Ségur de la santé : les associations de collectivités avancent leurs pions
Les présidents de l'AMF, de l'ADF et de Régions de France se sont associés à celui de la Fédération hospitalière de France pour faire valoir l'"enjeu territorial" du système sanitaire, au moment où s'ouvre le Ségur de la santé. Pour eux, le sanitaire, le médicosocial et le social sont "les trois volets complémentaires d'une même politique publique". Ils demandent entre autres un renforcement du niveau départemental des ARS et plaident pour "des filières de soins consolidées dans les territoires". Tout comme l'Association des petites villes, l'Association nationale des élus de la montagne a elle aussi fait entendre sa voix.
Alors qu'Édouard Philippe et Olivier Véran viennent de lancer le "Ségur de la santé" et que la concertation, menée par Nicole Notat, doit se poursuivre en principe jusqu'à la mi-juillet (voir notre article du 25 mai 2020), les collectivités entendent bien faire entendre leur voix. Le souvenir cuisant de leur mise à l'écart de la gouvernance hospitalière par la loi HPST (Hôpital, patients, santé et territoires) de juillet 2009, mais aussi leur – relative – marginalisation dans d'autres réformes comme la création des ARS (agences régionales de santé) ou plus récemment celle des GHT (groupements hospitaliers de territoires), sont trop présents pour qu'elles se laissent surprendre à nouveau dans cette concertation dont elles sont parties prenantes.
L'APVF veut redonner leur place aux hôpitaux de proximité
Très active sur les questions de santé et mobilisée de longue date sur les hôpitaux de proximité, l'APVF (Association des petites villes de France) avait publié, lors du lancement de la concertation, un communiqué dans lequel elle "appelle le gouvernement à être à la hauteur de l'enjeu" (voir notre article du 25 mai 2020). Outre la demande récurrente de "mettre un coup d'arrêt aux fermetures des lits en milieu hospitalier, dont le chiffre s'élève à plus de 100.000 en moins de 20 ans", l'APVF estime qu'"il conviendra également de remettre les élus locaux dans les circuits de décision, car les agences régionales de santé ignorent parfois les élus qui apprennent par voie de presse les fermetures de services hospitaliers". Elle appelle aussi "à une vaste réorganisation du système de soins, qui demeure beaucoup trop centralisé et insuffisamment centré sur le patient et le parcours de soins".
Prêchant pour sa paroisse, l'APVF souhaite aussi que "soit redonnée une place essentielle et incontournable au réseau des établissements hospitaliers de proximité, qui sont appelés à jouer un rôle croissant et déterminant pour les soins de suite et de réadaptation dans les domaines pulmonaires, cardiologiques et infectieux... ainsi que dans le domaine de la prévention". Elle estime en effet que "le réseau des hôpitaux de proximité a été progressivement désarmé depuis une trentaine d'années, accusé de coûts excessifs et menacé par une politique de tarification injuste et inadaptée". Un affirmation qui passe toutefois sous silence la récente réforme du financement des hôpitaux de proximité et la hausse de 10%, pour cette année, de leur "dotation nationale forfaitaire garantie", décidée par un arrêté du 14 mai 2020.
AMF, ADF et Régions de France font tribune commune avec la FHF
Plus inattendue est la démarche conjointe de François Baroin, Dominique Bussereau et Renaud Muselier. Les trois présidents (LR et Libres!) de l'AMF, de l'ADF et de Régions de France se sont en effet associés à Frédéric Valletoux, le président de la Fédération hospitalière de France (FHF) – et maire de Fontainebleau – pour signer une tribune publiée dans "Le Monde" deux jours avant le lancement de la concertation et intitulée "Le Ségur de la santé doit redonner toute leur place aux territoires".
Partant du postulat que "la santé de nos concitoyens est un enjeu territorial", ils y défendent l'idée "que notre système de santé réclame une refondation complète de son mode de gouvernance, de son organisation locale et de sa philosophie d'intervention", et plaident pour une réflexion associant "les trois volets complémentaires d'une même politique publique" : le sanitaire, le médicosocial et le social. Sans surprise, les signataires estiment aussi qu'"il faudra s'interroger sur le rôle des agences régionales de santé, leur rapport aux collectivités locales et aux préfets, et sur leurs modes de gouvernance trop contraints par le carcan bureaucratique et budgétaire".
Haro sur les ARS
Les ARS sont en effet devenues les cibles favorites des élus de terrain, qui les chargent de tous les maux, comme l'a encore montré la récente audition organisée par la délégation aux collectivités territoriales du Sénat. Les intervenants à cette visioconférence étaient en effet tombés d'accord pour remettre en cause le rôle des ARS et considérer que "face aux collectivités, il faut un chef de file unique et c'est le préfet" (voir notre article du 4 mai 2020).
Les changements sur ce point risquent toutefois d'être limités, car Édouard Philippe a bien pris soin, dans son intervention en ouverture de la concertation, de rendre hommage au rôle des ARS, qui s'est révélé décisif dans certaines régions comme l'Île-de-France. Mais les signataires de la tribune entendent bien contourner cette résistance en demandant un renforcement du niveau départemental des ARS (les "délégations départementales"), ce qui pourrait s'apparenter à un retour aux défuntes Ddass, beaucoup plus malléables.
En attendant, l'AMF, l'ADF, Régions de France et la FHF avancent des propositions d'effet immédiat comme "un moratoire sur la fermeture des lits de médecine afin de favoriser un aménagement équilibré du territoire" – quasiment acté – et plaident notamment pour "des filières de soins consolidées dans les territoires" et une remise en cause du "cloisonnement dramatique entre la médecine de ville et l'hôpital, entre l'hôpital et le médicosocial". Enfin, les signataires estiment que la réforme "passe notamment par une participation renforcée des élus locaux à la décision, dans la gouvernance et le pilotage territorial des politiques de santé, des ARS, et des hôpitaux". La place des élus dans ces instances – à commencer par les conseils d'administration des hôpitaux – devrait donc être réinterrogée.
Les élus de montagne ne veulent pas être oubliés
Parce que les hôpitaux situés en zone de montagne présentent des spécificités et des besoins particuliers, les élus de ces territoires entendent bien faire entendre aussi leur voix dans le Ségur de la Santé. Dans un communiqué du 25 mai, Annie Genevard, présidente de l'Association nationale des élus de la montagne (Anem) – et députée (LR) du Doubs –, demande ainsi "des mesures d'accompagnement ou d'incitation spécifiques en montagne du fait de ses caractéristiques géophysiques". Reprenant une revendication ancienne, l'Anem réclame notamment "un service accessible de médecine générale en vingt minutes de trajet automobile, au maximum, d'urgence en trente minutes et, dans les territoires très enclavés, que le schéma régional d'organisation des soins intègre un système de transport sanitaire d'urgence, par voie aérienne". Elle plaide aussi pour une répartition plus équilibrée des médecins et une affectation des praticiens territoriaux de médecine générale en priorité dans les territoires de montagne sous-dotés.
Comme c'est aussi le cas pour les stations balnéaires (mais l'Association nationale des élus du littoral n'a pas encore pris position sur le Ségur de la santé), l'Anem rappelle qu'il est indispensable de conserver certaines spécialités chirurgicales du fait d'une population multipliée par 5 ou 6 l'hiver et/ou l'été, mais aussi d'activités sportives à risques, de l'exposition à des intempéries et à des catastrophes naturelles. Enfin, de façon plus immédiate, l'association demande "la préservation la prise en charge des indemnités kilométriques de montagne pour les professionnels de santé qui ne sont pas installés en zone montagne".