Simplification - Normes et collectivités : l'objectif "zéro charge nouvelle" sera tenu, assure André Vallini
Les normes. Alléger les normes qui pèsent sur les collectivités… Le sujet est récurrent. Tant dans les doléances des élus locaux que dans les éléments de réponse que leur apportent les gouvernements successifs. La période actuelle ne fait pas exception à la règle. "Réduire le coût des normes" constituait par exemple l'un des cinq volets du corpus de propositions élaboré par l'Association des maires de France en vue de sa récente rencontre avec Manuel Valls... et a fait partie des éléments que l'exécutif a mis sur la table des négociations.
"Le chef de l'Etat y est très attaché et le Premier ministre en fait un argument dans le dialogue actuel parfois difficile avec les élus locaux sur les dotations", reconnaît un membre du gouvernement, en l'occurrence André Vallini, le secrétaire d'Etat à la Réforme territoriale. Lequel mentionne d'ailleurs cette réunion du 29 mai entre les représentants des maires et Manuel Valls, au cours de laquelle "l'AMF a convenu que cette action sur les normes commençait à porter ses fruits". "Je ne dis pas que cette action suffira à compenser la baisse des dotations, mais cela y contribue quand même sensiblement", juge-t-il.
André Vallini suit le dossier de près, aux côtés de la direction générale des collectivités locales (DGCL), sachant que Serge Morvan, le DGCL, est aussi son directeur de cabinet. Il est à ce titre intervenu le 4 juin en ouverture d'une séance du Conseil national d'évaluation des normes (CNEN), l'instance venue remplacer il y a un peu moins d'un an la Commission consultative d'évaluation des normes (CCEN). L'occasion pour le secrétaire d'Etat de rappeler que les choses avancent.
En août dernier, le gouvernement s'était fixé un objectif : ramener à zéro le coût des normes nouvelles applicables aux collectivités d'ici 2017. Sachant que de 2008 à 2013, la charge brute de ces normes nouvelles à la charge des collectivités s'est élevée à 5,8 milliards (ou 3,17 milliards de charge nette), selon les estimations du CNEN. Fin 2014, le Premier ministre lui-même avait indiqué dans une circulaire que toute charge financière liée à l'impact d'une loi ou d'une réglementation nouvelle devrait "être compensée par une simplification ou un allègement d'un montant équivalent".
Aujourd'hui, l'impact financier des normes nouvelles serait bien en nette décélération. Il serait passé de 1,6 milliard de charges nettes en 2013 à un peu moins de 800 millions en 2014. Et sur les quatre premiers mois de 2015, les charges nettes nouvelles seraient de "seulement 37 millions d'euros", d'après les chiffres fournis par le secrétariat général du gouvernement (SGG simplification) et la DGCL (qui assure le secrétariat du CNEN). "En 2015, l'objectif de 'zéro charge nouvelle' sera certainement tenu", notamment grâce à "la mise en place d'un tableau de bord individualisé par ministère", en conclut le secrétariat d'Etat. "D'ici la fin de l'année, nous pourrons faire un bilan consistant", a confirmé le 4 juin André Vallini lors d'une rencontre avec la presse à l'issue de la séance du CNEN.
"Un travail de bénédictin"
Maîtriser les appétits normatifs des ministères... "C'est un travail de bénédictin, qui oblige mon cabinet à être présent à pratiquement toutes les RIM [réunions interministérielles]", confie André Vallini. "Ce dossier des normes doit être piloté d'abord en amont, sur le flux. Il revient à la DGCL, avec le SGG, de veiller à l'impact des textes en préparation", ajoute Serge Morvan.
Pour Alain Lambert, le "Monsieur normes" par excellence sous la double casquette de président du CNEN et de médiateur des normes applicables aux collectivités (mais aussi auteur en 2013 avec Jean-Claude Boulard d'un rapport sur la chasse aux normes), le plus difficile est en effet de "maîtriser le flux". Il suffit il est vrai d'ouvrir tous les jours le JO et son flot incessant de nouveaux textes réglementaires pour se faire une idée de la chose...
Mais les ministères et leurs administrations ne sont pas les seuls fautifs, relève Alain Lambert, présent le 4 juin aux côtés d'André Vallini : les textes directement issus des administrations ne représenteraient que 10 à 15% des textes réglementaires, tandis que "tout le reste, ce sont des textes d'application des lois". Dès lors, le Parlement serait lui aussi en partie fautif. Notamment du fait des amendements parlementaires qui viennent souvent décupler le volume des textes législatifs et qui ne font pas, eux, l'objet d'études d'impact, tel que l'a fait remarquer le maire Philippe Laurent lors de la séance du CNEN. Sans compter toutes les propositions de loi d'origine parlementaire. Mais, note André Vallini, "90% des textes législatifs" sont des projets de loi gouvernementaux et non des propositions de loi.
Notr, une loi de simplification ?
Il y a le flux... et puis il y a le stock. Autrement dit les normes existantes, dont certaines méritent d'être corrigées ou tout simplement supprimées. Là, c'est aussi le secrétariat d'Etat en charge de la Réforme de l'Etat et de la simplification qui est à la manœuvre. On l'a encore vu le 2 juin avec le nouveau train de 92 mesures de simplification présentées par Thierry Mandon – des mesures qui concernent aussi bien le handicap que le logement social, l'environnement ou l'urbanisme.
On songera aussi à d'autres déclinaisons du fameux choc de simplification proclamé en 2013 par François Hollande. Par exemple à la loi de simplification de décembre 2014 ou à celle de février 2015 relative à "la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures". André Vallini a également rappelé que le projet de loi Notr comprend quatorze mesures de simplification issues de la proposition de loi Doligé, qui touchent entre autres les CCAS, la dématérialisation des recueils des actes administratifs, les possibilités de délégations aux exécutifs...
Et cela devrait continuer. Une mission d'inspections (IGA, Igas...) a été lancée en février dernier pour "identifier des textes normatifs dont les coûts sont particulièrement élevés pour les collectivités locales" et pour proposer des allègements. La remise du rapport est prévue pour le 20 juin. Parallèlement, Alain Lambert a indiqué avoir proposé à la délégation aux collectivités du Sénat de "regarder les textes superfétatoires qui pourraient être allégés".
Des décisions concrètes "si possible avant l'été"
En outre, des "ateliers thématiques" ont été mis en place par André Vallini. Réunissant des représentants de l'Etat, des associations d'élus, mais aussi des cadres territoriaux (des directeurs de services techniques par exemple), ces "ateliers" doivent permettre de dégager "des propositions concrètes issues des expériences de terrain". Un premier atelier a porté sur l'exploitation des bâtiments publics (les deux suivants concerneront la petite enfance et les installations sportives) et a fait émerger une liste de sujets précis "qui vont maintenant être expertisés" et devraient déboucher sur des décisions "si possible avant l'été". On citera par exemple les contrôles des bâtiments par les Sdis, la réglementation en matière d'archéologie préventive, les travaux dans les bâtiments scolaires, les vérifications techniques dans les ERP... ou "la correction de la contradiction entre la norme sur la pente des sols et la norme d'accessibilité dans les piscines" ! Mais en n'oubliant pas qu'une fois les décisions prises, "il faudra modifier les textes" en vigueur et donc, dans certains cas, trouver des véhicules législatifs. Quitte à passer par une loi balai du type loi Warsmann ? "Oui, pourquoi pas", répond André Vallini.
"Il y a beaucoup trop de textes obligatoires et pas assez de recueils de bonnes pratiques", résume Alain Lambert. Qui ajoute : "Mais souvent, ce n'est pas la norme qu'il faut changer, c'est la doctrine d'application". Dans le même esprit, André Vallini est bien tenté d'inciter les "fonctionnaires d'Etat" à privilégier le conseil aux collectivités que "les contrôles trop tatillons".
Le secrétaire d'Etat considère que les réformes en cours contribueront à "accompagner les élus locaux dans l'application des normes", notamment les élus des collectivités les plus petites ne disposant pas de vrais services techniques ou juridiques : la réforme territoriale en ce qu'elle encourage les mutualisations, renforce l'intercommunalité et inscrit dans la loi le rôle des départements en matière de solidarité territoriale et d'aide aux communes... et "la réorganisation en cours des services de l'Etat qui renforcera leur présence en termes de conseil aux élus".
Claire Mallet
Un décret pour simplifier la saisine du CNEN
Le Sénat a adopté le 20 mai une proposition de loi tendant à permettre à toutes les collectivités et EPCI à fiscalité propre de saisir le CNEN. Aujourd'hui, en vertu d'un décret d'avril 2014, toute demande d'évaluation doit comprendre une fiche d'impact et doit être présentée par au moins cent maires et présidents d'intercommunalité, ou dix présidents de conseil départemental, ou deux présidents de conseil régional. La proposition de loi consiste à "lever ces deux obstacles" et donc permettre à toute collectivité, "seule ou de façon concertée", de saisir le CNEN. Elle entend également permettre aux associations d'élus locaux de saisir le CNEN sur le stock des normes. Comme il l'avait indiqué lors de la discussion du texte, André Vallini a redit le 4 juin qu'un nouveau décret serait pris prochainement en ce sens, tout en pointant le risque d'un "engorgement" du CNEN, dont il n'exclut pas de renforcer les moyens. Un nouveau décret... Cela évitera au moins de tomber dans l'un des travers dénoncés par Alain Lambert, celui d'édicter une loi pour changer le règlement.