Nouveau pacte ferroviaire - Réforme ferroviaire : les sénateurs embarquent à bord
Après les députés, c'est au tour des sénateurs de se pencher sur le projet de loi pour un nouveau pacte ferroviaire, à l'origine du mouvement de grève actuel. Le 23 mai, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable au Sénat a d'ores et déjà fait bouger les lignes.
L'examen en première lecture du projet de loi pour un nouveau pacte ferroviaire a débuté en commission au Sénat le 23 mai. L'Assemblée nationale l'a adopté le 17 avril dernier. Au Sénat, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable vient d'adopter le texte après l'avoir modifié par une centaine d'amendements dont les trois quarts défendus par son rapporteur, le sénateur (LR) d'Eure-et-Loir Gérard Cornu. La ministre des Transports, Elisabeth Borne, a salué l'ouverture "d'une nouvelle étape de la réforme". Son examen en séance publique débute le 29 mai.
Ouverture à la concurrence : pas d'appels d'offres sans accès aux données
Parmi les amendements votés en commission, plusieurs précisent les conditions de l'ouverture à la concurrence, l'un des principaux axes de la réforme. Sur proposition du rapporteur (amendement à l'article 2, reprenant une suggestion formulée par les sénateurs Hervé Maurey et Louis Nègre dans leur proposition de loi sur l'ouverture à la concurrence), le dispositif de transmission obligatoire d'informations à l'Etat et aux régions, autorités organisatrices, par les opérateurs de transport, des gestionnaires d'infrastructure et des gares, pourrait évoluer. L'enjeu est de "concilier la protection légitime des données couvertes par le secret industriel et commercial et la nécessité, pour l'autorité organisatrice, de disposer d'un certain nombre d'informations pour exercer pleinement son rôle et pour préparer les appels d'offres". Pour exercer leur rôle et effectuer un suivi, "les autorités organisatrices ont en effet besoin d'avoir accès à ces informations tout au long de l'exécution du contrat". Définir ces informations obligatoires à transmettre passerait par un décret en Conseil d'État, pris après avis de l'Arafer (Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières). L'encadrement de la transmission par les AO de ces informations couvertes par le secret en matière industrielle et commerciale mais nécessaires aux candidats aux appels d'offres a également été précisé.
Transfert des matériels, billet unique et gestion des gares
Jean-François Longeot, sénateur centriste du Doubs, a fait passer un amendement qui introduit dans le projet de loi des dispositifs prévus par la proposition de loi sénatoriale sus-évoquée. Il prévoit le transfert à l'autorité organisatrice compétente, "à sa demande", de la propriété des matériels roulants et ateliers de maintenance "majoritairement utilisés pour l'exécution de services faisant l'objet d'un contrat de service public" (services conventionnés). Autre nouveauté introduite : permettre à l'Etat d'imposer aux entreprises ferroviaires exploitant des services de transport de voyageurs de participer à un système commun d'information des voyageurs et de vente de billets : "Il s'agit de permettre à l'usager d'acheter un billet unique, même lorsque la prestation de transport est assurée par plusieurs opérateurs".
D'autres amendements adoptés concernent le développement des gares. Le rattachement de Gares & Connexions à SNCF Réseau va passer par une filialisation (article 1er du projet de loi). Mais pour que le gestionnaire des gares puisse continuer à investir dans leur modernisation, les sénateurs veulent des garanties d'autonomie financière de cette filiale vis-à-vis de SNCF Réseau qui est lourdement endettée. La commission a par ailleurs adopté un amendement précisant les missions de la filiale de SNCF Réseau chargée de la gestion unifiée des gares de voyageurs qui "devra notamment assurer une péréquation adaptée des ressources et des charges entre les gares qu'elle gère".
TGV en open access : réaffirmer le rôle de l'Etat
Le projet de loi a aussi été amendé en y introduisant une autre requête des sénateurs Hervé Maurey et Louis Nègre. Dans leur proposition de loi adoptée au Sénat en mars dernier, ils suggéraient d'encadrer l'open access, craignant que la libéralisation des TGV prévue selon ce modèle privilégie les services les plus rentables. A leurs yeux, le dispositif de modulation des péages prévu à l'article 1er bis du projet de loi ne suffirait pas à éviter cet écrémage. Or les TGV desservent 230 villes et si les entreprises ferroviaires, y compris l'opérateur historique, étaient un jour "enclins à assurer avant tout les services les plus rentables, ceux qu'ils estiment peu ou non rentables pourraient disparaître alors même qu'ils sont indispensables à l'aménagement du territoire".
Les sénateurs proposent donc que l'Etat garantisse la pérennité des dessertes actuelles et s'engage à conclure sur les dessertes fragiles un contrat de service public assurant leur viabilité économique grâce à l'apport de subventions publiques (sans que la responsabilité de leur maintien ne pèse uniquement sur les régions) et préservant ainsi les dessertes directes sans correspondance. "Ce dispositif permet de préserver de façon certaine des dessertes considérées comme non rentables dans le contexte de l'ouverture à la concurrence, sans correspondance pour les usagers", a défendu le rapporteur.