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Projet de loi de finances - Retrait de l'amendement Laffineur : les difficultés liées à la progressivité de l'impôt économique demeurent

"En politique, il faut toujours savoir faire des compromis", a réagi, non sans amertume, jeudi 22 octobre, Marc Laffineur, vice-président de l'Assemblée nationale, dont l'amendement adopté deux jours plus tôt en commission des finances a déclenché une pluie de protestations chez les entreprises et entraîné le veto du gouvernement.
L'amendement abaissait de 500.000 euros à 152.000 euros de chiffre d'affaires le seuil de déclenchement de l'imposition à la cotisation complémentaire assise sur la valeur ajoutée des entreprises, qui se substitue à la taxe professionnelle. Un taux unique de 1,5% de cotisation devait s'appliquer à partir d'un chiffre d'affaires de 2 millions d'euros, contre 50 millions dans le texte du gouvernement. Marc Laffineur, qui ne faisait que reprendre une proposition émise plus tôt par une mission d'information qu'il a présidée avec le député de l'opposition Jean-Pierre Balligand, comptait ainsi élargir l'assiette de la taxe, considérablement réduite avec le projet du gouvernement, puisque moins de 10% des entreprises paieront la cotisation complémentaire. Son amendement devait aussi réduire d'un milliard d'euros le coût de la réforme. Mais avec cette modification, celle-ci aurait fait au moins 100.000 perdants chez les entreprises, soit deux fois et demi plus qu'avec le projet gouvernemental. L'amendement de Marc Laffineur prévoyait tout de même une atténuation du poids de la cotisation complémentaire des petites entreprises par un relèvement de l'abattement forfaitaire dont celles-ci bénéficieront.
C'était cependant trop pour l'exécutif dont les promesses faites aux représentants des entreprises, en particulier la confédération générale des PME, étaient balayées. Aussi n'a-t-il pas tardé à convoquer jeudi matin les députés de la majorité.

Les petites villes inquiètes

Une réunion d'urgence au terme de laquelle Jean-François Copé, président du groupe UMP à l'Assemblée nationale, a annoncé qu'un "accord" a été trouvé avec le gouvernement. En échange du retrait de l'amendement Laffineur, les députés obtiennent de celui-ci son feu vert sur le maintien d'un "lien entre l'entreprise et le territoire où elle est située". Sans plus de précisions. On saura cependant que le gouvernement soutient l'amendement Carrez qui vise à octroyer 20% de la cotisation complémentaire – soit 2,3 milliards d'euros – aux communes et aux intercommunalités. Evoquant "le travail de réécriture" accompli par le rapporteur général du budget, la ministre de l'Economie a déclaré en effet jeudi matin qu'il "n'est pas du tout une opposition entre la majorité et le gouvernement".
Avec le retrait de l'amendement Laffineur, la progressivité de la cotisation complémentaire subsiste dans sa version la plus radicale. Les élus locaux s'inquiètent des conséquences du dispositif, évoquant notamment les risques d'optimisation fiscale qu'il fait peser. Surtout, les effets pervers se feront sentir, selon eux, sur le plan de la répartition territoriale du produit de l'impôt. "Dans un tel système, expliquait récemment Gilles Carrez, une commune n'abritant qu'une entreprise réalisant un chiffre d'affaires supérieur à 50 millions d'euros touche un montant non négligeable au titre de la cotisation complémentaire, tandis qu'une commune dont le territoire accueille 100 entreprises réalisant un chiffre d'affaires de 500.000 euros ne reçoit rien du tout". L'inquiétude est, évidemment, du côté des élus ruraux et des petites villes.
Jeudi, la présidente du Medef, Laurence Parisot, a estimé, elle, que "les députés ont entendu le message envoyé depuis 48 heures" par son organisation.

 

Thomas Beurey / Projets publics