Economie mixte - Société publique locale d'aménagement : un outil encore en construction
Lyon accueillera le premier congrès des entreprises publiques locales du 30 septembre au 2 octobre. Il aura pour thème "Le développement durable en actions" et rassemblera 2.500 élus locaux, dirigeants, partenaires et interlocuteurs des Sem et des sociétés publiques locales (SPL). "L'extension du statut de société publique locale d'aménagement à toutes les activités des Sem : pourquoi et où en sommes-nous ?" sera l'un des thèmes à l'ordre. Nouvelles venues dans le paysage de l'économie locale, les SPL sont nées de la jurisprudence européenne.
100% capital public
En janvier 2005, la Cour de justice des Communautés européennes (arrêt "Stadt Halle" du 11 janvier 2005) estime que la participation, fût-elle minoritaire, d'une entreprise privée dans le capital d'une société à laquelle participe également le pouvoir adjudicateur exclut que ce dernier puisse exercer sur la société un contrôle analogue à celui qu'il exerce sur ses propres services. Par conséquent, les Sem ne peuvent plus se prévaloir du régime du "in house" et doivent respecter les procédures des marchés publics. A cette époque, cette position provoque un coup de tonnerre dans le monde de l'économie mixte.
Une entreprise publique locale "peut affronter la concurrence", mais pour cela il ne faut pas qu'elle soit 'mono-produit et mono-client', comme l'est notre société", illustre Pierre Lagarrigue, directeur de la Saerp (société d'aménagement et d'équipement de la région parisienne), spécialisée dans les opérations d'entretien et de construction de lycées. Une parade a été trouvée avec la création de la société publique locale d'aménagement, ou SPLA, - société détenue à 100% par les collectivités locales - dans la loi du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement. Fin 2007 et début 2008, les deux premières SPLA sont nées de la transformation de deux sociétés d'économie mixte : l'agence régionale d'équipement et d'aménagement (Area) chargée de la construction et de la rénovation des lycées de Provence-Alpes-Côte-d'Azur, et Lyon Confluence dédiée à la transformation d'un quartier du sud de la presqu'île lyonnaise. A la fin du printemps 2008, Territoire 34, société publique créée par le conseil général de l'Hérault, est venue s'ajouter à la liste.
La SPLA simplifie-t-elle les règles du jeu ?
Créées à titre expérimental pour une durée de cinq ans, les SPLA offrent aux élus locaux une véritable alternative, synonyme de salut comme dans le cas de la Saerp. Le conseil régional d'Ile-de-France a officiellement donné son feu vert le 26 juin dernier. La transformation de la société mixte est prévue à l'automne. Et c'est en principe le 12 novembre que le conseil d'administration portera la nouvelle société sur les fonts baptismaux. La région détiendra l'essentiel du capital. Six des sept communes qui sont déjà actionnaires ont décidé de poursuivre l'aventure et se partageront le reste du capital. Les élus régionaux ont considéré le nouveau statut de SPLA comme une opportunité dans un contexte rendu compliqué par "les évolutions du marché" et "une série de décisions juridiques". Les élus franciliens n'ont pas hésité, explique le directeur : "soit ils stoppaient l'activité dans les trois ou quatre prochaines années, soit ils décidaient le passage en SPLA". Les conseillers généraux de l'Hérault ont eux aussi saisi l'opportunité qui leur était offerte. Plutôt que de "traiter avec un opérateur différent pour chaque collège", ils auront une relation "en ligne directe" avec Territoire 34, indique Jean-Claude Deperrois, qui va assumer la direction de la SPLA.
Les collectivités locales du Vaucluse ont eu la même attitude. A l'initiative du conseil général et de la ville d'Avignon, deux SPLA à vocation généraliste interviendront pour leur compte dès la fin de l'année. Chacune des deux collectivités sera majoritaire au capital d'une société. Cette organisation sera complétée par un groupement d'intérêt économique (GIE) réunissant des services fonctionnels (comptabilité, finances, marchés, juridique) au service de trois structures, les deux SPLA et la Sem d'aménagement Citadis.
Les incertitudes juridiques freinent le mouvement
La communauté urbaine de Dunkerque s'intéresse à la société publique locale d'aménagement pour mener à bien un important projet urbain sur la ville-centre. La création de la société n'est encore qu'une hypothèse. Les élus trancheront avant l'automne 2009. "Les SPLA sont conçues en général comme un outil de remplacement de nos Sem permettant d'éviter la mise en concurrence. A Dunkerque, nous envisageons cet outil comme le moyen d'établir plus facilement des partenariats," explique-t-on à la communauté urbaine. Il s'agirait ainsi pour l'essentiel de pouvoir travailler plus étroitement avec l'investisseur néerlandais Multi Development qui a été retenu pour construire de nouveaux logements et attirer de nouvelles enseignes commerciales dans la ville du Nord.
Les nouvelles sociétés ne sont cependant pas à l'abri de toute insécurité juridique. Dans le cas de la Saerp, des difficultés sont apparues concernant l'interprétation de la notion de "in house", dont les principes ont été dégagés par la CJCE. Parmi les conditions constitutives du "in house", il faut que le contrôle qu'exerce la collectivité publique sur la société soit semblable à celui qu'elle exerce sur ses propres services. Or précisément, "la notion de contrôle équivalent est à géométrie variable selon l'interlocuteur qui est en face de nous", observe le directeur de la Saerp.
Deux ans après leur création législative, les SPLA s'installent lentement dans le paysage local. La Fédération des entreprises publiques locales en prend acte pour justement revendiquer l'extension du statut de société publique locale à d'autres secteurs que l'aménagement. Pour la fédération, "ce statut est adapté aux autres activités des Sem". Elle tentera de le montrer, témoignages à l'appui, lors de son congrès de Lyon.
Thomas Beurey / Projets publics