Fonction publique - Stéphane Pintre : "Reprocher aux collectivités d'avoir trop recruté, c'est inacceptable !"
Le 69e congrès du Syndicat national des directeurs généraux des collectivités territoriales (SNDGCT) s'est achevé le 24 octobre, à Lille. Le congrès a été marqué par la lecture d'un message du ministre de la Fonction publique pointant la rapide hausse des effectifs enregistrée ces dernières années par la fonction publique territoriale. Eric Woerth compte sur la capacité des directeurs généraux "de proposer aux élus de progresser vers une meilleure maîtrise des moyens budgétaires et humains". Stéphane Pintre réagit et commente les principaux dossiers du syndicat, à la présidence duquel il vient d'être reconduit pour trois ans.
Localtis : Comment réagissez-vous au message du ministre de la Fonction publique ?
Stéphane Pintre : Les chiffres, qui témoignent d'une hausse de l'emploi territorial, ne sont pas faux et il est vrai que les collectivités locales doivent affiner leurs masses salariales. Nous avons d'ailleurs commencé à le faire. Aujourd'hui, par exemple, le remplacement des départs à la retraite fait l'objet d'une analyse bien plus poussée qu'auparavant. Toutefois faire le procès aux collectivités d'avoir trop recruté, c'est injuste, inacceptable. Et cela pour trois raisons. La première, c'est que nous sommes passés, ces dernières années, de l'Etat providence à la décentralisation providence : aujourd'hui, les collectivités interviennent dans de multiples domaines. Deuxième point : les collectivités ont remplacé l'Etat en matière d'investissement public. Pour entretenir les routes ou construire des collèges, il faut bien des équipes techniques. Enfin, les collectivités – essentiellement les communes – assument une mission sociale en matière d'emploi, que l'Etat, lui, n'assume pas. Les mairies emploient, donc, des personnels que la nature ou la vie a mis de côté et qui s'ils n'étaient pas dans les collectivités, ne trouveraient pas d'emploi dans le secteur privé. C'est un sujet un peu tabou, mais c'est une réalité.
Le ministre a confirmé la volonté du gouvernement de prendre prochainement des mesures visant à "favoriser la reconnaissance" de l'encadrement supérieur des collectivités et à "renforcer son positionnement". Avez-vous l'espoir que vos revendications soient prises en compte ?
J'ai l'assurance, notamment pour le "tour extérieur" des administrateurs territoriaux et des ingénieurs en chef, que nos revendications seront prises en compte. Ensuite, s'agissant de la revalorisation des grades et des échelles fonctionnelles, j'attends de voir. Mais, je vois mal le gouvernement nous annoncer à la fois des évolutions statutaires et un renforcement du positionnement de l'encadrement supérieur des collectivités, sans faire en même temps des propositions indiciaires. En tout cas, la refonte des grilles de la catégorie A dont la négociation vient de débuter, devra avoir sa traduction sur les échelles fonctionnelles des directeurs généraux. Sinon, il vaudra mieux être un simple agent qu'un directeur général.
Vous demandez depuis longtemps une meilleure reconnaissance juridique du statut des DGS. Profiterez-vous du projet de réforme des collectivités territoriales pour tenter d'avancer sur ce dossier ?
Je ferai tout ce que je pourrai, dans le cadre du débat parlementaire, pour qu'une disposition soit introduite sur ce sujet. Nous allons en tout cas certainement organiser de nouveau une réunion de travail avec l'Association des maires de France. Une telle réforme, il faut bien la préparer, car son impact psychologique sur les maires, en particulier ceux des petites communes, sera sans doute fort. C'est d'ailleurs un peu paradoxal, puisque la réforme ne les concerne pas directement. Les directeurs généraux étant présents seulement dans les communes de plus de 2.000 habitants.
Votre syndicat a déposé un recours devant le Conseil d'Etat contre un décret paru à la fin de l'année dernière. Quelles difficultés posent ce texte ?
Ce décret du 30 décembre 2008 prévoit la création d'un 9e échelon provisoire à l'indice 1015 pour les fonctionnaires d’Etat détachés sur le grade de directeur territorial, alors que les territoriaux ne peuvent y prétendre, même à titre provisoire. Nous refuser l'attribution de ces 30 points d'indice supplémentaires, je trouve cela mesquin ! La pratique est en tout cas révélatrice d'un Etat qui use de toutes les ficelles pour dégager ses cadres. Elle a toujours existé, mais elle tend à devenir monnaie courante. C'est pourquoi, nous avons voulu marquer le coup avec ce recours. Ce qui est aussi très regrettable, c'est qu'à une époque où le gouvernement nous parle de mobilité inter fonctions publiques, les cadres territoriaux aient toujours autant de peine à trouver un poste à l'Etat, alors que de nombreux emplois de chargés de mission et de chargés de projet sont proposés. Je ne vois qu'une exception : celle du corps des sous-préfets qui se révèle plutôt ouvert.
Propos recueillis par Thomas Beurey