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Réforme ferroviaire : le Sénat a achevé l'examen du projet de loi

Le Sénat a achevé, dans la nuit de jeudi à vendredi, l'examen en première lecture du projet de loi pour un nouveau pacte ferroviaire. Parmi les amendements adoptés plusieurs sont de nature à rassurer les collectivités et autorités organisatrices.

Entamé dans la nuit du 29 mai l'examen au Sénat du projet de loi pour un nouveau pacte ferroviaire s'est terminé dans celle du 31 mai. Plus de 250 amendements ont été passés en revue durant 25 heures de débats. Le 30 mai, l'examen fut laborieux et butait encore en début de soirée... sur l'article un du projet de loi ! Soit celui autorisant le gouvernement à légiférer par voie d'ordonnances pour réformer le groupe public ferroviaire, les entités qui le composent et le régime juridique des personnels.
Le rattrapage s'est opéré le 31 mai. Le sénateur centriste de l'Eure Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, explique que le texte est sorti "inabouti" de l'Assemblée nationale et que "le Sénat a donc mis à profit la navette parlementaire pour l'améliorer et répondre au mieux aux préoccupations des cheminots, des usagers et des territoires". Les sénateurs se prononceront le 5 juin sur le texte qu'ils ont remanié en adoptant des amendements de tous les groupes politiques à l'occasion d'un vote solennel. Le projet de loi continuera son parcours parlementaire avec une commission mixte paritaire prévue le 13 juin qui permettra aux députés et aux sénateurs de tenter de s'accorder sur une version commune.

Aménagement du territoire : un apport emblématique

De cette première lecture il ressort une avancée issue de la proposition de loi des sénateurs Hervé Maurey et Louis Nègre relative à l'ouverture à la concurrence du transport ferroviaire. Elle concerne les dessertes TGV et vise à garantir leur pérennité en incitant l'État à réaffirmer son rôle. Pour répondre aux besoins d'aménagement du territoire, "préserver des dessertes directes sans correspondance" et celles qui, dans le contexte d'ouverture à la concurrence, seront "considérées comme non rentables", des contrats de service public seront conclus pour l'exploitation. "Car en l'absence de financements spécifiques, la responsabilité de leur maintien ne saurait peser sur les seules régions", a défendu le rapporteur et sénateur d'Eure-et-Loir Gérard Cornu. "Il reviendra à l'État de conclure ces contrats dès lors qu'il aura identifié le risque de suppression d'une desserte ou été informé de la suppression d'un service commercial existant", a-t-il précisé.

Dessertes TGV : sécuriser les engagements pris lors de leur construction

Un autre amendement adopté concerne les dessertes des gares des collectivités situées en deçà ou au-delà du tracé des lignes à grande vitesse (LGV) et qui "ont participé à leur financement en échange d'une desserte de leurs gares par des TGV permettant aux usagers d'éviter des ruptures de charge". Porté par la sénatrice LR du Bas-Rhin Fabienne Keller et adopté contre l'avis du rapporteur et du gouvernement, il vise à les sécuriser en indiquant que le calcul des redevances d'infrastructures perçues par SNCF Réseau doit prendre en compte la nécessité pour l'État de respecter les engagements pris lors de la construction des LGV.
Quant au dialogue local sur les politiques de desserte et d'articulation avec les correspondances, il se déroulera via des "comités de suivi" prévus à l'article 3 bis A du projet de loi et qui associeront des représentants des collectivités. Fabienne Keller a en outre fait passer une précision sur le diagnostic ou rapport qui a débuté sur l'état des "petites lignes" (voir notre article sur le rapport Spinetta dans l'édition du 15 février 2018). Outre le nombre de circulations et de voyageurs empruntant chaque ligne, "en vue d'établir une classification actualisée au regard de l'état des infrastructures", il tiendra compte de la période (saisonnalité) et de l'état physique de ces lignes.

Rassurer et épauler les régions

Le texte (article 2 ter) a aussi été amendé pour sécuriser les régions qui conventionnent avec SNCF Mobilités pour la desserte TGV dans leur territoire. Certaines le font notamment en autorisant les abonnés TER à emprunter certains TGV sur des dessertes au sein de la région, par exemple dans les Pays de la Loire, en Occitanie ou dans le Grand Est. Ce qui leur permet de programmer moins de TER et, pour la SNCF, de mieux remplir ses TGV. Problème : les négociations sur ces conventions sont corsées et la "SNCF utilise sa position dominante pour imposer des conditions léonines aux Régions".
Pour assurer l'équilibre économique du contrat et vérifier les conditions financières les Régions pourront saisir l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer). Petite victoire des sénateurs centristes du Doubs Jean-François Longeot et du Cantal Bernard Delcros qui, malgré l'avis défavorable du gouvernement, ont fait passer une précision technique mais importante (voir ici) visant les services de transport ferroviaire sous contrat de service public, la "soutenabilité des redevances" et la prise en compte de spécificités telles que "l'existence d'une contribution financière des autorités organisatrices à leur exploitation".

Transmission des données : la voie entrouverte 

Autre enjeu ayant déjà fait l'objet de débats en commission (voir notre article dans l'édition du 23 mai 2018), la nécessité pour préparer les appels d'offres dans le cadre de l'ouverture à la concurrence que SNCF Mobilités et SNCF Réseau transmettent aux autorités organisatrices (État et Régions) des informations et données jugées confidentielles et relevant du secret commercial. Annulant un apport en commission, il a été jugé bon dans l'hémicycle de revenir à une rédaction initiale et de redonner dans ce domaine la main aux entreprises, gestionnaires et exploitants qui évalueront eux-mêmes quelles informations relèvent ou non du secret en matière industrielle et commerciale. Le texte n'a pas été retouché au sujet des garanties visant à s'assurer que les autorités organisatrices ne divulguent pas ces données pour éviter que des concurrents de la SNCF y aient accès.

Gares fantômes et modèle économique

Il a par ailleurs été introduit dans le texte la nécessité de "maintenir l'accueil des populations riveraines et touristiques au sein des gares, non seulement en période touristique, hivernale, estivale mais aussi tout au long de l'année pour les habitants qui utilisent le train comme moyen de transport pour rejoindre leur lieu de travail". Cet amendement cible les "gares fantômes" qu'il est courant de voir dans de petites communes et dont "l'usage se limite à l'accès aux quais, certaines d'entre elles ne disposant même plus de salle d'attente". Piste : mieux associer les parties prenantes, la ville, la région et "jusqu'aux propriétaires privés de fonciers aux abords des gares pour élaborer des projets de quartiers de gares, et non plus seulement des projets de gares". Les sénateurs ont également acté le fait, dans le domaine des nuisances sonores générées par le ferroviaire, de mieux prévenir et caractériser les pics de bruit auxquels sont exposés les riverains. Un rapport du gouvernement au Parlement est attendu "dans un délai de cinq mois à compter de la promulgation de la présente loi".