Modernisation de l'action publique - Simplification : une nouvelle vague de 25 mesures pour les collectivités
À l'occasion d'un déplacement à Alençon venant clore le cycle d'ateliers territoriaux pour la simplification des normes applicables aux collectivités territoriales, Jean-Vincent Placé, secrétaire d'Etat chargé de la réforme de l'Etat et de la simplification, et Estelle Grelier, secrétaire d'Etat chargée des collectivités territoriales, ont annoncé ce lundi 5 décembre une nouvelle vague de 25 mesures en faveur des collectivités. Celle-ci fait notamment suite aux 50 mesures déjà annoncées dans le cadre de la loi Notr et des comités interministériels aux ruralités de Vesoul et de Privas (voir ci-contre nos articles du 6 octobre 2015 et du 23 mai 2016).
Durant cette année 2016, afin d'accélérer la démarche de simplification et de suppression des normes pour les collectivités, le Secrétariat général à la modernisation de l'action publique (SGMAP) a multiplié les ateliers décentralisés et les partenariats avec l'ensemble des acteurs du monde territorial - Sénat, associations d'élus et de fonctionnaires territoriaux -, qui ont débouché sur de nouvelles propositions (voir ci-contre notre article du 18 octobre).
Le choix d'Alençon pour ce déplacement n'était pas fortuit puisque les deux secrétaires d'Etat étaient ainsi accueillis par Alain Lambert, président du conseil départemental de l'Orne, président du Conseil national d’évaluation des normes (CNEN) et médiateur des normes, chargé à ce titre de "faire remonter les difficultés rencontrées sur le terrain dans l’application des normes et de formuler des propositions pour remédier à ces difficultés", tel que l'a rappelé Estelle Grelier. "La simplification est une tâche complexe !", a d'ailleurs reconnu la secrétaire d'Etat, évoquant comme il se doit le double enjeu du stock et du "flux continu" des normes et précisant que "la plupart" des mesures présentées ce 5 décembre étaient "d’ordre réglementaire" et "seront mises en œuvre rapidement en début d’année 2017".
L'essentiel de ces mesures concerne les politiques sociales et les règles d'urbanisme. Par ailleurs, quelques mesures sont relatives à l'enseignement sportif et artistique, ou visent à "simplifier le fonctionnement interne des collectivités". Dans l'ensemble, peu de mesures créent véritablement la suprise, étant le plus souvent l'aboutissement voire la simple confirmation de décisions prises dans le cadre de divers chantiers ministériels en cours.
URBANISME ET CONSTRUCTION
Dans le domaine de l'urbanisme, souvent facteur d'irritation pour les élus, le Sénat a été très actif en 2016 : il a voté une résolution, formulé 45 propositions réglementaires et déposé une proposition de loi visant à simplifier le droit. Les mesures dévoilées à Alençon découlent partiellement de ces propositions.
Dispenser de formalités l'installation de classes démontables dans les établissements scolaires sur toute la durée des chantiers, contre une année scolaire actuellement.
"Sécuriser juridiquement" la date d'affichage des permis de construire, en la faisant figurer directement sur le panneau d'affichage.
Supprimer l'obligation de la notification de l'exercice du droit de préemption par le maire au Conseil supérieur du notariat.
Assouplir la fréquence de convocation des assemblées générales des associations foncières de remembrement, qui passera à une fois tous les cinq ans au minimum.
Faciliter et sécuriser la "grenellisation" des documents d'urbanisme.
Afin de faciliter les procédures d'ajout de nouvelles dispositions environnementales dans les documents en vigueur, le projet de loi Egalité Citoyenneté prévoit une mise à jour "au fil de l'eau" de ces documents, lors de leur modification ou de leur révision, et non plus une date butoir (voir notre article du 28 novembre).
Mettre à disposition un vade-mecum recensant les règles de construction dans chaque département.
Mettre à disposition des communes un guide pratique pour l'écriture du plan local d'urbanisme (PLU).
Améliorer l'information des collectivités sur la taxe d'aménagement.
Promouvoir les outils numériques nécessaires à l'information des différents acteurs (élus, professionnels, grand public).
Deux réponses seront apportées. D'une part, le Géoportail national de l'urbanisme permettra à tous les porteurs de projet de consulter l'ensemble des dispositions d'urbanisme s'appliquant sur un territoire donné. Les collectivités territoriales peuvent d'ores et déjà mettre en ligne via cette plateforme leurs documents d'urbanisme (PLU, Scot, servitudes d'utilité publique). Les services de l'Etat actualiseront les informations relatives aux normes juridiques en vigueur. A ce jour, 840 collectivités territoriales pilotes ont d'ailleurs transmis leurs documents. Le dispositif est en cours de déploiement sur l'ensemble du territoire. D'autre part, un service d'assistance en ligne pour les demandes d'urbanisme est en cours de développement avec un déploiement fin 2017-début 2018 : il permettra d'aider les usagers pour leur demande (déclaration préalable, permis de construire) en vue d'une dématérialisation de leur envoi.
POLITIQUES SOCIALES
Les dispositions listées dans le domaine du social sont elles aussi de nature et de portée très variables, les ministères et secrétariats d'Etat concernés ayant visiblement été repérer parmi les chantiers en cours quelques mesures susceptibles de prendre place sous une bannière "simplification".
Deux dispositions concernent les centres communaux d'action sociale (CCAS). Il s'agit, d'une part, d'élargir les possibilités de délégation de signature à des membres de l'équipe de direction d'un CCAS, sachant qu'aujourd'hui, la délégation de signature du président ne concerne que les vice-présidents et le directeur. D'autre part, afin de répondre aux difficultés pratiques d'organisation des CCAS de petites communes, il est prévu de moduler le nombre des membres de la commission d'appel d'offre (CAO) du CCAS en fonction de la population couverte (concrètement, ce nombre, aujourd'hui de six membres minimum, pourrait être porté à quatre). Ces deux dispositions doivent entrer en vigueur au 1er semestre 2017, sans plus de précision.
Le champ de la petite enfance fait partie de ce train de mesures, en écho direct au "Plan d'action pour la petite enfance" présenté le 15 novembre par la ministre des Familles, de l'Enfance et des Droits des femmes (voir notre article du 17 novembre détaillant ce plan). Il est en effet redit, comme l'avait alors annoncé Laurence Rossignol en reprenant l'une des préconisations du rapport Giampino sur la petite enfance, qu'un "Guide national des normes d'accueil du jeune enfant" viendra clarifier le paysage normatif pour les crèches et autres établissements d'accueil. "Il est nécessaire de les réunir en une synthèse, en délimitant l'obligatoire de ce qui n'est que recommandé, et de mettre en valeur les interprétations et pratiques respectueuses tant de l'accueil de l'enfant que de la qualité de vie au travail des professionnels", avait expliqué le ministère. Un groupe de travail planche actuellement sur le sujet, en vue de ce guide attendu dans le courant du premier semestre 2017 et destiné aux services de PMI, gestionnaires, agents et porteurs de projets.
L'autre point relatif à la petite enfance consiste simplement en la réactualisation du guide existant (voir notre article d'avril 2016) sur les maisons d'assistantes maternelles (MAM). Si l'idée est bien de continuer à encourager le développement des MAM, "ce type d'accueil n'est pas sans soulever un certain nombre de questions, aussi bien aux assistants maternels porteurs de projets qu'aux services de PMI", donnant lieu à "des pratiques très différentes d'un département à l'autre", indique le gouvernement.
Les autres chantiers évoqués concernent spécifiquement les départements, avec deux décisions liées à la protection de l'enfance. Alors que les décrets d'application de la loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l'enfant sont actuellement publiés à un rythme soutenu (deux nouveaux décrets sont ainsi parus ce 2 décembre - voir notre article de ce jour), le gouvernement indique qu'un "plan d'accompagnement" (circulaire de cadrage, guides, outils numériques et plan de formation) des services départementaux sera déployé d'ici l'an prochain pour faciliter la mise en œuvre du "protocole de coordination des acteurs" prévu par l'article 17 de la loi pour assurer l'accompagnement des jeunes proches de la majorité.
D'autre part, il est annoncé que les formulaires d'information des tiers utilisé lors d'une décision de placement prise par l'aide sociale à l'enfance seront simplifier afin à la fois d'améliorer cette information et d'alléger le travail des services départementaux.
Le gouvernement a par ailleurs inscrit dans sa liste une mesure déjà connue et attendue suite à la loi Vieillissement de décembre 2015, concernant les établissements d'hébergement pour les personnes âgées dépendantes (Ehpad) : des décrets d'application de l'article 58 de cette loi doivent être publiés tout prochainement (ils avaient initialement été annoncés pour novembre) au sujet des modalités de tarification des Ehpad. Il s'agit, on le sait, de remplacer le système actuel de financement de la part dépendance par un "forfait global dépendance" et de mettre en place une convention pluriannuelle d'objectifs et de moyens (CPOM) entre le département et chaque Ehpad pour la part hébergement.
Les établissements et services sociaux et médico-sociaux sont visés par deux autres projets. Tout d'abord, une "sécurisation juridique" des prises en charge innovantes au sein de ces établissements, aujourd'hui difficiles à prendre en compte dans le cadre des contrôles exercés par les départements. Une circulaire devrait venir en février prochain préciser les choses là-dessus. En outre, on saura qu'un rapport d'évaluation dont la remise est prévu pour mai viendra proposer des pistes d'évolution du système actuel d'évaluation interne et externe des établissements, notamment en termes de calendrier.
Enfin, alors que le deuxième comité interministériel du handicap s'est tenu ce 2 décembre (voir notre article de ce jour), entérinant entre autres la décision d'allonger à 20 ans la durée maximale d'attribution de l'allocation adulte handicapé (AAH), le gouvernement a glissé une disposition complémentaire : la possibilité d'aligner sur cette durée maximale de 20 ans la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH), actuellement limitée à 5 ans.
ENSEIGNEMENT SPORTIF ET ARTISTIQUE
Regrouper les agréments de l'éducation nationale et du ministère des Sports pour l'enseignement de la natation par les maîtres-nageurs sauveteurs (voir notre article d'avril 2015).
Harmoniser les conditions d'intervention des artistes musiciens dans les écoles et les conservatoires.
FONCTIONNEMENT DES collectivités
Adapter le champ "adresse" dans les formulaires Cerfa pour pouvoir intégrer le nom des communes déléguées des communes nouvelles. Le gouvernement entend ainsi régler les problèmes générés par l'existence de noms de voies homonymes dans les communes déléguées d'une commune nouvelle (voir notre article de mars 2016).
Supprimer la double consultation des chambres de commerce et d'industrie pour les projets de travaux dans les ports dont elles ne sont pas concessionnaires
Etendre les possibilités de délégation de signature du maire, du président du conseil départemental et du président du conseil régional à un agent. Ces délégations "ne pourront être consenties que pour les actes se rapportant aux missions des agents", précisent les services de Jean-Vincent Placé.
Favoriser la mobilité entre les différentes fonctions publiques (Etat, territoriale, hospitalière). Ce libellé très large recouvre le projet de modifier une quinzaine de décrets qui posent des conditions supplémentaires, notamment en termes d'ancienneté, au détachement de fonctionnaires dans certains corps et cadres d'emplois, en particulier dans les domaines de l'enseignement supérieur et des affaires sanitaires et sociales, alors que le principe de l'accessibilité de tous les corps et cadres d'emplois par détachement est consacré par l'article 13 bis de la loi du 13 juillet 1983.
Concernant la neutralisation de l'impact financier des nouvelles normes, objectif majeur de l'action gouvernementale en la matière, pour 2015, l'objectif aurait été atteint : le coût net des mesures nouvelles applicables aux collectivités territoriales serait de -60 millions d'euros, selon les études d'impact réalisées sur les textes concernant les collectivités territoriales lors de la saisine préalable du CNEN.