Ségur de la santé II : réactions positives quasi-unanimes
Que ce soit du côté des associations d'élus (petites villes, ADCF et France urbaine) ou de la Fédération hospitalière de France, les annonces faites dans le cadre du deuxième volet du Ségur de la santé sont saluées, que ce soit en termes budgétaires ou d'organisation. Les orientations des mesures touchant le médicosocial sont elles aussi plutôt bien accueillies. La déception se lit en revanche du côté des professionnels de santé libéraux qui regrettent que le gouvernement se soit cantonné à un "Ségur de l'hôpital".
Difficile de ne pas considérer que les réactions à l'annonce du second volet du Ségur de la santé (voir notre article du 21 juillet 2020) – et plus largement sur l'ensemble de la démarche – comme très positives. Il est vrai que devant un plan qui se monte à la somme encore jamais vue de 28 milliards d'euros (19 milliards pour l'investissement et 9,1 milliards pour le fonctionnement, dont 8,3 milliards pour les rémunérations, les carrières et la création de 15.000 postes), ce satisfecit d'ensemble est peu surprenant. Il n'exclut cependant pas un certain nombre de nuances ou d'attentes complémentaires.
Les collectivités se retrouvent dans les mesures
La notion de territoire étant très présente dans le second volet du Ségur de la santé – en phase avec l'usage répété du terme par Jean Castex – les collectivités sont donc directement concernées par les mesures annoncées. Très active sur les questions de santé, l'APVF (Association des petites villes de France) "porte un regard positif et constructif sur les principales propositions et préconisations contenues dans le document récapitulant un mois de travaux". Elle y voit en effet "des mesures intéressantes et pertinentes, qui devront être tenues". Tout en rappelant que près de 100.000 lits ont été fermés depuis vingt ans, l'association "apprécie tout particulièrement" le dispositif d'ouvertures ou de réouverture de 4.000 lits "à la demande", mais souhaite que "ces réouvertures ne soient pas réservées aux plus grosses structures hospitalières". L'APVF annonce également qu'elle "présentera ses propres propositions en faveur d'une offre de soins de qualité et de proximité sur tout le territoire au début du mois de septembre".
Pour leur part, l'ADCF (Assemblée des communautés de France) et France urbaine font prise de position commune, comme elles l'avaient déjà fait pour soumettre leurs propositions, qui plaidaient alors pour une "gouvernance sanitaire de proximité" (voir notre article du 18 juin 2020). Intitulé "Les territoires aux commandes, chiche !", leur communiqué commun "salue ces efforts budgétaires et se félicite de la volonté affichée du gouvernement d'engager une politique visant à décloisonner, déconcentrer et territorialiser un système de soins trop souvent enfermé dans des logiques administratives lourdes et inefficaces". Cette satisfaction vise, entre autres, la mise en place de conférences territoriales d'investissement en santé, le renforcement des délégations départementales des ARS et le renouvellement de leur gouvernance, ou encore le développement de la télémédecine. Bien sûr, il s'agit désormais "de passer de la parole aux actes" et les deux organisations entendent bien veiller à la réalité de l'association des collectivités aux décisions à venir.
Pas de réaction officielle – pour l'instant – du côté de Régions de France ou de l'AMF (Association des maires de France), ni de l'ADF (Assemblée des départements de France), directement concernée par l'important volet sur le secteur médicosocial. Les trois associations avaient pourtant signé une tribune commune, associant également la Fédération hospitalière de France, lors du lancement du Ségur de la santé (voir notre article du 28 mai 2020).
Établissements de soins : FHF, FHP et Fehap main dans la main
Première organisation concernée, la FHF (Fédération hospitalière de France) se félicite d'"un Ségur de la santé qui, enfin, fait bouger les lignes de notre système de santé". La Fédération "se satisfait particulièrement de voir annoncées quatre mesures qui sont des combats de longue date". Il s'agit en l'occurrence de la remise à plat de l'Ondam (objectif national des dépenses d'assurance maladie) – envisagée à l'horizon 2022 –, de la régulation des dépenses par la pertinence des soins, du "grand pas effectué dans le sens de la territorialisation et de la confiance accordée aux acteurs de terrain" et, enfin, des mesures visant à renforcer les liens entre les Ehpad et l'hôpital (la FHF représentant aussi 3.800 établissements médicosociaux, essentiellement des Ehpad). Seul bémol : la FHF regrette "que les questions relatives à l'unification de la gouvernance nationale ne figurent pas dans les mesures du Ségur", allusion au cloisonnement entre les différentes autorités de régulation.
Situation peu courante : le communiqué de la FHF est quasiment interchangeable avec celui de la FHP (Fédération de l'hospitalisation privée), qui représente les cliniques. Celle-ci voit en effet dans le Ségur de la santé "des mesures qui vont dans le bon sens et augurent d'une nouvelle dynamique pour le monde de la santé". La FHP estime qu'"après la juste valorisation des salaires des soignants, les dernières annonces témoignent d'une réelle prise en compte des attentes des professionnels. [...] Les pouvoirs publics ont compris qu'il est indispensable de faire davantage confiance aux acteurs de santé, sans considération de statuts, dont l'engagement sur le terrain a permis de tenir face à l'épidémie".
Enfin, la Fehap (établissements privés à but non lucratif) "se félicite des conclusions du Ségur mais attend des garanties concrètes concernant sa mise en œuvre et les secteurs du domicile et du handicap". Elle apprécie "des annonces qui appellent à des changements structurels d'envergure. Elles devraient permettre de redonner de la liberté et de la souplesse aux acteurs". Elle estime toutefois que "si les secteurs du handicap, du domicile et du social restent les grands oubliés du Ségur, ils devraient, a priori, être traités dans le cadre du futur projet de loi Grand Âge et autonomie".
Médicosocial : oui, mais un peu plus serait mieux
Précisément, le volet médicosocial est un peu l'invité surprise de ce second volet du Ségur de la santé, après les mesures de revalorisation des salaires des personnels prévues par le protocole du 13 juillet (voir notre article du 15 juillet 2020). Pourtant volontiers critique, l'AD-PA (Association des directeurs au service des personnes âgées), qui représente les maisons de retraite publiques, "rejoint les principales orientations présentées lors de la remise du rapport du Ségur de la santé, à savoir redonner du pouvoir d'initiative aux professionnels, libérer les structures des contraintes pour se concentrer sur le sens de l'engagement des professionnels et mettre en œuvre une réforme de simplification". L'AD-PA estime également que l'annonce d'un plan d'investissement de 2,1 milliards pour rénover un quart des établissements "va également dans le bon sens mais reste notoirement insuffisant". Tout en reconnaissant "le projet immense et ambitieux" du Ségur, l'association "attend donc une loi Autonomie ambitieuse pour répondre aux attentes des Français".
Principale organisation du secteur, l'Uniopss se réjouit d'"une prise en compte positive de tous les acteurs du système de santé", avec toutefois "des intentions qui restent à confirmer". La satisfaction porte notamment sur les revalorisations salariales (dans le protocole du 13 juillet), sur l'investissement, mais aussi sur "la prise en compte des inégalités de santé, des problématiques d'accès aux soins des personnes en situation de précarité, en situation de handicap et des personnes âgées, qui correspondent aux propositions portées dans sa contribution". En revanche, l'Uniopss estime que "la prévention et la promotion de la santé restent relativement absentes du Ségur".
Et les perdants sont...
La déception se lit du côté des professionnels de santé libéraux. La CSMF (Confédération des syndicats médicaux français) résume ce sentiment dans le titre – difficilement contestable – de son communiqué : "Ségur de la santé : clap de fin pour ce qui restera le Ségur de l'hôpital...". Si l'organisation approuve les mesures en faveur de l'hôpital et du médicosocial, elle dit avoir "recherché ce qui pouvait concerner la médecine de ville, qui pourtant n'a pas démérité pendant toute cette période de la Covid-19". En dehors de quelques mesures (soutien à l'exercice coordonné, développement de la télémédecine, plateforme numérique pour le service d'accès aux soins, ancrage des hôpitaux de proximité sur les territoires...), elle ne voit "rien de concret, contrairement pour l'hôpital public, si ce n'est l'ouverture de négociations conventionnelles devant aboutir d'ici fin 2020".
Sentiment partagé par MG France (médecins généralistes), qui "prend acte de l'engagement du gouvernement à mettre en chantier dès le début du mois de septembre, deux négociations conventionnelles avec l'assurance maladie", mais s'interroge néanmoins : "Y aura-t-il des moyens pour les soins primaires ?". En effet, "les médecins généralistes ne comprendraient pas que le secteur ambulatoire ne bénéficie pas d'un investissement du même ordre [que pour les hôpitaux, ndlr], signal d'une volonté de transformation profonde du système de santé".
Approche un peu plus positive pour le SML (Syndicat des médecins libéraux) qui "se félicite que plusieurs des mesures très pragmatiques qu'il avait proposées dès 2017 dans son projet soient désormais inscrites dans l'agenda du gouvernement" et qui se dit " "prêt pour la négociation conventionnelle". Pour sa part, l'Ordre des infirmiers – à cheval sur l'hôpital et sur la ville – "salue la reprise de certaines de ses propositions qui vont dans le sens d'une revalorisation globale de la profession infirmière".
Enfin, on retiendra que France Assos Santé – qui fédère les associations de patients et se veut "la voix des usagers" – se "félicite des annonces du Ségur". L'association entend toutefois rester très attentive à l'application de ces annonces sur le terrain : "Nous serons vigilants à ce que ce panel de 33 annonces du Ségur ne finisse pas comme les 54 mesures de la réforme Ma santé 2022 : sous la pile réglementaire !".