expérimentation du "mode OI" où le raccordement est réalisé par l'opérateur d'infrastructure et appelé les opérateurs (commerciaux) à un peu plus de "volontarisme" sur ce sujet. Car pour le moment, les tentatives de mise en œuvre du mode OI, notamment dans le Berry, ont échoué.
Portage politique indispensable
Autre soucis, partagé par l'ensemble des acteurs, le passage du statut de local raccordable (la fibre à proximité) à raccordé (la fibre dans le local). Sur le domaine public, des recommandations ont été définies par l'autorité pour pousser à la mutualisation. En revanche, l'installation de la fibre sur une parcelle privée bute sur un problème de coût. Les réticences apparaissent plus particulièrement chez les personnes âgées qui n'expriment pas le besoin d'avoir la fibre et celles à faible revenu. Par ailleurs, entreprises, établissements recevant du public et autres châteaux d'eau rencontrent aussi des difficultés. Enfin, les opérateurs sont suspectés de vouloir "vendre quelque chose", et à l'évidence les maires doivent être épaulés par l'État pour communiquer.
Laure de La Raudière a du reste appuyé à mi-mot le souhait de l'Avicca et d'Infranum de disposer d'un ministre des télécoms de plein exercice (notre article du 25 septembre 2024). Car si elle a une fois de plus déclaré être "intraitable" sur la complétude et la qualité de la fibre, elle a aussi reconnu que "l’heure était d'avoir un portage politique de la fermeture du réseau cuivre, une communication d'État, du gouvernement". Avec pour priorité l'accompagnement des plus modestes, pour lequel la question du financement reste entière.