Logement - Réforme en profondeur pour le PTZ+ et petite révolution pour le zonage
Le 25 juin dernier, Sylvia Pinel présentait en conseil des ministres un ensemble de mesures visant à relancer la construction de logements (voir notre article ci-contre du même jour). Parmi les dispositions annoncées figurait notamment une - nouvelle - réforme du PTZ+, le prêt à taux zéro destiné à financer la primo-accession à la propriété. Cette réforme s'est concrétisée durant l'été, à travers un décret et un arrêté publiés au Journal officiel du 6 août. Objectif affiché : renforcer, à compter du 1er octobre prochain, l'efficacité du PTZ+ "dans les zones où son effet de levier est le plus grand", passer de 44.000 à 75.000 prêts distribués par an et contribuer du même coup à la relance de la construction, devenue la priorité du gouvernement.
Augmentation des plafonds de ressources en zone B2 et C
Pour atteindre cet objectif, le décret du 1er août 2014 prévoit plusieurs mesures. La première consiste à augmenter le plafond de ressources pour l'accession au PTZ dans les zones peu et moyennement tendues, afin d'en ouvrir davantage l'accès aux classes moyennes. En zone B2, ce plafond passe ainsi - pour un ménage de quatre personnes - de 40.000 à 48.000 euros par an, et de 37.000 à 44.000 euros en zone C. Ceci devrait avoir pour effet d'accroître le nombre de bénéficiaires du PTZ dans ces deux zones. Le plafond de ressources reste en revanche inchangé en zone A, correspondant aux territoires les plus tendus en matière de logement (72.000 euros par an pour une famille de quatre personnes), ainsi qu'en zone B1 (52.000 euros).
Seconde mesure prévue par le décret du 1er août : la mise en place de nouveaux barèmes permettant aux emprunteurs de bénéficier d'un prêt plus avantageux (voir notre encadré ci-dessous), se traduisant ici par une aide renforcée dans les zones B1, B2 et C et un nombre de bénéficiaires en augmentation dans les zones B2 et C.
Une étude d'impact qui laisse songeur
La brève étude d'impact qui accompagne le décret laisse quelque peu songeur. Elle conclut qu'avec un coût générationnel brut annuel de 815 millions d'euros et un coût net des PTZ+ émis en 2014 de 795 millions d'euros, le nouveau dispositif se situe juste sous le plafond de 820 millions de coût générationnel brut annuel, prévu par l'article 244 quater V du Code général des impôts (CGI). Ce résultat est d'autant plus remarquable qu'il est obtenu malgré une hausse attendue du nombre de PTZ+ (production estimée de 11.500 prêts au deuxième trimestre 2014, contre 29.000 prévus au dernier trimestre 2014) et malgré la très nette amélioration du PTZ+ dans les zones B1, B2 et C.
Il est dommage que l'étude d'impact - comme le communiqué de la ministre du Logement du 6 août dernier - omettent de signaler que ce résultat est, pour l'essentiel, obtenu grâce à une détérioration du PTZ+ en zone A. Or, si la zone A comprend quelques communes plutôt favorisées de l'Ain, des Alpes-Maritimes, de la Haute-Savoie et du Var, elle comprend aussi la partie la plus peuplée de l'Ile-de-France, avec des communes comme Mantes, Chanteloup-les-Vignes, Saint-Denis, Montfermeil, Gennevilliers ou Argenteuil.
Cette "compensation" des mesures en faveur des zones B1, B2 et C par un durcissement des conditions du PTZ+ en zone A est d'autant plus forte que 3,5 millions d'habitants - dont ceux des villes de Lille, Lyon, Marseille et Montpellier - passent, avec le nouveau zonage (voir ci-dessous), de la zone B1 à la zone A et bénéficieront donc, eux aussi, d'un PTZ+ moins favorable.
Nouveau zonage : quelles sont les aides concernées ?
Car le même jour que le décret, le Journal officiel a publié un arrêté daté du 1er août 2014 (et de 178 pages !) modifiant le zonage applicable à nombre d'aides au logement. Ce zonage remonte à la mise en place du dispositif Robien en 2003, avec toutefois déjà deux révisions en 2006 et 2009. Objectif : "tenir compte des évolutions des dynamiques territoriales" et "s'adapter le plus finement possible aux réalités locales du marché immobilier".
Ce nouveau zonage - très attendu - entrera en vigueur le 1er octobre 2014 pour ce qui concerne le PTZ+, mais aussi le dispositif d'aide à l'investissement locatif intermédiaire pour les particuliers (article 199 novovicies du CGI) et le dispositif fiscal de TVA à taux réduit pour le logement locatif intermédiaire (article 279-0 bis A du CGI). Il entrera ensuite en vigueur le 1er janvier 2015 pour ce qui concerne le bénéfice des aides de l'Agence nationale de l'habitat (Anah), le "Borloo ancien", le prêt locatif intermédiaire, la TVA réduite en zone Anru, les dispositifs liés à la promotion HLM, ainsi que l'appréciation des plafonds de ressources pour les nouveaux logements intermédiaires détenus par les organismes HLM dans le cadre de leur service d'intérêt économique général. Enfin, il sera applicable, à compter du 1er février 2015, aux agréments de prêt social de location-accession (PSLA).
Près de 12 millions d'habitants vont changer de zone
Le nouveau zonage a notamment pour effet d'augmenter le nombre de communes classées en zone A. De grandes villes comme Lille, Lyon, Marseille et Montpellier vont ainsi passer de la zone B1 à la zone A. Les 3,5 millions d'habitants concernés bénéficieront donc de conditions sensiblement moins favorables pour le PTZ+ (même si ce reclassement peut se révéler positif sur d'autres aspects).
Au total, 670 communes (représentant environ 700.000 habitants) sont déclassées, mais uniquement entre les zones B1 et B2. En revanche, aucune commune n'est déclassée en zone C, "afin de ne pas pénaliser la construction de logements". Une mesure qui devrait satisfaire les petites villes.
A l'inverse, 1.180 communes - regroupant plus de dix millions d'habitants - sont reclassées dans les zones A bis (Paris et des communes proches), A ou B1. Parmi les communes qui passent de B2 à B1, figurent notamment de grandes villes comme Caen, Dijon ou Le Havre. Leurs habitants seront donc gagnants au regard du PTZ+.
Pour justifier ces changements, qui n'ont rien de cosmétiques, la ministre du Logement prend bien soin de rappeler, dans un communiqué du 6 août, qu'avant d'aboutir à l'arrêté, "une concertation avec les partenaires locaux impliqués dans la politique du logement a été menée début 2014, via les préfets, pour aboutir à un projet de zonage qui a fait l'objet d'un premier arbitrage par le Premier ministre fin juin 2014. Cet arbitrage a de nouveau été transmis aux préfets pour avis avant de fixer définitivement le classement des communes". Une précision bien utile pour faire passer ce qui s'apparente à une petite révolution dans le secteur des aides au logement...
Jean-Noël Escudié / PCA
Les nouveaux barèmes du PTZ+
Le décret du 1er août 2014 modifiant le PTZ+ prévoit notamment la mise en place de nouveaux barèmes visant à offrir aux emprunteurs un prêt plus avantageux. Ces barèmes portent sur les quotités de prêt, les plafonds d'opération et les profils de remboursement.
La quotité du PTZ+ (part du coût du bien plafonné couverte par le prêt) reste inchangée pour les zones B1 (26%), B2 (21%) et C (18%). Elle diminue en revanche dans la zone A, passant de 33% à 26%, autrement dit un alignement sur la zone B2. La quotité pour une accession dans l'ancien reste, pour sa part, inchangée à 10%, quelle que soit la zone concernée.
En matière de plafonds (limites maximales de la dépense prise en compte), le décret apporte deux novations. D'une part, il supprime le distinguo entre l'accession dans le neuf et l'accession dans l'ancien, au profit d'un barème unique. D'autre part, Il augmente sensiblement les montants plafonds d'opération dans les zones B1, B2 et C, et les réduit sur la zone A. Par exemple, pour une famille de quatre personnes, le prix plafond pris en compte pour le calcul du PTZ+ augmente - dans le neuf - de 158.000 à 200.000 euros en zone C, de 172.000 à 220.000 euros en zone B2, de 234.000 à 270.000 euros en zone B1, mais recule de 312.000 à 300.000 euros en zone A.
Enfin, le décret du 1er août modifie les tableaux relatifs à la fraction du prêt faisant l'objet d'un différé de remboursement et à la durée de chacune des périodes de remboursement. Si ces tableaux comportent toujours cinq tranches, correspondant à des niveaux croissants de revenus, ces dernières sont modifiées avec - à nouveau - une fusion des barèmes entre le neuf et l'ancien, une majoration importante des plafonds de ces tranches dans les zones B1, B2 et C et une diminution de ces plafonds pour la zone A. Par exemple, le montant maximal d'appartenance à la tranche 1 (correspondant aux revenus les plus faibles, ouvrant droit au PTZ+ le plus avantageux) augmente de 11.500 à 13.000 euros dans la zone C, alors qu'il diminue de 23.000 euros à 20.000 euros dans la zone A.
Pour mémoire, on rappellera que l'appartenance à l'une de ces cinq tranches est, selon l'article R.31-10-11 du Code de la construction et de l'habitation, "déterminée par la correspondance entre les limites de tranche et le montant total des ressources mentionné au c de l'article L.31-10-4 divisé par le coefficient familial apprécié selon les modalités fixées à l'article L.31-10-12".
Le décret améliore aussi le différé de remboursement pour les ménages relevant de la tranche 2 (7 ans en différé de remboursement et 18 ans en remboursement, contre 5 et 20 ans actuellement) et plus encore pour ceux relevant de la tranche 3. Ceux-ci obtiennent en effet le bénéfice du différé à 100% (comme pour les tranches 1 et 2), avec 5 ans en différé et 15 ans en remboursement (contre 20 ans sans différé jusqu'à présent). La situation des tranches 4 et 5, ainsi que celle de la tranche 1, restent en revanche inchangée sur ce point.
J.-N.E.
Références : décret 2014-889 du 1er août 2014 relatif aux prêts ne portant pas intérêt consentis pour financer la primo-accession à la propriété ; arrêté du 1er août 2014 pris en application de l'article R.304-1 du code de la construction et de l'habitation (Journal officiel du 6 août 2014).