Salon des maires – 12e programme d’intervention 2025-2030 : les agences de l’eau fières d’avoir "fait le job"

Plus de 13 milliards d’euros, tel est le montant des aides qu’apporteront les agences de l’eau aux porteurs de projets sur la période 2025-2030 pour restaurer le bon état des eaux, reconquérir la biodiversité ou encore s’adapter au changement climatique. Un montant qui ne sera pas remis en cause par l’éventuel prélèvement de 130 millions d’euros prévu pour l’heure par l’actuel projet de loi de finances pour 2025. Lequel reste toutefois en travers de la gorge des présidents de comité de bassin alors qu’ils estiment, eux, avoir "pris leur responsabilité" en augmentant leurs redevances.

Profitant du salon des maires, les six agences de l’eau ont présenté à la presse, ce 19 novembre, leur 12e programme d’intervention 2025-2030, ces "feuilles de route" pour accompagner financièrement les projets des différents acteurs de leurs bassins respectifs pour les six prochaines années.

Plus de 13 milliards d’euros d’aides sur 6 ans

Des programmes "ambitieux", se plaisent à souligner d’une même voix les six directeurs généraux de ces agences, en mettant en exergue les plus de 13 milliards d’euros d’aides qui seront au total apportés sur les six prochaines années. Un montant à la hausse, rendu possible par le relèvement – on le sait, échelonné — du plafond de recettes des agences de l’eau. Mais aussi par une augmentation de la fiscalité (les agences tablent sur 2,1 milliards d’euros annuels de redevances), laquelle se veut par ailleurs "plus incitative", avec "un signal prix accru". Ces 12e programmes seront en effet les premiers à intégrer la réforme des redevances des agences de l’eau qui, notamment, introduit deux redevances "de performance" pour inciter les collectivités à optimiser les réseaux d’eau potable et les systèmes d’assainissement. Cette réforme, toujours en cours de mise en oeuvre (voir notre article du 30 octobre), entrera pour mémoire en vigueur le 1er janvier prochain.

Des hausses de redevance "pas pour donner aux cigales"

"Nous avons pris nos responsabilités", vante Audrey Bardot, présidente du comité de bassin Rhin-Meuse. Aussi ne cache-t-elle pas un certain "agacement" face au potentiel prélèvement de 130 millions d’euros qu’opérerait l’État, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2025, sur le budget des agences pour combler (un tout petit peu) ses déficits. "Nous avons eu le courage d’augmenter les redevances. On ne peut pas accepter de les donner aux cigales", tonne à son tour André Flajolet, président du comité de bassin Artois-Picardie. "On espère une issue favorable", confesse Audrey Bardot, en relevant que les sénateurs semblent tout aussi hostiles à cette ponction que ne l’étaient les députés. Si ce prélèvement devait néanmoins être confirmé, il ne remettrait toutefois pas en question ces 12e programmes d’intervention, tient à rassurer Nicolas Mourlon, directeur général de l’agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse : "Ce qui se joue, c’est une question de trésorerie ; le plafond de recettes n’est pas remis en cause", précise-t-il. "Cela peut conduire à revoir des budgets d’intervention, mais à la marge", ajoute sa collègue de l’agence Adour-Garonne, Élodie Galko, tout en soulignant la nécessité "de conserver une trésorerie positive tout au long de l’année".

Une affaire de principe

Plus que ses conséquences financières, c’est le principe même de ce prélèvement qui ne passe pas. "Les différents acteurs de nos bassins ont consenti à cette augmentation des redevances, mais pas pour cette raison. Avec ce prélèvement, on revient sur ce consentement, et c’est pour cela que c’est catastrophique", soulignent en cœur les représentants des agences. D’autant que si Audrey Bardot se dit "fière du travail collectif que les parlements de l’eau que sont les comités de bassin ont ainsi réalisé, montrant que l’intelligence collective est possible", on sait que le consensus est plus que jamais fragile, et d’autant plus difficile à obtenir à mesure que l’eau se fait rare. "L’eau n’est pas un sujet technique, mais politique, qui nécessite du courage", insiste Thierry Burlot, président du comité de bassin Loire-Bretagne. Et de prendre pour preuve l’exemple de "Sainte-Soline, où tout le monde a eu peur, et où l’État s’est retrouvé seul".

Des programmes d’intervention qui couvrent "toute la question de l’eau"

Du courage, il en a également fallu pour décider de l’emploi de ces redevances. Si Nicolas Juillet, président du comité de bassin Seine-Normandie, observe que ces programmes d’intervention "ont été construit à la demande des territoires, au terme d’un processus de concertation intense" (pas moins de 69 réunions pour son bassin) et "répondent donc à des problématiques très différentes d’un territoire à l’autre", Loïc Obled, directeur général de l’agence de l’eau Loire-Bretagne, souligne que "de vrais choix ont été opérés. On n’est pas dans une logique de guichet". D’un plan à l’autre, on retrouve toutefois de grandes similitudes, non sans logique tant les défis sont communs : restaurer le bon état des eaux, notamment via la réduction des pollutions — laquelle occupe le premier poste financier des agences ; garantir un approvisionnement en eau potable de qualité ; enrayer l’érosion de la biodiversité ; réduire les prélèvements ; renforcer les solidarités entre les territoires… sans oublier l’adaptation au changement climatique, à l’heure où, souligne Thierry Burlot, "le bilan financier des catastrophes naturelles de 2024 va dépasser les budgets des agences de l’eau". "Créés en 1964 uniquement pour lutter contre la pollution industrielle, avant d’intégrer l’assainissement, l’eau potable…, ces programmes d’intervention ont aujourd’hui atteint la maturité, puisqu’ils intègrent désormais totalement la question de l’eau", note André Flajolet.

Changement de paradigme

Plutôt que cette tendance expansionniste, c’est un changement de paradigme que préfère mettre en lumière Thierry Burlot : "Il faut prendre la mesure de ce qui nous arrive : les agences ont fait leur histoire sur le petit cycle de l’eau. Or, dans ce 12e programme, le financement du grand cycle de l’eau est en train de dépasser celui du petit cycle de l’eau". Un changement qui appelle selon lui à "créer de nouvelles solidarités, différentes de celle du petit cycle", mais aussi à une mise en "cohérence des actions. Il faut que la politique de l’eau sorte de son silo et s’adresse à tous", exhorte-t-il, en plaidant notamment pour l’instauration de "contrats de gouvernance avec les intercommunalités, les départements, les régions, avec ceux qui traitent de l’économie, de l’aménagement du territoire, etc., car sans eau, rien n’est possible". Au passage, s’il ne se dit "pas adepte de la marche forcée", il avoue "ne pas comprendre comment des intercommunalités, qui ont la compétence d’aménagement de l’espace, qui ont la compétence développement économique, peuvent envisager de le faire sans eau".

 

Dans le détail

- Agence Seine-Normandie : 3,7 milliards d’euros d’aides et six orientations stratégiques : bon état des eaux ; sobriété ; préservation de la ressource pour sécuriser l’approvisionnement en eau potable ; transition agricole ; biodiversité ; solidarité entre les territoires ;

- Agence Adour-Garonne : 2 milliards d’euros d’aides et quatre axes stratégiques : développement des politiques de l’eau dans les territoires ; équilibre entre ressource disponible, usages et besoin des milieux en recherchant la sobriété ; préserver et restaurer les milieux aquatiques et leur biodiversité ; protéger la qualité de l’eau ;

- Agence Rhin-Meuse : 1 milliard d’euros d’aides et cinq axes stratégiques : bon état des eaux à l’horizon 2027 ; sobriété ; préservation de la biodiversité ; solutions fondées sur la nature ; protection et reconquête des captages, une "ultra priorité" ;

- Agence Artois-Picardie : 1,1 milliard d’euros d’aides et cinq enjeux : préserver et restaurer la fonctionnalité écologique des milieux aquatiques ; garantir une eau potable en quantité et qualité ; limiter les effets négatifs des inondations en s’appuyant sur la nature ; protéger le milieu littoral et marin ; mettre en cohérence les politiques publiques avec le domaine de l’eau ;

- Agence Rhône Méditerranée Corse : 3,1 milliards d’euros d’aides et quatre enjeux : bon état des eaux ; adaptation au changement climatique ; reconquête de la biodiversité ; solidarité entre les territoires ;

- Agence Loire-Bretagne : 2,1 milliards d’euros d’aides et deux priorités : bon état des eaux et solidarité entre les territoires.

 

 



 

 

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