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Congrès AMF - Suppression de la TP : quelques ajustements et vote en deux temps

Les sénateurs examinent ce 20 novembre l'article 2 du projet de loi de finances, qui supprime la taxe professionnelle. Ils se sont donné deux semaines de plus pour effectuer les derniers réglages sur la répartition des ressources entre les collectivités, sachant que la question sera réétudiée dès 2010. Lors de leur congrès, face à Christine Lagarde, les maires ont dénoncé la perte de leur autonomie fiscale.

"Quand on ne comprend pas une chose, on la divise en deux", selon la méthode mise au point par Descartes... C'est ainsi que, le 18 novembre lors de la table ronde du congrès de l'Association des maires de France (AMF) consacrée aux finances locales, Philippe Marini, rapporteur général du budget au Sénat et principal artisan des travaux de la Haute Assemblée sur la suppression de la taxe professionnelle, a expliqué le choix retenu par ses pairs : scinder les dispositions de la réforme concernant les entreprises - applicables dès 2010 - de celles qui visent les collectivités locales et qui, elles, sont applicables en 2011. Une option qui a pour conséquence de reporter le débat sur les ressources des collectivités locales à la seconde partie du projet de loi de finances et qui, du coup, vide en grande partie de son suspens l'examen de l'article 2 supprimant la taxe professionnelle, qui doit débuter ce 20 novembre. L'examen du volet concernant les ressources des collectivités locales, prévu les 7 et 8 décembre, devrait être l'occasion de fixer seulement l'architecture. Comme le signale une récente note du rapporteur général (à télécharger ci-contre), les sénateurs ne souhaitent pas, en particulier, décider dans la hâte d'une nouvelle affectation de la cotisation sur la valeur ajoutée aux communes et intercommunalités. Le Parlement ne tranchera cette question "qu'au vu de simulations" et en tout cas pas avant plusieurs mois.
Il y aura en effet une "clause de revoyure", comme le prévoit un amendement de Gérard Longuet, président du groupe UMP, qui doit être examiné ce vendredi. "Deux rendez-vous législatifs" sont fixés, afin de préciser la répartition des ressources des collectivités : l'un avant le 31 juillet 2010; l'autre dans les six mois suivant la promulgation de la future loi qui répartira les compétences des collectivités territoriales. L'amendement devrait, sauf grosse surprise, être validé, le gouvernement y étant favorable. Il devrait s'agir de la principale modification apportée par les sénateurs - de celle qui, en tout cas, est la plus importante politiquement. Philippe Marini prévoit par ailleurs plusieurs amendements techniques dont la portée est loin d'être négligeable pour les collectivités (ils sont expliqués dans une note de l'AMF à télécharger ci-contre).

 

L'assiette de la cotisation complémentaire, "question fondamentale"

Les sénateurs n'apporteront donc pas immédiatement et complètement la réponse à la question des ressources qui, après 2010, compenseront les collectivités de la suppression de la taxe professionnelle. Cette question est pourtant celle qui inquiète le plus les maires et présidents de communautés, comme l'ont montré leurs témoignages lors du congrès de l'AMF. La ministre de l'Economie se devait de les rencontrer. "J'ai tenu à être parmi vous, pour vous écouter et répondre aux questions que vous vous posez", leur a-t-elle déclaré. La réforme permet d'assurer "le maintien intégral de vos recettes", a-t-elle affirmé. En 2010, mais aussi au-delà, dans la mesure où un fonds national de garantie sera mis en place. Ce fonds sera financé par l'écrêtement des communes et des communautés dont les ressources seront supérieures du seul fait de la réforme. En ouverture du congrès, le Premier ministre avait d'ailleurs indiqué que les dotations de ce fonds seraient "indexées", garantissant son dynamisme futur. Donc, "il n'y aura ni gagnants, ni perdants", a conclu Christine Lagarde. Les communes et groupements qui sont situées à l'intérieur de zones franches urbaines ou de zones de revitalisation rurale ne seront pas déstabilisés, puisque les dispositifs "resteront intacts dans la nouvelle architecture". Quant aux fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle, "on n'y touche pas", a-t-elle souligné. "Le calcul avant et après [la réforme], je le tiens à la disposition de chaque commune", a promis la ministre qui, au passage, a indiqué qu'une cellule spéciale joignable grâce à un numéro vert sera mise en place.
Répondant point par point aux objections faites par une partie des élus, Christine Lagarde a assuré que la réforme n'avait pas pour but d'"alléger les recettes des collectivités". "Non, on ne fait pas ça, car vous êtes des investisseurs", a-t-elle déclaré. "Ceux qui vous disent que votre autonomie financière et fiscale est remise en cause : ce n'est pas vrai !", a-t-elle poursuivi.
La réponse de Philippe Laurent, président de la commission Finances de l'AMF ne s'est pas faite attendre. "Qu'en est-il de la capacité de voter l'impôt, condition nécessaire des libertés locales, ce formidable outil de responsabilisation des décideurs publics ?", a-t-il lancé. Le maire de Sceaux a fait le calcul : "Le pouvoir fiscal est réduit de 70%, si l'on considère l'ensemble des collectivités." S'inscrivant en faux, Gilles Carrez, rapporteur général du budget à l'Assemblée nationale et président du Comité des finances locales, a estimé, lui, que "la valeur ajoutée est une bien meilleure assiette que les équipements et biens mobiliers". Sa préférence va donc à "une assiette dynamique, avec un taux national", plutôt qu'à "une assiette qui se casse la figure, mais dont on vote le taux".
Pour Jean-Pierre Balligand, qui a été l'une des chevilles ouvrières de la réforme au sein de la commission des finances de l'Assemblée nationale, la "question fondamentale" n'est pas celle du vote des taux - même si elle est également importante – mais celle de l'assiette de l'impôt sur la valeur ajoutée. "Si seules les sociétés de plus de 50 millions d'euros versent la cotisation, qu'est-ce qu'on a ? Pas grand chose !" a-t-il dénoncé. "Le Sénat doit se prononcer là-dessus", a-t-il conclu, en précisant que "derrière [cette question] seulement, il y a la réaffectation du produit fiscal vers les intercos et les communes".
Le député-maire de Vervins, on le sait, ne sera pas suivi. "Nous avons refusé le débat tendant à généraliser l'imposition à toutes les entreprises", a reconnu Jean Arthuis, président de la commission des finances.
 

Thomas Beurey / Projets publics

 

Ce qu'en dit la résolution générale du congrès

La réforme de la taxe professionnelle figure évidemment en bonne place dans la résolution générale adoptée au terme de ce 92e Congrès des maires de France (à télécharger ci-contre). Un texte dans lequel l'AMF "se fait l'écho des plus vives inquiétudes que suscite chez les maires et les présidents des communautés" une réforme qui, "dans son état actuel", "réduit le lien entre les entreprises et leur territoire", "affaiblit l'autonomie fiscale", "engendre des disparités importantes de ressources" entre collectivités et "risque de se traduire à terme par un transfert de la charge fiscale locale des entreprises vers les ménages".
La résolution réitère ainsi cinq demandes principales : une augmentation significative de la part de la cotisation complémentaire sur la valeur ajoutée revenant aux communes et aux communautés, l'assouplissement des règles de liaison des taux, la suppression de la prise en charge par les collectivités d'une partie du plafonnement en fonction de la valeur ajoutée, l'indexation des ressources diverses venant compenser la suppression de la TP, l'organisation d'une véritable péréquation entre communes et communautés permettant de corriger les inégalités de richesse fiscale.

 

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