PLF 2010 - Taxe professionnelle : la mise en garde des 24 sénateurs UMP fait grand bruit
Une tribune qui fait grand bruit... celle que l'ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin et 23 autres sénateurs UMP signaient ce 1er novembre dans le Journal du Dimanche pour expliquer pourquoi ils "ne voteront pas en l'état" la réforme de la taxe professionnelle.
"Si le volet allègement fiscal pour les entreprises ne nous pose pas de problème et peut donc être voté rapidement, en revanche le travail relatif au volet territorial de la réforme n'est pas achevé", écrivent-ils, estimant que "l'actuelle proposition n'est ni claire, ni juste, ni conforme à nos convictions d'élus enracinés". Pour eux, "les élus ont besoin des simulations financières et fiscales que Bercy est dans l'impossibilité de fournir dans les délais impartis" et il est de surcroît "nécessaire de voter d'abord la réforme des collectivités territoriales, puis la réforme de la taxe professionnelle".
Les 24 sénateurs proposent par conséquent "un amendement visant à donner le temps nécessaire au bon ordre des réformes". Un amendement qui ne porterait, donc, que sur la répartition des ressources de remplacement prévues pour les collectivités - un volet qui, de toute façon, n'entrera en application qu'en 2011. Sur le fond, ce report serait donc parfaitement possible (contrairement à ce qu'affirme par exemple le Journal du Dimanche qui, dans son commentaire accompagnant cette tribune, indique que "cet acte de rébellion bloque l'adoption du budget 2010"). Et a déjà été évoqué comme une alternative sérieuse. Y compris par le président du Sénat, qui indiquait fin septembre devant les présidents de conseils généraux réunis en congrès que le volet entreprises pourrait être "découplé" du volet répartition des recettes fiscales entre collectivités : "Dans le projet de loi de finances, on constate le décès de la taxe professionnelle. Et on précise la nouvelle répartition des ressources dans un projet de loi spécifique, au premier semestre 2010", avait suggéré Gérard Larcher.
Interrogé ce lundi sur Europe 1, Jean-Pierre Raffarin a expliqué qu'il s'agissait d'aller "au bout de la discussion avec le gouvernement au Parlement" : "Nous voulons discuter", a-t-il poursuivi, en précisant que Christine Lagarde avait accepté de rencontrer les sénateurs UMP mercredi 4 novembre.
Il n'y aura "pas d'inversion des textes"
Un autre ancien Premier ministre, Edouard Balladur, avait lui aussi jugé, la semaine dernière, qu'on "ne peut pas faire une véritable réforme fiscale avant de savoir quelles sont les compétences de chacun des niveaux de collectivités territoriales". "Il faut d'abord fixer la règle du jeu entre elles avant de savoir comment on va leur affecter ce qui va remplacer la taxe professionnelle", avait poursuivi celui qui, par les travaux du comité sur la réforme des collectivités qu'il a présidé, a fortement inspiré le projet gouvernemental.
Le président centriste de la commission des finances du Sénat, Jean Arthuis, a pour sa part déclaré lundi à l'AFP : "Je demande qu'on nous laisse suffisamment de temps pour délibérer en pleine connaissance de cause. Je rejoins les propos de Jean-Pierre Raffarin. Le texte ne peut certainement pas être voté en l'état, c'est d'ailleurs ce que je dis depuis un mois". Et Jean Arthuis d'observer que "dans le texte qui vient de l'Assemblée nationale, l'article 2 comporte 135 pages et 1.257 alinéas, ce qui est d'une complexité sans précédent". Il estime en tout cas lui aussi que le volet de la réforme concernant les entreprises peut être voté maintenant, mais pas celui portant sur les collectivités. La commission des Finances du Sénat a d'ailleurs prévu de se réunir jeudi 5 novembre toute la journée pour préparer la discussion de cet article 2 du projet de loi de finances.
Du côté du gouvernement, "Christine Lagarde est à l'écoute de toutes les remarques des sénateurs comme elle l'a été avec les députés. Un travail commun a permis l'élaboration d'un texte qui a été voté à l'Assemblée nationale, et nous ferons la même chose avec les sénateurs", a réagi dimanche un représentant de Bercy. Le ministère serait donc bien disposé à "voir avec les sénateurs les évaluations qui leur semblent nécessaires".
Eric Woerth a toutefois déclaré lundi sur RTL que "la réforme de la taxe professionnelle doit se faire et elle se fera dans ce budget" : "Christine Lagarde réunit les sénateurs dans peu de temps, on va discuter de tout cela, mais la réforme doit se faire" et il n'y aura "pas d'inversion des textes", a tranché M. Woerth, "parce que le budget c'est maintenant, ce n'est pas dans les mois qui viennent".
C.M., et AFP