Protection de l'enfance - Selon l'Oned, la loi de 2007 "n'a pas encore entraîné de modifications sensibles"
L'Observatoire national de l'enfance en danger (Oned) publie son septième rapport annuel à destination du gouvernement et du Parlement. Celui-ci se compose de deux grandes parties. La première à vocation thématique - la plus développée - est consacrée à une analyse des dispositifs départementaux de recueil, de traitement et d'évaluation des informations préoccupantes. Ce choix ne doit rien au hasard, puisque le rapport de l'Oned intervient un an après le décret du 28 février 2011 organisant la transmission d'informations sous forme anonyme aux observatoires départementaux de la protection de l'enfance (ODPE) et à l'Oned.
Faute de définition commune, pas de comparaison sur les informations préoccupantes
Sur ce point, l'enquête réalisée par l'observatoire montre une forte "hétérogénéité à la fois des situations concernées et des modes de comptabilisation", au point que cela "conduit à s'interroger sur l'intérêt d'utiliser l'information préoccupante comme unité de collecte". Si cette notion reste déterminante au niveau d'un département, compte tenu des responsabilités des présidents de conseils généraux en la matière, elle l'est beaucoup moins au plan interdépartemental et national. En effet, l'information préoccupante (IP) "ne peut être utilisée comme unité de comparaison et d'étude qu'entre deux départements possédant la même définition, la même unité de décompte et le même périmètre dévolu à l'IP".
De même, "à un niveau national, étant donné la diversité actuelle de comptabilisation selon les départements, l'IP n'a pas d'intérêt en tant qu'unité de comparaison interdépartementale". Conclusion : autant les évolutions et les prévisions en matière de prise en charge au titre des différentes interventions de l'aide sociale à l'enfance (ASE) ont du sens, autant les pouvoirs publics - et l'Oned - sont aveugles sur la situation et l'évolution réelles des informations préoccupantes.
Stabilité d'ensemble pour les chiffres de l'enfance en danger
La seconde partie du rapport est consacrée à sa composante "fixe", autrement dit "la connaissance chiffrée de l'enfance en danger". Sur ce point, l'Oned souffre du décalage par rapport à la période observée. S'ils ont le mérite de la fiabilité, les chiffres présentés par l'observatoire remontent en effet au 31 décembre 2009. Après redressements pour tenir compte des doublons, l'Oned estime à 271.552 - sur la France entière - le nombre de mineurs bénéficiant d'une mesure de prise en charge au 31 décembre 2009, soit 1,89% de la tranche d'âge. S'y ajoutent 21.207 jeunes majeurs pris en charge, soit 0,85% des 18-21 ans.
Après avoir progressé entre 2003 et 2006 (passant de 244.648 à 265.913), le nombre de mineurs pris en charge s'est stabilisé entre 2006 et 2008, avant de repartir - légèrement - à la hausse en 2009. Ces chiffres recouvrent toutefois de forts écarts géographiques, puisque le taux de prise en charge varie, selon les départements, de 0,99% à 3,67%. Contrairement à une idée reçue, les départements présentant les taux les plus élevés de mesures de prise en charge sont majoritairement des départements à dominante rurale, sauf quelques exceptions comme la Seine-Maritime, le Nord ou le Pas-de-Calais. L'Ile-de-France se situe dans le bas de la fourchette. Depuis 2006, 47 départements ont connu une diminution du nombre de mesures concernant les mineurs, dont 6 une diminution de plus de 10%, alors que 11 départements ont connu au contraire une augmentation de plus de 10%.
En termes de modes de prise en charge, le rapport confirme la stabilité de la répartition entre l'intervention en milieu ouvert (éducateurs intervenant au sein de la famille) et l'accueil en établissement. Les chiffres publiés s'arrêtant au 31 décembre 2009, le rapport relève toutefois "que de nombreux départements ont, lors des rencontres entre l'Oned et les départements qui ont eu lieu tout au long de l'année 2011, fait état d'une tendance à l'augmentation des mesures de placement". Ici aussi, les écarts géographiques sont importants, la part de l'accueil dans l'ensemble des mesures variant de 23,4% à 76,9%, sans que les disparités sociologiques suffisent à justifier ces différences.
En termes d'origine de la décision, le rapport confirme - en y ajoutant les chiffres 2009 - des tendances déjà connues. En matière d'accueil en établissements, la répartition des mesures est quasi stable depuis 2003 entre les décisions judiciaires (88 à 89% du total) et les décisions administratives (11 à 12%). En revanche, la répartition continue d'évoluer sur les mesures en milieu ouvert : de 24,3% en 2003, la part des décisions administratives a atteint 29,4% en 2009.
De ce paysage marqué par une stabilité d'ensemble, l'Oned tire une conclusion sans appel : "Il en ressort l'hétérogénéité départementale de cette mise en oeuvre, qui voit, à la fois une grande diversité dans les taux de prise en charge et dans la répartition entre mesures de milieu ouvert et de placement et leur grande stabilité au sein des départements depuis 2006. La mise en oeuvre de la loi du 5 mars 2007 n'a pas, au 31 décembre 2009, encore entraîné de modifications sensibles."